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MINORITES AGISSANTES, par Raymond Devos.
Publie le jeudi 7 février 2008 par Open-Publishing1 commentaire
Vous savez que, jadis, je faisais de la politique
comme tout le monde.
Je m’occupais de minorités agissantes.
J’organisais des réunions publiques clandestines.
Et au cours d’une de ces réunions,
tandis que j’exposais mon programme,
alors que la majorité de la minorité était d’accord
avec mes idées,
je remarquais, à côté de moi, un homme qui ne
disait rien.
Inquiétant, non, un homme qui ne dit rien ?
Je ne sais pas si vous l’avez constaté,
Mais quand un homme ne dit rien
alors que tout le monde parle,
on n’entend plus que Lui !
Redoutable !
Je n’en continuais pas moins mon exposé...
Mais je commençais à faire attention à ce que je disais.
De temps en temps, je me tournais vers celui qui ne
disait rien,
pour savoir ce qu’il en pensait...
Mais comment voulez-vous savoir ce que pense
Quelqu’un qui ne dit rien… et qui en plus écoute…
Car, de plus, il écoutait !
Je me dis : « Il est en train de saper ma réunion.
Agrégeons ! »
J’ai dit :
– Mes amis,
puisque vous êtes tous d’accord avec mes idées...
Quelqu’un s’est levé.
Il m’a dit :
– Monsieur,
toute réflexion faite, nous serions plutôt de l’avis
de ce monsieur qui n’a rien dit.
Et ils ont quitté la salle !
Sauf celui qui n’avait rien dit.
... Restés seuls, je lui ai dit :
– Monsieur, bravo !
Je viens de parler à des gens pendant une heure et
Ils ne m’ont pas écouté.
Vous, vous n’avez rien dit et
Ils vous ont entendu !
Chapeau !
Il m’a regardé, il a sorti sa carte, y a griffonné
quelque chose dessus et me l’a tendue.
Et j’y ai lu :
« Bien que sourd et muet,
je suis entièrement d’accord avec vos idées. »
Alors depuis…
Je ne m’occupe plus que de la majorité silencieuse.
– ( Extrait de « Matière à rire », L’intégrale, Edition Olivier Orban )
Messages
1. Politique ?, 7 février 2008, 10:45, par Aubert du Lac
Je complète avec
2 poèmes de Bertolt Bretcht (l’Arche éditeur, poèmes 7, p102-103) :
« MAITRE, APPRENDS !
Ne dis pas trop souvent que tu as raison, maître !
Laisse à l’élève le soin de le voir !
Ne fais pas violence à la vérité :
Elle ne le supporte pas.
En parlant, écoute ! »
« QUESTION
Comment bâtir l’ordre nouveau
Sans la sagesse des masses ? Des gens
Livrés à eux-mêmes ne peuvent pas trouver
La voie qui convient au grand nombre.
Grands maîtres, en parlant
Pensez à écouter ! »
Jamais 2 sans 3, encore celui-ci : le fameux poème de Brecht, dont aujourd’hui tout le monde se réclame, à commencer par Le Pen, sans nommer évidemment son auteur, où il « propose une solution » au « problème » que constitue la première grande secousse ouvrière, en République Démocratique Allemande :
« LA SOLUTION »
« Après l’insurrection du 17 juin,
Le secrétaire de l’Union des Ecrivains
Fit distribuer des tracts dans la Stalinallée.
Le peuple, y lisait-on, a par sa faute
Perdu la confiance du gouvernement
Et ce n’est qu’en redoublant d’efforts
Qu’il peut la regagner. Ne serait-il pas
Plus simple alors pour le gouvernement
De dissoudre le peuple
Et d’en élire un autre ? »
Je termine par ce conseil de Paul Eluard, essentiel à la « Démocratie Participative » : de se transformer en celui ou celle A QUI L’ON PARLE , afin d’être entendu…
AdLc.