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Lettre aux politiciens : Mais pourquoi ne comprenez-vous pas que la culture, c’est tout ?

Publie le lundi 26 juin 2006 par Open-Publishing
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de Pippo Delbono traduction de Chiara Ristori

Il y a quelque chose d’extraordinaire à marcher dans un bois en automne, au milieu des ces arbres jaunis, morts en apparence, quant on sait que sous ces branches sèches, rabougries par le froid, se cachent des racines solidement enfoncées dans la terre et qui au bon moment permettrons à ces arbres, pour l’instant pâles, de retrouver la lumière, le vert, la vie.

En sachant que ces racines sont la véritable nature de la forêt, et que les arbres ne sont que la manifestation d’une saison. Les arbres, tout en vieillissant, ne meurent pas en profondeur. À la différence de ces plantes d’appartement qui en un rien peuvent mourir pour toujours.

Quand je pense à la culture je pense non pas au fait de savoir des choses, mais au savoir regarder les choses du monde avec des yeux qui se renouvellent à chaque saison. Je pense à ces racines quand je pense à la culture, je pense à la liberté, je pense à la richesse, à la légèreté, à la force, à la sensibilité, à un sens que l’on donne à notre vivre, notre mourir, à la lucidité, aux yeux ouverts sur nous et sur le monde, et au savoir reconnaître une beauté dans toute chose.
Étrange alors, lorsqu’on rentre en Italie, quand on a été dans d’autres pays européens- qui peut-être ne peuvent pas se vanter de nos églises imposantes, nos palais anciens, nos musées précieux, nos places charmantes- il est étrange à quel point on a le sentiment de débarquer dans un pays pauvre. Ça se ressent dans le non accueil de l’étranger, dans la perte des attentions, dans la vulgarité des petits gestes, dans le manque de véritable élégance en dehors de celle, toute fictive, des mascarades à la mode uniformisante. Dans la perte de sensibilité, de gentillesse.

Nous sommes sidérés par la mascarade de ces équivoques personnages déguisés en rois, par ces commerçants déguisés en sportifs, déguisés en politiciens, déguisés en artistes. Mais on n’est pas surpris par un pays tout entier sans culture, sans sensibilité, sans poésie. Ça se sent dans les rues, dans les bars, dans les soi-disant lieux de culture- presque toujours des salons du dix-neuvième où l’on consomme le mort rituel du théâtre, de l’opéra. Dans les écrans de télé où l’on ne voit que des jeux, mensonges absolus déguisés en vérité.

Maintenant je me demande, et je crois que tant d’autres se demanderont, mais pourquoi donc aujourd’hui encore on parle de reformes sociales, politiques, économiques et l’on ne parle jamais de rénover la culture, qui est à la racine même du progrès ? Pourquoi on ne ressent toujours pas (malgré l’arrivée de politiciens nouveaux) le besoin urgent dans notre pays de redonner de l’eau à ces racines sèches, gâtées, corrompues, pourries, dont on veut nous faire croire que c’est de la culture, mais qui sont tout au plus plus des ternes manifestations du plus total et profond désintérêt pour cette culture ? On a presque le sensation d’une peur, que si « la poésie sortait des livres elle pourrait renverser la réalité », du moins cette réalité que l’on veut à tout prix conserver ? Ou peut-être la peur que les gens, au lieu de défendre leur image, leur position, leur carrière, commencent à consacrer leur temps à la vie ?

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