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Marie-George Buffet : "En cas de victoire du non, ce sera un coup d’arrêt aux politiques libérales"
Publie le jeudi 26 mai 2005 par Open-Publishing
Propos recueillis par Delphine Girard
Les sondages le montrent : les Français qui s’apprêtent à voter non semblent plus manifester un rejet de la politique du gouvernement que porter une appréciation sur le traité européen. N’y a-t-il pas une confusion sur l’enjeu du scrutin du 29 mai ?
Les Françaises et les Français ont bien conscience des enjeux du référendum. Je crois qu’ils en ont assez de cette Europe-là, foncièrement libérale. Ce qui est remarquable dans cette campagne, c’est justement le formidable intérêt porté à la politique et à l’Europe. De plus en plus de gens ont conscience que c’est leur vie quotidienne qui est concernée. Et la casse des services publics, de la Sécurité sociale ou encore des retraites par le gouvernement Raffarin s’inscrit pleinement dans la voie libérale tracée par Bruxelles. Cette politique est une illustration exemplaire de ce qui nous est promis avec le traité. La privatisation de GDF est d’ailleurs une décision assumée conjointement par le gouvernement européen et la Commission européenne.
En cas de victoire du non, l’Europe reste régie par le traité de Nice et ses règles libérales, que vous avez dénoncées. Quel bénéfice peuvent en tirer les Français ?
Les dirigeants européens pourraient faire comme si rien ne s’était passé ? Je n’y crois pas. En cas de victoire du non, ce sera un coup d’arrêt aux politiques libérales, et il faudra que, dès le lendemain du résultat, l’envie d’une autre Europe, plus sociale, plus démocratique, d’une Europe de paix, se concrétise par un grand débat populaire. Il y a un argument curieux chez les partisans du oui, il faudrait adopter à tout prix la Constitution européenne pour en finir avec le traité de Nice, et dans le même temps, ils nous disent que la partie III n’est pas très importante, puisqu’elle ne fait que reprendre les anciens traités, parmi lesquels le traité de Nice ! Ce n’est pas sérieux. Refusons d’aller plus loin en constitutionnalisant le libéralisme.
Toujours en cas de victoire du non, entre Fabius, Emmanuelli, Villiers, Le Pen et vous-même, peut-il y avoir une vision commune pour renégocier le traité ?
Il n’y aucune vision commune avec Villiers et Le Pen. Je revendique cette incompatibilité avec des visions xénophobes ou racistes, avec ce refus de l’Europe. Si le non l’emporte, ce sera parce que le peuple de gauche se sera massivement prononcé pour le refus des politiques libérales.
Les tenants du oui estiment qu’il est illusoire de croire qu’une renégociation du traité est possible, puisqu’il faudrait l’unanimité des Vingt-Cinq. Que répondez-vous ?
Il est encore plus illusoire de prétendre qu’il sera plus facile de changer l’Europe en ayant adopté ce traité, puisque justement l’unanimité des Vingt-Cinq est requise pour le modifier. Si la seule réponse possible, c’est le oui, il ne fallait pas faire de référendum. C’est une curieuse conception de la démocratie.
Les courants les plus libéraux aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne souhaitent une victoire du non en France pour que l’Europe ne soit qu’une zone de libre-échange et non une force politique. Cela ne vous inquiète-t-il pas ?
Etre un peu moins libéral, ce qui reste à prouver, que les ultra libéraux anglo-saxons n’est pas vraiment un critère satisfaisant. On peut aussi dire que des forces de gauche en Allemagne, en Italie ou en Belgique attendent notre non, parce qu’ils n’ont pas eu de référendum, pour construire une Europe sociale et démocratique. La France est pour l’instant le pays où le débat sur l’Europe a été le plus poussé. Il faut que ce débat ait lieu partout en Europe. Or la majorité des peuples européens aspire à une véritable Europe politique.
Quelles répercussions le scrutin du 29 mai pourrait-il avoir sur les échéances électorales de 2007 ?
Si le oui l’emporte, cette Constitution sera un boulet au pied pour mener une politique vraiment à gauche après 2007. Tout sera plus difficile.
La Tribune du 25 Mai 2005