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Mensonge sur les mariages forcés

Publie le mardi 27 février 2007 par Open-Publishing
9 commentaires

de Alain Gresh

Candidat à l’élection présidentielle, M. Philippe de Villiers a répété, lundi 12 février sur TF1, que la France était un pays où s’enracinait le communautarisme. On y compterait ainsi 70 000 mariages forcés de jeunes filles, évidemment musulmanes. Ce chiffre répété mille fois provient, non d’un institut d’extrême droite quelconque, mais d’un rapport, datant de 2003, du très officiel Haut conseil à l’intégration (HCI), présidé par Mme Blandine Kriegel. Voici un extrait du texte : « Selon les chiffres convergents rassemblés par les associations que le HCI a auditionnées, plus de 70 000 adolescentes seraient concernées par des mariages forcés en France. Le mariage forcé est un mariage coutumier, décidé par la famille, à la puberté ou même avant, vers l’âge de 10 à 12 ans. Le mari, habituellement plus âgé, est un homme choisi par la famille, dans la même religion, la même famille ou la même ethnie. La fillette ou l’adolescente est alors soumise à des rapports forcés qui ont lieu le plus souvent au domicile des parents, en fin de semaine : comme le Pr. Henrion le souligne, “il s’agit ni plus ni moins d’un viol organisé et prémédité”. »

Depuis, des médias paresseux, convaincus que l’islam est par essence mauvais et dangereux, reprennent ce chiffre, bien que rien dans la formulation n’indique une source sérieuse des données.

L’excellente revue Pénombre, qui traque l’usage fantaisiste des chiffres par les médias et les responsables politiques, publie un article sur le sujet dans sa livraison de novembre 2006 (pas encore disponible sur son site), sous le titre : « 70 000 mariages forcés par an ? ». Résultat des calculs : il existe en France 70 000 filles étrangères de 15 à 18 ans. L’auteure, Fabienne Vansteekinste, explique : « Ne hurlez pas tout de suite. Les étrangers en France comptent quelques Belges chez qui la pratique du mariage forcé est réduite, et la nationalité française englobe des gens d’origine africaine chez qui elle est plus répandue. Mais il n’y a pas de statistiques administratives par origine géographique au-delà de la première génération en France, et les gens du HCI, avec les mêmes sources, ont dû faire le même calcul que moi. Bon sang, mais c’est bien sûr ! Et voilà comment on est passé de “70 000 filles potentiellement menacées qui seraient protégées si on relevait l’âge minimum du mariage à 18 ans” à “plus de 70 000 mariages forcés par an en France”. »

En décembre 2005, déjà, la revue avait mis en cause les chiffres fantaisistes sur les mariages forcés et les excisions, notamment ceux avancés par Blandine Kriegel, dans un article accessible sur Internet intitulé « Mariages ou chiffres forcés ? ». Un peu de recherche aurait permis de mesurer l’absurdité de ces chiffres. Ainsi, au Royaume-Uni, où s’est développée une véritable campagne contre les mariages forcés, campagne menée par le gouvernement en association avec les organisations locales, y compris musulmanes, un rapport fait état d’environ un millier de ces mariages par an… dans un pays où le « communautarisme » est bien plus prégnant qu’en France (1).

Qu’importe la réalité : ce chiffre de 70 000 continuera à circuler, à être repris par les médias et les responsables politiques, à alimenter l’islamophobie ambiante. Comme l’expliquait Guibert de Nogent, écrivant au XIIe siècle contre le prophète Mahomet : « Et celui qui discuterait de la fausseté ou de la vérité des faits perdrait son temps ; car l’on ne doit prêter attention qu’à l’importance d’un tel maître, qui fut l’inspirateur de tant de forfaits si tristement fameux. On ne court aucun risque à mal chanter d’un homme dont la malignité surpasse de loin tout ce qu’on dira de plus mauvais. »

(1) Muslims in Britain, Humayun Ansari, Minority Rights Group International, Londres.

 http://www.monde-diplomatique.fr/ca...

Messages

  • Que l’on détourne une enquète à des fins racistes je trouve cela ignoble

    si il n’existait qu’UN seul mariage forcé ou une seule atteinte à la liberté je trouverai ce chiffre de trop

    nicole

    • D’accord avec Nicole. Le chiffre exact n’est pas accessible, mais il existe bien des mariages forcés, comme il existe des crimes d’honneur, sous d’autres contrées, labellisées "terres d’islam".

      A. Gresh nous refait le coup de "l’islamophobie", et ca commence à bien faire : ce mot, qui ne répond à aucune définition scientifique, est forgé par les religieux musulmans pour défendre leur chapelle, contre les libertés individuelles.

      L’islam, comme toutes les religions monothéistes, concoit pour la femme un statut inférieur à celui de l’homme : le mariage forcé en est une de conséquence, dans l’islam comme cela l’était dans le judaisme ou le christianisme pendant des siècles !

      Il faut donc combattre l’islam, comme toutes les religions.

    • Merci à A. Gresh de ’nous refaire le coup’ autant que nécessaire pour arrêter de penser par préjugés. Que ce soit l’islam, ou toutes les autres religions, voire toutes les autres croyances... il nous faut des nuances, des vrais chiffres, des vraies idées, du vrai débat, des désaccords sur des choses où accord et désaccord sont possibles.
      Encore, encore, A. Gresh, expliquez-nous, comme dans vos excellents ouvrages pleins de faits nuancés, datés et discutés.

    • A. Gresh ne parle pas dans cet article de religion mais bien de verité tronquée à des fin politique.
      C’est donc bien de racisme qu’il est question

  • C’est souvent la même histoire : d’un côté on exagère le chiffre, on fait peur avec.
    Et de l’autre, du coup, par réaction, on évacue la question au lieu de l’affronter.

    • D’accord avec 90***107**.

      Il est impossible de nier les mariages forcés, les crimes d’honneur, et toutes les discriminations subies par les femmes, au nom de l’islam.

      Même si Alain Gresh me traite d’islamophobe, je pense qu’il faut faire reculer l’islam, comme il faut faire reculer l’emprise des religions sur nos vies !

      Hubert

  • Que le chiffre de 70 000 mariages forcés soit inexact, c’est fort possible. Mais on a la désagréable impression que A. Gresh ne met pas souvent les pieds dans les quartiers dits sensibles. Le problème n’est pas tant dans le chiffrage, que dans le recul qualitatif de la laïcité.