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Les violences de rue continuent en Grèce

Publie le lundi 7 décembre 2009 par Open-Publishing
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Les violences de rue continuent en Grèce
Angélique Kourounis

L’hommage au jeune homme tué l’an dernier dégénère en échauffourées.
La marche sur le parlement en mémoire à Alexis Grigoroupos, 15 ans, tué l’année dernière dans le quartier d’Exarchia par un policier, venait à peine de démarrer que les premières pierres étaient lancées sur les policiers. Quelques minutes plus tard les anarchistes ont réussi à remplacer le drapeau grec du rectorat par celui de leur mouvance. Du jamais vu. Moins drôle, le recteur de l’université a été pris à parti par une centaine de jeunes qui voulaient occuper le rectorat. Il s’y est opposé. Roué de coups, il a dû être transporté aux urgences.

Depuis la veille, où 150 personnes ont été interpellées par la police suite au premières échauffourées, le ton était donné. Les appels au calme lancés par le Président de la République mais aussi par le père du jeune Alexis n’ont pas été entendus.

"Rien n’a changé depuis", explique très en colère Yiannis, étudiant en droit. "La police est toujours au-dessus des lois, on est toujours les cibles de leur arrestations arbitraires. Ils sont un Etat dans l’Etat. Cette manifestation est LA manifestation contre leur toute-puissance et leur impunité". Yiannis comme la plupart de ses amis venus manifester n’accorde aucun crédit aux socialistes fraîchement arrivés au pouvoir. "Ce n’est pas parce que le ministère de l’Ordre public s’appelle désormais ministère de la Protection du citoyen que la mentalité des flics a changé ! C’est blanc bonnet et bonnet blanc ! Même si Xrisixoidis (le ministre de la Protection du citoyen) est sincère, ce que je ne crois pas, ses sbires ne le sont pas. Ils sont dans leur majorité des abrutis illettrés qui ne savent faire qu’une chose : frapper. Alors, nous aussi, on continue comme avant".

Déçus par les partis politiques, Yiannis et ses copains défilent désormais avec les Black Blog, l’extrême gauche et les anarchistes qui cherchent l’affrontement avec la police, même quand celle-ci évite de les provoquer. Leur mot d’ordre : "violence à la violence". Ingrid jeune étudiante française établie en Grèce le temps d’un programme Erasmus a du mal à comprendre cette violence : "Je suis moi aussi de ces manifestations, et de voir les Grecs se mobiliser comme ça c’est super. Ça m’a donné l’envie à moi aussi, une fois rentrée en France, de m’impliquer plus dans le mouvement étudiant. Mais pour moi, la limite est là, lancer des pierres et des cocktails Molotov sur les policiers ne fait pas avancer les choses, ils n’y sont pour rien"

Comme Ingrid, d’autres jeunes sont moins radicaux que Yannis et sa bande, mais la plupart n’attendent pas grand-chose du gouvernement. Pour Petros Markaris, écrivain considéré comme le Simenon grec, cette colère des jeunes est une conséquence directe du blocage de la société grecque. Mais souligne-t-il, très en colère lui aussi, "ces émeutes n’ont rien changé. Oui, ils sont descendus par milliers dans la rue pendant des semaines et alors, vous avez vu quelque chose changer ? Moi j’ai rien vu. On n’a rien construit sur cette colère, il n’en est rien sorti."

Pourtant, dans le quartier de Kispeli et Exarchia, cette rage a fait fleurir des parcs auto administrés sur des parkings à ciel ouvert. Depuis, ces anciens parkings sont devenus des lieux de rencontre très prisés, 24 heures sur 24, par des riverains de tous âges. C’est la première fois depuis 1975 que la colère de la rue débouche sur du concret positif en Grèce.

Reste que la manifestation de dimanche, tout comme celles qui sont annoncées pour les semaines à venir, sont de véritables tests pour les socialistes arrivés au pouvoir le 4 octobre dernier. Ils le savent. Aussi, après avoir manié la carotte et le bâton depuis deux mois, ils ont annoncé qu’ils sont prêts, si nécessaire à passer outre le sacro-saint droit d’asile pour déloger les manifestants et casseurs qui se réfugieraient dans l’université. Et c’est là d’ailleurs que se situe le véritable enjeu de cet affrontement.

Les professeurs qui y enseignent le savent aussi, dimanche soir tard dans la nuit, ils négociaient avec les jeunes retranchés dans le rectorat, toujours flanqué du drapeau anarchiste. Si jamais la police entre dans l’enceinte universitaire, il n’est pas exclu que l’on retombe dans les mêmes violences qui ont secoué le pays l’année dernière.

Le premier bilan provisoire des affrontements est de 20 blessés, dont 17 policiers, 300 interpellations, 50 arrestations, des dizaines de voitures et poubelles brûlées et plusieurs vitrines de magasins cassées.