MICHAEL MOORE - Assez de défaitisme !

Chers amis,

On arrête de se tordre les mains ! On arrête de parler de malheur ! Faut-il
que je vienne en personne vous rassurer ? Arrêtez-moi ce défaitisme. Bush
est fini - à condition qu’on arrête de gémir, de se ronger les sangs et de
trembler comme une bande de niais affolés. Non mais, quelle honte ! Les
républicains se fichent de nous. Est-ce qu’on les voit jamais gémir : “Oh,
tout est perdu ! Bush ne peut pas gagner ! Bouhouhou !”

Oh que non. Pour eux, rien n’est jamais perdu tant qu’ils n’ont pas déchiré
un dernier bulletin. Comme les requins, qui ne dorment jamais, ils
continuent à avancer, à pousser, à tirer, à frapper dans tous les sens, à
parer les coups, à mentir. Ils sont acharnés, et c’est pour ça qu’on les
admire en secret - ils n’abandonnent jamais. Seuls 30 % des gens se disent
républicains dans le pays, mais les républicains tiennent tout - la
Maison-Blanche, les deux chambres du Congrès, la Cour suprême et la majorité
des postes de gouverneur.

Comment croyez-vous qu’ils aient réussi à en
arriver là, alors qu’ils sont en minorité ? C’est parce qu’ils nous bouffent
au petit déjeuner - vous, moi et tous les progressistes -, puis passent le
reste de la journée à semer le chaos sur la planète.
Et nous, regardez-nous - une bande de pleurnichards. Bush se prend un petit
coup de mieux après sa convention, et on dirait que les Allemands viennent à
nouveau d’envahir la Pologne.

Les bushiens arrivent, les bushiens arrivent !
Eh ben non, c’est pas vrai. Si j’entends encore quelqu’un me dire que Kerry
est nul et qu’il ne peut pas gagner... Bon sang, bien sûr qu’il est nul -
c’est un démocrate, nom d’un chien ! Ce parti est tellement lamentable qu’il
perd même les élections qu’il gagne ! Vous vous attendiez à quoi, à ce que
Bruce Springsteen soit candidat ? Bruce ferait un superprésident, mais les
types comme lui ne se présentent pas. Ni vous, ni moi. Ce sont des gens
comme Kerry qui se présentent.
Mes amis, il est temps de revenir à la réalité.

1. Les sondages sont faux. Ils se répandent partout comme une diarrhée.
L’autre jour, l’un donnait 13 points d’avance à Bush et un autre mettait les
deux candidats à égalité. Les sondages, c’est n’importe quoi et ce pour
trois raisons : premièrement, ils portent sur les gens qui iront
“probablement” voter, autrement dit ceux qui ont voté lors des précédentes
élections. Ça laisse de côté les jeunes qui votent pour la première fois et
tout un tas d’abstentionnistes qui ont la ferme intention d’y aller cette
fois-ci.

Deuxièmement, les sondeurs n’interrogent pas les gens qui n’ont
qu’un téléphone portable. Ce qui veut dire qu’ils ne parlent pas aux jeunes.
Enfin, la plupart des panels contiennent trop de républicains, comme le
sondeur John Zogby l’a récemment révélé. Si vous croyez un sondage,
n’importe lequel, vous vous faites avoir.

2. Kerry a fait appel à la bande de Clinton. Contrairement à Gore, il ne
fera pas l’erreur de snober Clinton.

3. Je me suis promené dans tout le pays et je peux vous dire que ça chauffe
méchamment - ce que les grands médias se gardent bien de montrer.

4. La sagesse conventionnelle veut que, si l’élection se décide sur le 11
septembre (la peur du terrorisme), Bush gagnera, mais que, si elle se décide
sur ce qu’on fait en Irak, Bush perdra. Et, les gars, vous aurez peut-être
remarqué, mais ce qu’on fait en Irak a dégringolé au troisième cercle d’un
enfer qu’on appelait jadis le Vietnam. Il n’y a pas de porte de sortie.
C’est un vrai bourbier de chez bourbier et les body bags ne vont
malheureusement faire que s’accumuler.

Alors, ne désespérez pas. Tout n’est pas perdu. Loin de là. La bande de Bush
a besoin de vous faire croire que tout est perdu. Ils ont besoin que vous
retombiez dans votre fauteuil douillet, l’estomac douloureusement noué
devant la perspective de subir encore quatre ans de George W. Bush.

RÉVEILLEZ-VOUS ! La majorité est avec nous ! Plus de la moitié des
Américains sont favorables à l’avortement, à un resserrement des lois sur la
protection de l’environnement, et sont consternés que les armes
semi-automatiques se retrouvent à nouveau dans les rues. Et 54 % pensent
désormais qu’on a eu tort de faire la guerre.

Allez, faites-le pour moi, s’il vous plaît. Remuez-vous. On a presque
récupéré le pays. Plus un mot négatif avant le 3 novembre. Là, vous pourrez
râler tout ce que vous voudrez, regretter que Kerry ne soit plus ce gamin
aux cheveux longs qui a eu un jour le courage de se dresser pour quelque
chose. Personnellement, je pense que ce gamin est encore en lui.

Bien à vous, Michael Moore

http://bellaciao.org/en/article.php3?id_article=3439