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La chasse au DHKP-C se poursuit en Allemagne

Jeudi 16 décembre, après un neuf mois de procès et deux ans d’isolement carcéral, la section de protection de l’État (Staatsschutzsenat) du 6e tribunal régional de Düsseldorf a prononcé de lourdes peines dans l’affaire des trois administrateurs de la Fédération anatolienne. Accusés d’appartenir au mouvement révolutionnaire turc DHKP-C (Parti-Front révolutionnaire de libération du peuple, marxiste) Nurhan Erdem, Cengiz Oban et Ahmet Istanbullu ont été condamnés respectivement à 7 ans et 9 mois, 5 ans et 9 mois et 3 ans et 9 mois de prison ferme en vertu de l’article 129b du Code pénal. Le procureur avait requis 10 ans contre Nurhan Erdem, considérée comme une « meneuse » et une « responsable du DHKP-C pour toute l’Allemagne », tandis que la défense, invoquant les libertés d’expression et d’association, avait plaidé son acquittement.
Les trois militants associatifs militaient depuis de nombreuses années au sein de la Fédération anatolienne, une association sans but lucratif de gauche œuvrant pour l’égalité des droits entre Allemands et immigrés. Opposants au régime d’Ankara, Nurhan Erdem, Cengiz Oban et Ahmet Istanbullu avaient organisé des collectes en faveur des prisonniers politiques et de leurs familles en Turquie. Mais, pour l’accusation qui s’appuyait sur des enregistrements recueillis au moyen de micros espions et le témoignage d’un agent infiltré travaillant à la fois pour les agents allemands de la BND et les barbouzes turcs de la MIT, les trois militants collectaient des fonds pour la guérilla et recrutaient des militants et des porteurs de valises. Pourtant, le procureur fédéral n’a pu fournir aucune preuve matérielle. Aucune arme n’a été saisie lors des multiples perquisitions liées à cette affaire. Aucun lien n’a pu être établi entre l’argent collecté et la lutte armée. Aucune action armée n’a pu leur être imputée. En application du paragraphe b de l’article 129 du Code pénal allemand, leur seule sympathie envers une « organisation terroriste étrangère », en l’occurrence le mouvement révolutionnaire anatolien, a suffi à faire d’eux des ennemis publics bons à être rééduqués en cellules d’isolement total.
Comme dans le procès belge du DHKP-C, le procureur fédéral a pu tout au plus affirmer posséder 1,2 térabits d’informations glanées dans les « archives du DHKP-C ». Celles-ci auraient été saisies lors de perquisitions aux Pays-Bas. Issu des mouvements étudiants et ouvriers de la fin des années 60, aujourd’hui implanté dans les quartiers pauvres des métropoles turques, le DHKP-C est qualifié d’organisation terroriste par Ankara et Washington. Il est interdit en Allemagne depuis 1998 et figure sur la liste noire de l’Union européenne depuis 2002. « Le DHKP-C est l’une des dernières organisations terroristes fossiles d’extrême gauche » a déclaré le président du tribunal Ottmar Breidling à l’issue d’un procès qui couronne sa longue carrière en partie bâtie sur la répression des organisations d’immigrés. Nurhan Erdem, Cengiz Oban et Ahmet Istanbullu ont le droit d’aller en appel de ce verdict.