Accueil > Let’s make money, d’Erwin Wagenhofer
Que se passe-t-il dans les hautes sphères de la finance ? Que se passe-t-il du côté de ceux qui ont à peine de quoi survivre, et plus en général du côté de tous ceux qui subissent un système trouble sur lequel ils n’ont aucune emprise ? Ce sont les deux questions majeures abordées par ce documentaire autrichien. Mosaïque d’un choix restreint mais bien diversifié de situations à travers le monde (la spéculation immobilière sur la Costa del Sol en Espagne, la monoculture du coton au Burkina-Faso, les bidonvilles de Madras etc.), « Let’s make money » entend donner au public une vision globale des conséquences iniques de l’économie néolibérale sur la vie quotidienne de ceux – la plupart – qui n’en peuvent profiter.
L’intelligence de cette réalisation réside dans le point de vue adopté par le réalisateur : loin d’être neutre, mais aussi de l’omniprésence et de l’ironie populiste d’un Michael Moore, il se pose en observateur silencieux et attentif, dont la présence se manifeste uniquement à travers les titres donnés à chacune des parties-sujets. La parole est ainsi laissée aux acteurs de cette tragédie contemporaine, du dirigeant d’un fonds d’investissement à un parlementaire allemand, en passant par les cueilleuses de coton burkinabé et le responsable commercial d’un projet immobilier en Andalousie…
On se sent tour à tour étonnés des dimensions des enjeux, impuissants face à des ennemis qui n’ont pas de nom ni de visage, indignés devant la misère, en colère contre la froideur de ceux qui affirment nonchalamment que « le meilleur moment pour acheter, c’est quand le sang se répand dans la rue ». Petits et désarmés surtout, car les règles (ou plutôt l’absence de règles) qui s’appliquent aux mouvements d’argent au niveau mondial sont au-dessus des politiques nationales. Cela veut dire que notre pouvoir de décision, même dans les pays soi-disant démocratiques, est proche du néant.
On peut regretter que cette pellicule ne soit pas accessible à tout le monde, et notamment à ceux dont le niveau d’instruction ne leur permet pas de comprendre les termes techniques, largement utilisés : paradoxal puisque ces mêmes personnes sont celles pour qui ce film est censé prendre parti ; d’autre part le lien n’est pas toujours clair entre les mécanismes sordides des fonds d’investissement et leurs conséquences sur la vie des gens communs, autrement dit la chaîne qui lie la spéculation financière à la pauvreté n’est pas décrite dans le détail, à peine elle l’est dans son ensemble.
Malgré ces deux défauts, « Let’s make money » reste un film important, indispensable, à voir absolument. Il ne faut pourtant pas s’arrêter là : limité par les 107 minutes de sa durée, cet excellent résumé invite le public à réfléchir d’abord, approfondir ensuite, pour s’engager enfin.
Messages
1. Let’s make money, d’Erwin Wagenhofer, 18 mai 2009, 18:15
je dois y aller.
A paris au M. le prince, près du luxembourg