Accueil > Lettre Ouverte à M. Delanoé, Maire de Paris

Lettre Ouverte à M. Delanoé, Maire de Paris

Publie le mercredi 12 février 2003 par Open-Publishing

Lettre Ouverte à M. Delanoé, Maire de Paris
Pour quelles " responsabilités " êtes-vous élu ?

Aujourd’hui, mardi 11 février, nous sommes rassemblés sur la Place de
l’Hôtel de Ville et vous n’en ignorez pas les raisons. L’expulsion
dimanche
soir des sans papiers et soutiens par les CRS de M. Sarkozy, sur votre
réquisition, s’est traduite par 15 évacuations à l’hôpital par les
pompiers.
Le personnel médical des urgences a témoigné qu’au vu du nombre de
blessés
et de la gravité de certaines blessures, " l’évacuation n’a pas dû être
tendre "(sic !). Et en effet : coups de matraques, coups de pieds
violents
sur les côtes, au visage, à l’intérieur comme à l’extérieur du gymnase
 :
voilà la dernière version de l’examen avec " humanisme et pragmatisme "
du
dossier des sans papiers par M. Sarkozy. Après les récentes expulsions
avec
mort d’hommes, cette sauvagerie aveugle ne nous surprend pas. Qui peut
encore douter qu’en lieu et place de la régularisation, ce sont des
expulsions massives, parfois dans des cercueils, que M. Sarkozy réserve
aux
sans papiers ?

Par contre, ce qui peut paraître surprenant, c’est que c’est vous, M.
Delanoé, qui avez permis à M. Sarkozy de commettre cette forfaiture. Et
devant la montée des protestations, y compris des élus de votre
majorité
municipale et des militants de votre propre parti, vous essayez
lâchement de
vous défausser sur nous. Vous expliquez en effet que vous avez délivré
bon
de fracturer à la hache les portes du gymnase Japy et tabasser les
sans-papiers, parce que nous avons déclaré vouloir faire de JAPY notre
" QG
", " au détriment des populations parisiennes ", et vous ajoutez : "
quand
on est élu, on assume ses responsabilités " !!

Nous nous permettons d’avoir quelques doutes sur le fait que c’est pour
être
un supplétif de la droite et sa politique musclée que vos électeurs ont
mis
un bulletin dans l’urne. Les électeurs de Paris sont-ils d’accord avec
la
privation de soins pour les sans-papiers avec la suppression de l’AME
par le
gouvernement de droite ? Pouvez-vous assurer que les électeurs de Paris
sont
d’accord pour que les sans-papiers continuent de vivre dans des taudis,
victimes des marchands de sommeil, parce que privés des moyens (dont un
titre de séjour) d’accéder à un logement décent ? Vos électeurs vous
ont-ils
mandaté pour observer un silence coupable devant la privation de droit
dont
sont victimes des milliers d’êtres humains, travailleurs, pères et
mères
d’enfants dont beaucoup sont scolarisés dans votre ville ? Et les lois
sécuritaires de M. Sarkozy, qui sont une agression sans précédent
contre les
libertés individuelles et collectives, qui frappent les sans papiers
mais
aussi les autres habitants de votre ville, votre mandat est-il de les
accepter ? Votre mandat est-il d’accepter que des milliers de personnes
continuent d’être victimes des négriers du travail clandestin, alors
que
leur régularisation contribuerait en partie au moins à résoudre les
problèmes de société comme la retraite, la sécurité sociale ?
Considérez-vous les sans-papiers de Paris comme des personnes non
dignes
d’intérêt, parce que privés de la possibilité de mettre un bulletin
dans
l’urne ?

Voilà des problèmes de fond que vous essayer d’esquiver, en proclamant
que
la régularisation relève du gouvernement et non de la Mairie de Paris.
Merci
pour l’information, qui est un vrai scoop ! Mais la Mairie de Paris
est-elle
solidaire de la lutte des sans-papiers ? Depuis plus de 4 mois, des
élus de
Paris vous ont demandé de mettre à la disposition de la Coordination
des
Sans Papiers un local de travail et nous-mêmes vous avons adressé un
courrier dans le même sens. Quelle est votre réponse ?

Au lieu d’avoir le courage d’exprimer clairement votre position, vous
essayez comme M. Sarkozy d’abuser l’opinion en accusant les sans
papiers
d’être des extrémistes qui veulent priver les parisiens des locaux
municipaux. Nous avons expliqué dès samedi, dans un communiqué,
l’objectif
de l’occupation de JAPY : " avoir un espace de visibilité pour que
l’opinion
sache que le problème des sans-papiers demeure entier ; que le
gouvernement
de MM. CHIRAC, RAFFARIN, SARKOZY veut tromper l’opinion pour réprimer
en
toute impunité le mouvement démocratique de milliers d’hommes et de
femmes
qui luttent pour leurs droits, pour le droit de vivre dans la dignité
".
Nous avons réaffirmé cela dans la résolution de notre Assemblée
Générale de
dimanche : " Japy est un QG pour faire la démonstration de la réalité
dramatique vécue par les Sans Papiers et démasquer ainsi la vraie
nature
répressive de la politique de Sarkozy. Japy doit permettre de faire
éclater
la vérité au grand jour ".
Comment pouvez-vous extraire de tout cela un mot, " Quartier Général ",
pour
vous précipiter de signer dans le secret de votre cabinet
l’autorisation
pour la police d’évacuer le gymnase ? Si vous avez besoin d’explication
de
texte, qu’est-ce qui donc vous a empêché d’envoyer des émissaires
auprès des
occupants ? La vérité est que dès les premières heures de l’occupation,
vos
émissaires n’ont laissé aux occupants qu’une alternative : quitter
immédiatement JAPY en contrepartie d’une audience avec votre cabinet
lundi
10 février ou être évacués. Cela, nous l’avons rejeté.

La vérité, Monsieur le Maire, est ce que tout le monde constate
aujourd’hui
 : vous êtes devenu le chouchou de la droite revancharde que les
sans-papiers
avaient contribué à chasser en 1997. En ce qui nous concerne, nous vous
disons solennellement : si " assumer vos responsabilités " consiste à
signer
des autorisations d’expulsions pour M. Sarkozy, vous devrez faire dès à
présent une bonne provision de stylos !! Et nous vous tenons d’ores et
déjà
comme responsable de toute conséquence de la façon totalement
irresponsable
dont vous voulez " assumer vos responsabilités ".

Paris, le 11 février 2003
Le Collège des Elus