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Licata, mort d’un "invisible"

Publie le mercredi 27 septembre 2006 par Open-Publishing
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La terrible agonie d’un maçon roumain qui travaillait au noir, découvert seulement deux jours après l’effondrement d’une maison parce que le "patron" avait détourné tout le monde

de Patrizia Abbate Palerme traduit de l’italien par karl&rosa

Il était roumain, certainement embauché au noir comme maçon, probablement clandestin. C’est pourquoi la vie de Mircea Spiridon, 32 ans, valait si peu pour son "patron", qui devant l’effondrement du bâtiment en restauration où l’ouvrier était en train de travailler et à la possibilité d’avoir des ennuis, avait rassuré les pompiers : sous les gravats il n’y a personne. Et pourtant, il y avait sûrement cet homme de Bacau, arrivé depuis quelques mois avec sa jeune femme et ses trois enfants à Palma di Montechiaro, en province d’Agrigente, et entré tout de suite dans l’engrenage pervers des entreprises qui te pressent et te jettent comme rien, sans presque jamais payer les conséquences.

Mercredi matin, Mircea Spiridon était sorti de chez lui pour aller à Torre di Gaffe, une localité balnéaire entre Palma et Licata, en face des eaux du Canal de Sicile. Là, en tant que travailleur fantôme, il était en train de restaurer - semble-t-il avec d’autres collègues, roumains comme lui - un bâtiment qui s’est effrité comme un château de sable. Deux jours après, hier, les secouristes l’ont repéré, vivant, pris au piège entre des blocs de marbre et des poutres de métal. Pendant des heures ils ont tenté de le sortir, jusqu’à 8 heures du matin ils ont tout essayé et décidé ensuite d’appeler un chirurgien et de le faire amputer des pieds qu’ils n’arrivaient pas à arracher aux gravats. Ainsi, martyrisé jusqu’à la fin, Mircea est enfin arrivé à l’hôpital, à Caltanissetta. Mais il était désormais éreinté : il est mort quelques minutes plus tard devant sa femme terrifiée.

Pendant 24 heures, cet accident n’avait semblé qu’une tragédie frôlée, grâce aux mensonges d’Antonino Di Vincenzo, l’entrepreneur. Le bâtiment de 5 étages et 17 appartements, s’élevant à quelques mètres de la plage de Torre di Gaffe, était inhabité justement à cause des travaux en cours. Et aux alentours, dans l’après-midi de mercredi, la saison estivale plus ou moins finie, il n’y avait pas la foule des vacanciers qui envahit normalement le littoral. Di Vincenzo avait assuré que ce jour-là il n’y avait même pas d’ouvriers. En réalité, Mircea était là et quand le bâtiment s’est soudain effondré - qui sait pourquoi : le parquet d’Agrigente essayera de faire la lumière sur l’histoire de l’édifice, né abusif et « régularisé » ensuite - il s’est retrouvé enseveli par des tonnes de gravats et est resté ainsi pendant deux jours, grâce aux mensonges de son « bienfaiteur » que hier le secrétaire de la CGIL sicilienne, Italo Tripi, n’a pas hésité à qualifier de « criminel ».

Seules l’obstination des chiens des pompiers - qui continuaient à s’agiter tout autour, en signalant la présence de quelqu’un - et l’anxiété de la femme de Mircea ont convaincu les secouristes à chercher encore. Mercredi soir la femme, ne voyant pas rentrer son mari, s’était rendue chez les carabiniers. « Il est maçon, il est sorti ce matin... », et les militaires avaient eu l’intuition qu’il pouvait avoir été la victime de cet effondrement. Quand, hier matin, Mircea a été enfin repéré, il aurait dit tout de suite qu’avec lui il y avait deux collègues, eux aussi roumains. Mais les chiens n’ont pas trouvé de traces et même les capteurs utilisés par les pompiers, qui avaient déniché les battements de cœur de l’ouvrier, n’ont pas signalé d’autres présences. De toute façon, on a continué à les chercher, tandis que la tragédie de Mircea s’achevait.

Le parquet d’Agrigente a ouvert une enquête sur l’effondrement du bâtiment, édifié dans les années 70 « avec de très mauvais matériaux », ont voulu souligner même les pompiers, convaincus que cela a entravé les secours (« cela a été à l’origine de gravats excessivement compacts et difficiles à déplacer ») et a inscrit dans le registre des enquêtés aussi bien le titulaire de l’entreprise que les propriétaires de l’immeuble, inculpés aussi depuis hier soir d’homicide involontaire, outre au désastre involontaire.

Et la CGIL pointe du doigt l’entrepreneur Di Vincenzo, qui « avait obtenu une concession pour ces travaux en mai dernier et avait embauché une seule personne le 18 septembre », affirme le secrétaire régional de la Fillea, Enzo Campo. « Cette absence de contrôles, cette défaillance coupable face à la réalité du travail au noir qui désormais, en Sicile, est devenue la norme, n’est plus tolérable », dit encore Campo, qui souligne aussi les responsabilités de la mairie de Licata : « Pour donner une concession, l’institution doit vérifier la régularité des cotisations versées par l’entreprise : mais comment peut-on croire qu’un bâtiment soit restructuré par un seul ouvrier ? » « Il y a un comportement coupable de celui qui a pensé à lui-même plutôt qu’à la vie de trois personnes », dit le secrétaire de la CGIL sicilienne, Tripi, en faisant appel aux associations professionnelles. « Le moment est venu d’agir sérieusement, il faut exclure les entreprises sans règles ».

http://www.ilmanifesto.it/Quotidian...

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