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Message de l’Assemblée des Evêques du Katanga en Rép. Dém. du Congo.
Publie le lundi 12 mars 2007 par Open-Publishing1 commentaire
Que notre espoir ne soit jamais déçu : Message de l’Assemblée des Evêques du Katanga Par Evêques du Katanga
« Le secteur minier dans notre province est entouré d’un flou dont nous sommes tous témoins. Depuis quelques années, nous observons un afflux d’investisseurs étrangers. Des carrières et des chantiers d’exploitation prolifèrent. Des usines de traitement de mines, dont certaines sont placées en pleins quartiers de forte concentration démographique, poussent comme des champignons. Le réseau routier, quant à lui, est fort sollicité par des engins lourds qui sillonnent jours et nuits, en causant les dommages que l’on peut imaginer. » C’est ce que disent les Evêques du Katanga dans leur lettre pastorale du 3 mars, dont nous publions, ci-dessous, le texte integral.
Que notre espoir ne soit jamais déçu (Cf. Ps 70,1) : Message de l’Assemblée des Evêques de la Province Ecclésiastique de Lubumbashi (A.E.P.E.L) aux nouveaux dirigeants, au peuple de Dieu et aux personnes de bonne volonté.
PREAMBULE
1. Réunis en assemblée provinciale statutaire à Lubumbashi du 26 février au 3 mars 2007, Nous, Archevêque et Evêques de la Province Ecclésiastique de Lubumbashi, avons fait le point sur la pastorale dans nos huit diocèses et avons également examiné la situation sociopolitique qui prévaut dans notre pays, particulièrement dans la province du Katanga. Les yeux fixés sur Jésus-Christ et solidaires avec tous ceux qui, dans le jeûne, la prière et la pénitence, se préparent aux fêtes pascales qui approchent, nous avons confié notre pays entre les mains du Seigneur. Parvenus au terme de ces assises et forts de la mission pastorale qui est la nôtre, nous adressons un appel pressant aux nouveaux dirigeants issus des urnes, au peuple bien-aimé de Dieu et à toute personne de bonne volonté. Au seuil de la troisième République, nous estimons que le temps est vraiment favorable (Cf. 2Co 6,2) pour inviter notre peuple et ses nouveaux dirigeants à se tenir « debout, avec la Vérité pour ceinture, la Justice pour cuirasse… » (Ep.6,14).
I . DES SIGNES QUI NE TROMPENT PAS
Après les dures années de guerres, de souffrances, d’instabilité politique et de querelles de légitimité, notre pays est enfin parvenu à se doter des institutions démocratiques. Le temps d’espoir est dorénavant là. Acteur et témoin, notre peuple donne l’impression d’y croire vraiment, non sans toutefois cacher sa peur d’être déçu.
Un aboutissement heureux de la Transition politique
Quoique jalonnée de soubresauts, de turbulences et aussi hélas de violence, la Transition politique entamée depuis des années dans notre pays a finalement connu un heureux aboutissement. En dépit de quelques dérapages, certes déplorables, elle a été couronnée par la tenue d’élections jugées globalement libres, transparentes et démocratiques. A travers ces élections, notre peuple a pu démontrer ses capacités de surmonter les passions politiques et ethniques, et donc son aptitude à participer activement à la construction d’un Etat de droit.
Grâce à l’organisation de ces élections, nous nous réjouissons d’avoir un Président légitimement élu et investi, un Parlement réellement issu des urnes, une équipe gouvernementale et des assemblées provinciales jouissant de la confiance du peuple. De toute manière, en attendant les élections locales, que nous espérons devoir se tenir incessamment pour asseoir la démocratie à la base, le fonctionnement de ces institutions augure des avancées certaines de la démocratie dans notre pays.
Un peuple dans l’espoir
Ayant déjà franchi quelques étapes du processus électoral, certes non sans difficultés, notre peuple manifeste désormais une certaine foi dans l’avenir. Dans sa majorité, il semble croire fermement que le processus actuel pourrait le conduire à des lendemains meilleurs. Nous avouons qu’on a rarement vu un tel enthousiasme populaire depuis des décennies. Cette lueur d’espoir est un atout dont les gouvernants ont sans nul doute besoin pour réaliser leur projet de société. Bien exploitée, elle peut constituer un vecteur de la refondation de notre pays.
A cet égard, il nous faut reconnaître que, dans l’imaginaire collectif, ce moment est un « kairos », c’est-à-dire un temps favorable pour le changement tant attendu. C’est pourquoi, nous estimons qu’il ne faut jamais décevoir cet espoir (Cf. Ps 30, 2).
Cependant, nous tenons à souligner qu’il serait illusoire de croire que notre peuple est dupe. La satisfaction de ses attentes dépend du comportement des dirigeants dans l’accomplissement de leurs tâches et de la manière dont ils répondront aux aspirations du peuple, en lui assurant des conditions de vie décentes et en instaurant un Etat de droit.
Les promesses de lutter contre les anti-valeurs
Les discours des nouveaux dirigeants s’accordent tous sur la nécessité de lutter contre les anti-valeurs qui caractérisent notre société, notamment la corruption, l’impunité, les injustices, la violation des droits de l’homme, la mauvaise gestion, etc. Le goût de l’excellence, le souci de la probité morale, l’amour du travail bien fait... refont surface dans les vœux et souhaits des hommes politiques.
Nous saluons cette option et nous l’encourageons. Toutefois, il ne faut pas en rester aux bonnes intentions, aux vœux pieux. Car, une telle option ne peut être crédible que dans la mesure où elle se traduit en actes et se transforme en un engagement appuyé par des réalisations concrètes. Le peuple, quant à lui, jugera ses gouvernants à leurs actes.
L’émergence d’une culture de paix et de démocratie
En dépit de quelques zones d’ombre, il y a de plus en plus des signes de dénégation, sinon de rejet collectif de toutes formes de violences, d’injustices et d’arbitraire qui gagnent l’esprit des citoyens congolais. La majorité aspire à la paix, à la démocratie et au développement. Pour s’en convaincre, Il suffit de mesurer à quel point drainent un grand monde les campagnes de paix, de réconciliation, du respect des droits humains et de lutte contre la discrimination. Cette prolifération de campagnes, auxquelles s’ajoutent d’innombrables initiatives du même genre, est révélatrice de l’émergence d’une culture nouvelle fondée sur l’aspiration aux valeurs républicaines. C’est l’expression de la maturité de notre peuple qui, on peut le croire, se sent prêt à édifier un Etat de droit.
Le retour annoncé des investisseurs et la reprise de la coopération bilatérale
Le retour de la paix et l’avènement d’un nouvel ordre politique s’accompagnent de la promesse du retour des investisseurs ainsi que de la reprise de la coopération bilatérale. Ce sont là des signes qui augurent une possible relance économique.
Toutefois, pareils signes ne doivent pas être trompeurs. Il ne faut pas que ce retour annoncé se transforme en cauchemar pour les intérêts du peuple congolais. D’une part, nous estimons que les investissements économiques massifs doivent profiter d’abord à notre peuple et ne pas se transformer en vastes pillages de nos ressources naturelles. D’autre part, la coopération bilatérale doit obéir à des normes éthiques claires, sans faux fuyants, dans la plus grande transparence. Qu’il suffise de rappeler qu’après tant de décennies de gaspillage, de souffrances et de misère, le peuple congolais n’est plus en mesure de supporter la néo-colonisation, moins encore de servir d’appât pour l’enrichissement illicite d’une minorité de congolais et de quelques étrangers jouissant des faveurs de certaines autorités au pouvoir. Pour nous, le temps de ne servir que les intérêts étrangers est définitivement révolu.
Soulignons toutefois que, même s’ils ne suffisent pas pour redonner l’espoir au peuple congolais, ces signes sont encourageants. Ils augurent, sans doute, un avenir plus radieux pour notre peuple. Cependant, nous ne pouvons pas passer sous silence certaines réalités inquiétantes. Elles nous poussent à tirer la sonnette d’alarme, sous peine de voir la situation de notre pays se dégrader de nouveau à grande vitesse. Forts de notre mission prophétique, nous les stigmatisons, dans l’espoir que l’élan et l’enthousiasme suscités au sein du peuple depuis la tenue des élections ne puissent s’évanouir prématurément.
II. PROBLEMES PREOCCUPANTS
En même temps que nous nous réjouissons de signes d’espoir ci haut esquissés, nous constatons avec amertume que l’enthousiasme suscité au sein de notre peuple par l’organisation des élections et l’instauration des institutions démocratiques s’avère de plus en plus éphémère, en tout cas fragile. La persistance de certaines pratiques de la deuxième République tant décriées, l’écart entre les promesses électorales et les actes ainsi qu’une certaine léthargie dans les solutions à apporter aux problèmes urgents nous font croire de plus en plus que si on n’y prend garde, on risque de retomber dans les pièges du passé et ainsi d’hypothéquer de nouveau l’avenir de la démocratie dans notre pays.
Halte à la corruption
A la suite de tant d’autres compatriotes, nous dénonçons les arrangements occultes et la corruption qui ont caractérisé l’élection, par les députés provinciaux, des sénateurs et des gouverneurs de provinces. En plus de déformer le système démocratique, ces attitudes jettent un doute sur la volonté politique tant exaltée pendant la campagne électorale et nous rendent de plus en plus sceptiques sur la sincérité des nouveaux dirigeants.
En outre, ces attitudes disqualifient les députés provinciaux et trahissent la confiance que les électeurs ont placée en eux. Nous disons halte à ces manœuvres qui n’honorent point notre peuple et risquent d’instaurer une démocratie de camouflage dont on n’a nullement besoin. En somme, c’est un recul de nature à nourrir une grave suspicion dans l’esprit de notre peuple. En effet, le peuple est de plus en plus porté à croire que la politique est synonyme de mensonge. Et pourtant, elle est par essence un art noble, au service du bien commun. Nous rappelons que quand elle prend distance par rapport aux valeurs morales, la politique peut devenir un danger pour la cité ; car « il revient à ceux qui exercent la charge de l’autorité d’affermir les valeurs qui attirent la confiance des membres du groupe et les incitent à se mettre au service de leurs semblables ».
Triomphalisme de la majorité et léthargie de l’opposition
Il est évident qu’une plate forme majoritaire règne dans notre pays. C’est normal dans une démocratie. Mais la majorité n’est telle que par le plébiscite électoral qu’il convient de ne pas confondre avec une exaltation démesurée de la victoire électorale. Nous constatons avec regret que la plate forme politique aujourd’hui majoritaire manifeste un certain triomphalisme qui tend à faire oublier l’essentiel, à savoir le service du peuple à travers la recherche du bien commun. Les fastes qui suivent la nomination d’un tel à tel poste en témoignent. Nous dénonçons cette attitude étouffant l’opposition et qui est loin de servir la cause de la réconciliation que tout le monde souhaite de tous ses vœux. La modestie et l’humilité ne sont pas des vertus étrangères au monde politique.
Par ailleurs, la léthargie de l’Opposition politique nous inquiète tout autant. Nous avons l’impression que cette Opposition prolonge inutilement son deuil électoral, de telle manière qu’elle semble absente du débat démocratique déjà amorcé. Nous l’exhortons à s’organiser rapidement à tous les niveaux, pour constituer cette alternative politique que le peuple attend qu’elle devienne.
Aux uns et aux autres, nous demandons de bien jouer le rôle qui est le leur, en respectant les règles de jeu de la démocratie. Un équilibre de pouvoir est indispensable pour le progrès de notre pays. On ne saurait attendre trop longtemps pour relever le défi démocratique qui s’impose à nous.
La paix et la sécurité ne sont pas des faits banals
Les conflits armés des dernières années nous ont fait comprendre que la paix et la sécurité n’ont pas de prix. Comme l’a dit le Pape Jean-Paul II, la paix est « source première de l’être, vérité essentielle et bien suprême », dont aucun peuple ne peut vouloir se priver. Or chez-nous, la paix, tout comme la sécurité, semble de plus en plus négligée. Paix et sécurisation des citoyens tendent à être considérées comme des faits banals.
Certaines réalités l’attestent. Le brassage de l’armée a du plomb dans l’aile. Si le désarmement a connu une certaine accélération pendant un temps, dans certaines parties de la République, les ex-combattants démobilisés ne jouissent d’aucune forme d’encadrement efficace. D’autres sont carrément abandonnés à leur triste sort, au détriment de la sécurité des populations civiles. Certains foyers de tensions, surtout à l’est du pays, fourmillent encore de milices qui sèment terreur et confusion. Dans nos villes et villages, les tracasseries des forces dites de l’ordre et surtout des éléments armés non brassés sont de plus en plus le lot du quotidien. Autant de signes qui démontrent que la paix et la sécurité du peuple semblent très peu préoccuper les hommes et femmes qui sont au pouvoir.
Loin d’être des faits banals, la paix et la sécurité sont des impératifs pour le bien-être, le développement et la démocratie. Elles relèvent de la responsabilité de l’Etat.
Nous demandons aux autorités du pays de prendre leurs responsabilités en sécurisant notre population à l’échelle de tout le territoire national.
III. DEFIS DANS LA PROVINCE DU KATANGA
De par son potentiel économique, sa démographie, sa position géostratégique et son histoire, le Katanga, notre province, occupe une place de choix en République Démocratique du Congo. Hier poumon de l’économie nationale, le Katanga est aujourd’hui miné par d’innombrables problèmes sociaux et économiques, à l’instar d’autres provinces de la RDC. Au seuil de la troisième République, il nous revient, en tant que Pasteurs, d’en indiquer quelques-uns qui pourraient retenir l’attention des nouveaux dirigeants.
Assainir le secteur minier
Les minerais font partie des richesses naturelles dont Dieu, dans sa bonté ineffable, a doté notre pays. Grâce aux minerais, le sud de notre province dispose d’infrastructures sociales remarquables qui, aujourd’hui, connaissent un délabrement lamentable à cause de la situation dramatique que nous connaissons tous. Toutefois, au lieu de contribuer au bien commun, cette richesse tend à devenir, hélas, une source de beaucoup de maux pour le peuple katangais.
– Enjeux miniers
Le secteur minier dans notre province est entouré d’un flou dont nous sommes tous témoins. Depuis quelques années, nous observons un afflux d’investisseurs étrangers. Des carrières et des chantiers d’exploitation prolifèrent. Des usines de traitement de mines, dont certaines sont placées en pleins quartiers de forte concentration démographique, poussent comme des champignons. Le réseau routier, quant à lui, est fort sollicité par des engins lourds qui sillonnent jours et nuits, en causant les dommages que l’on peut imaginer.
A certains endroits, on procède à la délocalisation forcée de paisibles citoyens, en vue d’exploiter les minerais enfouis dans le sol. Cette délocalisation se fait souvent avec brutalité, moyennant une minable contrepartie financière qui ne vaut même pas un mois d’un salaire minimum. Témoins de ce genre d’événements tragiques, nous nous demandons quelle est la valeur morale d’un Code minier et d’un Cadastre minier qui sacrifient le bien commun de la population et abandonnent des populations entières à la merci des investisseurs miniers étrangers peu scrupuleux.
Nous constatons aussi que les congolais qui sont embauchés dans les sociétés minières sont victimes d’un traitement qui n’est ni respectueux de leur dignité d’hommes, ni de la législation congolaise en matière de travail. Beaucoup ne disposent même pas d’un contrat de travail. Alors que leurs collègues expatriés jouissent de salaires faramineux, à eux on impose le statut de journaliers pendant de longues périodes.
Quant au nombre de creuseurs artisanaux, il ne cesse d’augmenter. Le seul Katanga en compte près de 70.000. On assiste régulièrement à leurs affrontements avec des investisseurs miniers qui envahissent des concessions en brandissant des documents octroyés par le Gouvernement central. En outre, ils consacrent beaucoup d’énergies dans des conditions très risquées pour un petit rien. Ils sont surexploités par de petits négociants et par de nombreuses personnes occultes oeuvrant dans les milieux de la sécurité. Bien souvent, avouons-le, ces creuseurs sont aussi à la base de beaucoup d’insécurité.
En outre, l’exploitation minière entraîne la dégradation écologique. Il suffit, pour s’en convaincre, de constater à quel point des villes comme Likasi, par exemple, ont atteint un degré de pollution fort avancée et dont on constate visiblement les effets nocifs sur la vie de la population et sur notre environnement. Sur ce point, nous nous demandons aussi dans quelle mesure la présence de l’uranium dans une partie de notre province pourrait épargner la composition chimique des autres minerais (cuivre et cobalt) exploités dans les zones environnant Shinkolobwe. Nous dénonçons le mutisme qui entoure cette question d’écologie dans notre province et invitons les nouveaux dirigeants à prendre leurs responsabilités en cette matière.
Par ailleurs, les termes de contrats signés entre les gouvernants et les investisseurs demeurent inconnus de la majorité de notre peuple. A la lumière du rapport du Pannel de l’ONU, du rapport parlementaire de la Commission LUTUNDULA et de beaucoup d’autres études, plusieurs personnes pensent que la plupart de ces contrats, sinon tous, sont léonins. De fait, nous ne sentons pas que l’Etat congolais en tire un grand profit. En tout cas, le peuple n’en bénéficie pas. Les retombées économiques et sociales de l’exploitation minière au Katanga nous semblent presque inexistantes. Un fait étrange nous bouleverse : plus les investisseurs miniers envahissent le Katanga, plus la pauvreté, le chômage et les problèmes sociaux augmentent.
En outre, le nombre de compagnies minières dans notre province est sensé augmenter les recettes de l’Etat. Mais, au Katanga, il existe un mystère épais sur les taxes payées par les investisseurs miniers. Le réseau routier, à la réhabilitation duquel elles sont entre autres sensées contribuer, souffre d’une tragique vétusté. Si rien n’est fait pour changer cette situation dramatique, le sud du Katanga perdra le peu de praticabilité de ses routes.
– Mettre de l’ordre dans le secteur minier
Pour nous, il est clair que les minerais ne profitent ni à notre population, ni à notre pays. Alors que les bénéfices des investisseurs croissent sensiblement, les travailleurs, eux, s’appauvrissent davantage. Notre économie locale n’en tire apparemment pas de profit palpable. Le peuple se demande à qui profite finalement l’exploitation minière au Katanga.
Nous demandons aux nouveaux dirigeants de notre province de mettre de l’ordre dans le secteur minier, en sachant que le Congo n’est ni à vendre, ni à brader, fût-ce au nom des intérêts d’une minorité occulte. Les richesses de notre province doivent profiter à notre peuple. Les lois régissant leur exploitation doivent être claires et les conditions de travail conformes à la dignité humaine. Il importe, pour cela, que les contrats miniers soient réexaminés par notre Parlement. Celui-ci veillera à ce que les intérêts de notre pays et particulièrement ceux des populations locales soient garantis et respectés.
Nous saisissons cette occasion pour manifester publiquement notre indignation par rapport à la menace que les creuseurs miniers artisanaux font peser sur le lycée Lubusha de Luisha, dans l’Archidiocèse de Lubumbashi. Nous demandons aux autorités provinciales de sauver ce joyau touristique, consacré à l’éducation de nos filles, en éloignant les creuseurs miniers artisanaux et en punissant ceux qui se cachent derrière eux.
De même, nous faisons remarquer que les minerais ne sont pas la seule richesse du Katanga. Il y a aussi le secteur agricole et celui du tourisme, sans oublier le bois et la pêche, qu’on tend souvent à occulter indûment. Dans la perspective d’un développement durable dans notre province, il est urgent que le peuple katangais poursuive la réflexion sur « un Katanga sans mines ». C’est un devoir et une responsabilité au sujet desquels nous serons jugés par les générations à venir. Car, comme a enseigné Vatican II « On peut légitimement penser que l’avenir est entre les mains de ceux qui auront su donner aux générations de demain des raisons de vivre et d’espérer ».
Mettre la population à l’abri des tracasseries
Comme partout ailleurs au Congo, la population katangaise est victime des tracasseries et de l’humiliation de la part des forces de l’ordre. Cette situation que nous condamnons est observable en villes comme dans les campagnes, surtout dans les territoires anciennement minés par les conflits armés.
Après quarante-sept ans d’indépendance, il est inadmissible que notre peuple continue à vivre sous le joug de rançonnements, de tracasseries de toutes sortes et de traitements inhumains. La liberté n’a pas de prix. Il convient que les nouveaux dirigeants s’y penchent sérieusement pour que notre peuple jouisse de ses droits à la paix et au bien-être.
Le cauchemar du transport public sur la voie ferrée
Le transport public de longue distance tend à devenir un cauchemar à l’intérieur même du Katanga, et aussi entre notre province et celles du Kasaï et du Maniema. La Société Nationale des Chemins de fer du Congo (SNCC) n’est plus que l’ombre d’elle-même. Ses trains n’offrent ni confort, ni des conditions de voyage respectueuses de la dignité des voyageurs. Voyager par train entre Lubumbashi et Dilolo ou entre Lubumbashi et Kindu prend autant de jours qu’aller d’un continent à un autre par bateau. On se croirait au Moyen Age. Très souvent, les trains exposent des vies humaines comme on a pu le constater récemment à Mokambo où plusieurs personnes ont péri inutilement.
Par ailleurs, le transport des voyageurs, tout comme celui des marchandises, préjudicient gravement la clientèle. Cet état des choses impose un calvaire aux voyageurs et entraîne la pénurie de denrées alimentaires dans les grandes villes de notre province. Au nom de la dignité de notre peuple et du respect de la vie humaine, nous exigeons que l’on arrête le cauchemar du transport public sur la voie ferrée au Katanga. Nous espérons que les efforts de l’actuel comité de gestion de la SNCC vont être poursuivis et améliorés.
Dans le même ordre d’idées, tout en saluant la politique de réhabilitation des routes initiée par le Président de la République, nous sommes peinés de voir tant de chantiers confiés aux mêmes opérateurs économiques qui, malheureusement, n’offrent pas toujours satisfaction au peuple et ne semblent pas respecter leurs engagements dans le délai acceptable. Nous demandons que les travaux de réhabilitation des routes soient confiés à d’autres opérateurs économiques, capables de faire un travail de qualité, dans un délai raisonnable.
Cessons de spolier l’Etat congolais
Une rumeur de plus en plus persistante fait état de la vente anarchique de biens de l’Etat dans certaines villes du sud du Katanga. Des maisons appartenant à l’Etat congolais seraient en train d’être vendues à des vils prix, à une catégorie de personnes bien identifiées dans notre société. A en croire les personnes généralement bien informées, cette opération de vente serait l’œuvre d’une maffia bien connue qui s’octroie des privilèges indus, en dépouillant l’Etat congolais par la ruse et la malhonnêteté. Nous dénonçons cette manœuvre incivique et demandons que toutes les maisons de l’Etat ainsi vendues illicitement, par et aux personnes pourtant sensées défendre les intérêts de la nation, soient impérativement restituées. Personne n’étant au-dessus de la loi, que les coupables soient sévèrement châtiés.
Dans la même logique, nous déplorons le lotissement anarchique de certains espaces d’intérêt communautaire ou de nouveaux quartiers ainsi que la corruption qui caractérise le monde cadastral dans les villes du Katanga. Ces attitudes menacent notre société et constituent un fléau que nous invitons les nouveaux dirigeants à combattre sérieusement. Leurs conséquences sur la protection des citoyens et de l’espace vital s’avèrent déjà néfastes.
Rendre justice au peuple
Nul n’ignore l’importance que revêt le pouvoir judiciaire dans une nation. Un pays sans justice est voué au chaos et à l’anarchie. Or, nous constatons que l’arbitraire caractérise certaines instances judiciaires dans notre province. Des procès se monnayent au vu et au su de tout le monde, au point qu’ils sont gagnés par les plus offrants. Le verdict judiciaire ne reflète pas souvent la vérité des faits. La justice ressemble de plus en plus à une regrettable parodie qui n’honore pas notre nation. Certains procès en cours en offrent le cynique spectacle.
Pire, dans une ville comme Lubumbashi, on voit de plus en plus une catégorie de personnes, des congolais ou non, se hisser au-dessus de la loi. Il s’agit d’une sorte d’intouchables qui musèlent les appareils judiciaires au moyen de l’argent, au détriment des plus pauvres. Il importe que les autorités réhabilitent la justice pour éviter les tensions sociales. L’Ecriture déclare, en effet, « Tu n’auras ni faveur pour le petit, ni complaisance pour le grand ; c’est avec justice que tu jugeras ton prochain » (Lv 19, 15).
Pour un dialogue permanent entre le peuple et ses élus
Pour la consolidation de la démocratie dans notre pays, particulièrement dans notre province, il est utile qu’un dialogue permanent soit instauré entre le peuple et ses élus. Ce dialogue est une nécessité et un impératif pour deux raisons. D’une part, il permettra de rapprocher davantage le peuple et ses élus, dans la poursuite du bien commun. D’autre part, il a l’avantage d’amener les élus à rendre compte au peuple de leur gestion de la chose publique et de porter les préoccupations du peuple à la connaissance des élus. C’est ainsi seulement que l’on peut espérer faire avancer une démocratie participative.
Ce dialogue nous semble incontournable. Il peut opérer des avancées dans la bonne gouvernance et la transparence dont la gestion de la chose publique a tant besoin dans notre province.
Soigner l’image du pays à Kasumbalesa
Les postes frontaliers servant de points d’entrée dans un pays sont, dit-on, le miroir de ce pays. Kasumbalesa offre, à cet égard, un spectacle de désolation dont le Katanga souffre. Il y règne un chaos qui cache mal un réseau de corruption qui fait perdre d’énormes revenus dont notre pays et notre province ont grandement besoin. La multitude de services de l’Etat qui y ont élu domicile ne fait qu’allonger et aggraver la souffrance non seulement des opérateurs économiques et des voyageurs congolais, mais aussi de nos hôtes. Le contraste est frappant par rapport à l’hospitalité et à la courtoisie des services de nos voisins zambiens. Les étrangers qui viennent dans notre province en gardent des souvenirs douloureux, qui reflètent le désordre qui nous caractérise.
Par ailleurs, le péage imposé aux usagers de la route Kasumbalesa n’est pas une mauvaise chose. C’est une mesure salutaire. Cependant, il est impératif que l’argent perçu serve réellement à réhabiliter la route et les ponts. L’état actuel de cette route nationale qui ouvre notre province à l’Afrique australe est déplorable. Il faut que les gestionnaires honorent leurs engagements et maintiennent cette route dans un bon état.
Nous exhortons les nouveaux dirigeants à user de leurs pouvoirs pour, non seulement désengorger Kasumbalesa, mais aussi y redorer l’image de notre pays et de notre province.
Conserver à tout prix l’identité katangaise
Les réformes amorcées au niveau de notre pays conduiront le Katanga à opérer certains changements qui s’imposent. Il s’agit entre autres de la décentralisation et d’un possible découpage de la province en quatre. Dans cette perspective, Nous, vos Pasteurs, formons le vœu que quoiqu’il advienne, l’identité katangaise, héritée des générations antérieures, soit absolument préservée. Nous invitons les gouvernants et le peuple à sauvegarder cette identité qui fait notre fierté, et à la défendre à tout prix en veillant à consolider les liens d’unité qui nous cimentent. Nous souhaiterions par exemple que le nom « Katanga » apparaisse dans l’appellation de chaque province à créer (ex. :
Haut Katanga, Tanganika : Nord Katanga, Haut Lomami : Katanga Central, Lwalaba : Katanga Occidental.).
En outre, l’expérience de la décentralisation doit être vécue dans le respect des dispositions constitutionnelles et menée en promouvant les intérêts du peuple katangais. On doit absolument en respecter les exigences, dans la transparence et la bonne gestion de la chose publique.
IV. EXHORTATION FINALE
Forts de l’espoir suscité au sein de notre peuple par l’aboutissement heureux de la Transition politique dans notre pays, nous souhaitons ardemment que cet espoir ne soit pas déçu. Il en va de notre dignité comme peuple. Nous devons tirer les leçons du temps de l’indépendance pour éviter de plonger notre pays dans les affres du passé.
Confiants dans les capacités des nouveaux dirigeants et de notre peuple à relever les défis de l’heure, nous confions l’avenir de notre pays et de notre province à la maternité de la Très Sainte Vierge Marie, notre Dame de l’espérance, afin que notre peuple connaisse enfin la paix, la démocratie et le développement.
Que Dieu bénisse la République Démocratique du Congo et le Katanga.
Fait à Lubumbashi, le 03 mars 2007
Les Eveques de la province ecclésiastique de Lubumbashi
Mgr F. Songasonga,
Archevêque de Lubumbashi, président de l’AEPEL
Mgr J. Nday,
Evêque de Kongolo
Mgr D. Kimpinde,
Evêque de Kalemie-Kirungu
Mgr N. Ngoy,
Evêque de Kolwezi
Mgr J. Kalala,
Evêque de Kamina
Mgr G. Ruvezi,
Evêque de Sakanya-Kipushi
Mgr V. Kwanga,
Evêque de Manono
Mgr E. Muteba,
Evêque de Kilwa-Kasenga
Messages
1. Message de l’Assemblée des Evêques du Katanga en Rép. Dém. du Congo., 20 mars 2007, 17:30
Une bénédiction divine...ça se termine comme ça quand un obscurantiste s’exprime.