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Lettre à nos parents : un texte écrit par les lycéens d’Arras, rudement bien argumenté.

Publie le lundi 27 mars 2006 par Open-Publishing
18 commentaires

Chère Maman, cher Papa,

Depuis quelques semaines, avec un grand nombre de mes copains et de mes copines, mais aussi avec d’autres jeunes des autres lycées, je demande le retrait du CPE. Au début, je ne savais pas très bien ce qu’était le CPE mais maintenant je suis sûr-e que ce contrat première embauche va me nuire pendant des années.

Sur nos pancartes, il est inscrit « jetable », savez vous qu’un employeur aura la possibilité de me licencier à n’importe quel moment, par une simple lettre et sans explication à fournir.

Sur nos pancartes, il est inscrit « exploitable », comment me sera-t-il possible de refuser, de dire Non, de réclamer ou de simplement parler franchement, puisque la porte sera toujours entrouverte pour me mettre dehors. Il me sera impossible de demander une augmentation de salaire, ou des améliorations de mes conditions de travail. Il me sera impossible de revendiquer ou de signer la moindre pétition, c’est terrible.

Toi Maman et toi Papa, dans ton entreprise, tu es considéré-e. Moi avec un CPE, je serais pendant deux ans voire plus, absent-es des effectifs. Je n’aurai pas le droit de vote pour les élections professionnelles ni pour les
Prud’hommes. Pire, si je travaille dans une entreprise avec un comité d’entreprise, mon salaire ne sera pas inclus dans le calcul de la masse salariale. C’est-à-dire que je vais là encore pénaliser les autres salariés.

Avec le CPE, le licenciement ne donne pas droit à une indemnité basée sur un pourcentage du salaire pendant les six premiers mois. Avec le CPE quand on est licencié, on touche d’abord une prime de 8% des salaires perçus (CDD 10%) et 480 EUR pendant deux mois puis plus rien, et encore, il faut quatre mois de présence. Et entre deux CPE, la période ne peut être inférieure à 2 mois.

Dans ce cas, vous comprendrez que je serais encore à la maison pendant quelques années, et j’espère que vous accepterez de m’accueillir même si cela n’était pas prévu. De même si je veux acheter une voiture, il faudra que vous vous portiez caution et de payer les traites du crédit si je suis licencié-e même si le motif est intolérable et « bidon ». Pourtant, les fins de mois sont difficiles et les factures de plus en plus lourdes.

Le CPE est un des articles d’une Loi, c’est la Loi Borloo sur l’égalité des chances. Drôle de nom pour une Loi qui divise et qui rend les salariés-es jeunes inégaux face aux autres, les plus de 27 ans et 11 mois. Dans cette
Loi, d’autres articles ; le contrat emploi senior qui est un CPE mais pour ceux de 56 à 59 ans. Il y a aussi le retour du travail des enfants à 14 ans dans l’apprentissage et pire encore le retour de la possibilité de travailler de nuit à partir de l’âge de 15 ans. Et plein d’autres mesures menaçantes sont dans cette Loi.

Ma chère maman, mon cher Papa, la situation est grave. Avec la mise en place de cette Loi, c’est tout le Droit du et au Travail qui est remis en cause.
Ils ont commencé par la jeunesse, mais la suite rapide sera la remise en cause de tout le Code du Travail et des Statuts. C’est la remise en cause de votre CDI.

La lutte que je mène aujourd’hui, c’est pour toi maman et pour toi papa, et peut être que vous ne le saviez pas. La jeunesse a montré l’exemple de son courage et de sa détermination, pourquoi pas vous ?

Mardi 28 mars, les syndicats de salariés, d’étudiants, de lycéens, appellent à la grève partout et à venir manifester. Je souhaite que toi Maman, toi Papa, que Mamie et Papy, vous m’accompagniez pour être encore plus nombreux
et montrer des familles unies et solidaires face à l’arbitraire et à la régression sociale.

Alors faites la grève et rendez vous tous ensemble le mardi 28 mars à 14h00 place de la gare d’Arras.

La jeunesse est face à un danger et elle a réagi, elle n’a pas été écoutée, aux parents de réagir. Dites le à vos amis et vos collègues.

Voilà, vous savez tout. Alors, Maman, Papa, je compte sur vous pour m’aider et me sauver des griffes de l’injustice sociale anti-jeune. Et même si sur ordre, les proviseurs envoient des lettres, si les professeurs principaux
menacent par téléphone, sachez que nous ne sommes pas paresseux-ses, mais que nous sommes en lutte pour notre avenir, alors que le leur est bien assuré et qu’ils n’ont rien à perdre d’autre que leur dignité.

Votre enfant qui vous embrasse très fort.

*Texte des lycéens en lutte d’Arras : de Carnot, de Gambetta, de Robespierre, de Guy Mollet, de Savary, de Jules Ferry, de Le Caron, du Lycée Agricole. *

Messages

  • JE L’AVAIS...

    Cela fait 2 jours que je l’avais et je l’ai fait passer à l’UL et au réseau préparatoire au 28/03 dans ma ville.
    C’est un texte très bien fait, utile et sensible.
    Il est recommandé de s’en servir comme outil de lutte à la disposition de ce combat universel :
    l’exigence de retrait ferme et définitif du CPE !

    NOSE

  • constat " d’une injustice sociale " ... appel à papa et maman pour " sortir des griffes de cette injustice sociale " ... mais nulle réflexion de fond. en tous les cas pas dans ce texte qui semble pourtant une sorte de " bréviaire " largement diffusé. le chemin est encore long, il n’est pas sûr au fond que le projet politique de la droite soit un jour défait ...

    • de la retenue, de la pudeur !

      Ces jeunes sont en luttes contrairement à certains de leurs ainés qui ont laissé derrière eux un champ de ruines des droits sociaux et autres !

      Qu’il y ait des "balbutiements" quoi de plus naturel ? la conscience politique n’est pas inné et évolue avec les luttes : prenons EXEMPLE sur cette jeunesse rebelle...et vouloir vivre comme les parents -au moins- si aujourd’hui c’est un objectif c’est que la génération des "gauchos-bobos-caviar" à trahie toutes les espérances !

      Respect et écoute pour ces jeunes qui se "remuent" !
      Leurs luttes ce sont aussi les nôtres.

      Arlequin

    • vous êtes prêt à prendre un pari ... ? lundi 27 mars, 13 h 00 : parions maintenant que même si demain la mobilisation est massive, villepin ne cèdera pas. je ne suis pas un " jaune ", je pense simplement avec mes pieds ( bien sur terre ) ... il n’y a qu’une grève générale massive qui peut les faire plier. croyez - vous les syndicats de salariés et les salariés prêts à se lancer ... ?

    • Bon, en fait, ce que vous voulez nous dire, vous qui pensez avec vos pieds, c’est qu’il vaut mieux les garder au chaud, les pieds. sans vous bouger un orteil. Parce ce que vous parlez bien de "grève générale massive", mais aussitôt pour vous inquiéter du fait que les syndicats et les salariés risquent de ne pas suivre. C’est bien ça, non ! Dans ce cas-là, la conclusion, c’est que vos pieds ne vous ont pas fait avancer d’un pas, et que vous avez pris le risque de nous casser les nôtres.

      Le Yéti (en marche)

    • Alors que les lycéens osent eux faire un effort d’écriture, il est important de les soutenir
      certes ils n’ont pas l’expérience politique de leurs ainés mais quuand même, le patronat a, sur cette question de la lutte démocratique, à se poser des questions de fond telle que l’exploitation maximum va t’elle nous mettre dans le trou

    • Je suis lycéen d’Arras et j’ai pu pariciper à la rédaction de cette lettre, seulement, l’intention n’est pas du tout de construire un projet politique... L’expression enfantine est volontaire, les maladresses aussi, elle a tout-à-fait rempli sont rôle en circulant si largement, personne n’a jamais eu l’intention d’y défendre des opinions politiques dedans, on le fait sur d’autres supports, au contraire, cette lettre a servi à montrer aux yeux de tous que la jeunesse n’était pas idiote et savait se justifier, qu’elle n’a pas pris des vacances pendant les mois d’Avril et de Mars...

  • Il n’est jamais trop tôt ni trop tard pour être un humain libéré, prêt à reconquérir ses droits de citoyen le cas échéant. Vive la jeunesse mobilisée pour plus de justice sociale : ce combat est juste, il ne faut plus reculer maintenant, empêcher toute discrimination : nous n’avons plus le choix ! la collaboration à un ordre de société qui commande de telles inepties et iniquités : CPE et tutti quanti, mène à renier les valeurs républicaines (pour essayer de survivre plus longtemps ?) Où cela mène, je vous le demande ! ... Ici, il n’est pas question de se radicaliser dans une opposition stérile, mais de défendre des droits légitimes, fondamentaux, et inscrits en tant que tels, dans les textes fondateurs de la civilisation, notamment la déclaration des droits de l’Homme de 1948, etc. Allez, haut les coeurs, je suis avec vous ! :-)))
    Jean-Jacques REY
    http://www.jj-pat-rey.com/

  • UBIK OU PAS UBIK ?

    Alors que les 2/3 du pays sont engagés dans une lutte à mort contre le CPE (dont 80% de la jeunesse), les censeurs du mouvement, ceux qui regardent passer les cortèges, font à ceux qui luttent le reproche de ne pas faire La Révolution !

    Le vieil Hugo n’en finit pourtant pas de nous répéter : "ceux qui vivent sont ceux qui luttent"...

    Alors, pour "l’analyse de fond" je fournis ces vers du magnifique poète communiste turc Nâzim HIKMET (Il neige dans la nuit/Gallimard)

    "Et s’il y a tant de misère sur terre
    c’est grâce à toi, mon frère,
    Si nous sommes affamés, épuisés,
    Si nous sommes écorchés jusqu’au sang,
    Pressés comme la grappe pour donner notre vin,
    Irai-je jusqu’à dire que c’est de ta faute, non,
    Mais tu y es pour beaucoup, mon frère." (1947)

    Ce matin (pour vous), cet après-midi (pour moi c’est 14H), dans ce coup de boutoir formidable, Tous ensemble, tous... contre le CPE. Et prenons les jours les uns après les autres ...

    NOSE

  • En réponse à un mec qui hier me disais que les jeunes lycéens manifestent sans savoir ce qu’est le code du travail, en réponse à ceux qui veulent réduire le jeune à un dechet non-inflammable, recyclable, en réponse à ceux qui pensent que c’est peut-etre bien pour que les patrons pauvres réembauche, en réponse à ceux qui ont la conviction que le pouvoir n’est pas pervers et que sa pratique n’entraine aucun abus (ouvrons les livres d’histoire - où est passé leur mémoire), en réponse à toute cette pensée résignée qui voudrait qu’on se range derrière le cortège néolibéral car c’est la seule manière d’avancer dans ce monde, en réponse à la prolifération du nucléaire, en réponse à la modernité à tout prix. Depuis 2003 nous savons laisser mourrir nos vieux ! ne sacrifions pas la jeunesse en 2006 !
    Bravo.
    Je vais à la manif. zou !

    philippe

  • LEttre tres belle...mais ne pensez vous pas cher(e)s lyceen(ne)s que il est temps aussi de liberer vos parents, autrement dit que le cpe n’est qu’un combat partiel dans une societe qui voit vos parent comme une simple ressource humaine ? La lutte n’est elle pas plus que contre le cpe une lutte contre un mouvement general de la societe ?
    Je vous embrasse tous et toutes
    Un livre interessant : LQR de Eric Hazan

    • En effet, il ne s’agit pas là d’une affaire de générations et dans leur lettre les jeunes le soulignent, ils luttent avec les syndicats de salariés ce qui est un minimum pour les syndicats de salariés. Mais le CPE n’est pas dirigé contre la seule génération des jeunes, c’est le Code du Travail français qui est visé. J’entends en ce moment sur France Inter, la démagogie de S. ROYAL vis à vis des jeunes, mais je n’oublie pas qu’elle et les siens se sont prononcés sur le plan européen pour le retour de l’apprentissage à 14 ans et le travail des femmes la nuit au nom de l’égalité hommes-femmes . Edith CRESSON (PS) était alors commissaire européen. Je n’oublie pas que le CPE est une des applications en droit français de directives européennes ( l’Allemagne vient de l’adopterpour tous)
      Personne n’est à l’abri de la précarité, jeunes lycéens d’Arras, et surtout pas vos parents et grands parents... Royal parle du "monde des adultes" qui doit donner ses chances aux jeunes, ça n’a rien de politique, ça va dans le sens de la propagande de droite qui coupe les problèmes en tranches, et qui montre comment elle et ses amis ont opéré successivement avec la droite pour nous mener dans cette situation, en nous divisant. C’est ce qu’on appelle de la science politique. Vive ROBESPIERRE qui était d’Arras.
      Un SANS CULOTTE PYRÉNÉEN

  • BRAVO !!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!!! c’est clair et honnéte...... Je vous félicite pour cet article qui explique mieux ce qu’est le C.P.E, et les conséquences negatives que ça va nous apporter à nous les jeunes..."Bravo".... C’est le premier mot qui me vient à l’esprit (après "bien dit")lorsque je lis votre article... encore une fois BRAVO !!!

  • Merci à vous tous d’avoir écrit ce texte.

    Le CPE a au moins eu le mérite de vous faire prendre conscience que lorsque vous vous réunissez en masse, dans une action pour un but commun, vous devenez une force que nul ne peut plus ignorer.
    le CPE n’est que la partie visible de l’iceberg. C’est de notre avenir à tous qu’il est question
    en réalité. Aucune tranche d’âge n’est épargnée par le délabrement généralisé
    de nos conditions de vie présentes, et plus encore à venir si nous ne faisons rien de plus.
    Alors je vous en prie, ne nous démobilisons pas.

    C’est d’une refondation totale de nos société dont nous avons tous besoin.
    Une refondation où les besoins légitimes de l’être humain soient le premier critère
    de choix lorsque nous avons à prendre des décisions, concernant les choix à faire pour la
    construction et l’organisation de nos sociétés présentes et futures.
    Vivre ensemble est un défi permanent, mais aussi un formidable enrichissement.
    Nous avons globalement les moyens sur cette terre de bien vivre, à condition de s’y prendre
    autrement que nous l’avons fait jusqu’à présent. La vie est un perpétuel apprentissage, tant individuel que collectif.

    Alors je vous en prie continuons à agir pour obtenir que ceux qui détiennent les pouvoirs,
    de quelque nature qu’ils soient, et qui nous imposent de subir leur vision rigide des choses,
    soient obligés de nous entendre, qu’ils le veuillent ou non.
    Afin de les amener à nous respecter, et à enclancher ce processus de REFONDATION incontournable de nos sociétés.

    (Ce n’est pas parce que les loups sont particulièrement féroces ou méchants qu’ils dévorent autant de moutons qu’ils en ont envie...
    C’est parce que les moutons se laissent faire.

    Un loup n’a aucune chance contre un troupeau soudé et déterminé à lui faire face.)

    Un participant de cette humanité.