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Mettre nos actes en accord avec nos idées

Publie le dimanche 27 août 2006 par Open-Publishing
3 commentaires

Le 30 mai, les Verts devaient être dotés d’une candidature à la présidentielle. Il en a été autrement. Ce qui est notable, ce ne sont pas les quelques dizaines de bulletins dont le traitement s’est révélé contestable, mais bien l’indécision globale des militants. Les Verts n’ont pas choisi. Précipitation à se doter d’une candidature, faible différenciation des campagnes des deux derniers candidats en lice, si les raisons possibles sont nombreuses, l’essentiel n’est pas là. Les Verts se sont collectivement abstenus car la question posée n’était pas pertinente.

Pas pertinente dans son « timing », alors que les Verts n’ont pas eu l’indispensable débat stratégique qui doit présider à une décision de cette importance dans une situation historique où, après le 21 avril 2002, le 29 mai 2005, les révoltes urbaines et les mobilisations contre le CPE, elle revêt plus d’importance que jamais.

Pas pertinente pour la représentation des Verts, au moment où ceux-ci sont largement inaudibles. Les deux candidats ont été ministres du gouvernement Jospin et n’ont pas déclaré leur volonté de rupture avec la stratégie d’accompagnement des politiques social-libérales qui a dominé cette participation.

Pas pertinente pour la société non plus, car les deux candidats ont été favorables au TCE alors que les électeurs des Verts et ceux de gauche dans leur globalité ont été majoritairement contre.

Les Verts ont décidé de terminer le scrutin. Après avoir hésité à l’élargir à tous les écologistes, de droite y compris ! Cela démontre - si c’est encore à faire - que les Verts sont dans une situation d’indécision stratégique grave.

Après avoir affirmé leur appartenance à la gauche lors de leur AG du Mans en 1995, ils se sont petit à petit repliés sur une relation d’accompagnement du parti dominant de la gauche. Option stratégique qui a considérablement affaibli leur lisibilité et leur autonomie. Pendant le même temps, dans de nombreux pays européens, les partis verts ont envisagé des alliances à droite, ce qui a conduit le parti vert européen (qui les réunit) à se poser ouvertement la question. Cela montre bien le besoin d’un débat d’ampleur sur les alliances compatibles avec la volonté de transformer la société que les Verts ont affirmée dans une quasi-unanimité à leur AG de Reims en 2005. Pour la remettre malheureusement en cause cinq semaines après en donnant une faible majorité au « oui » au TCE au référendum interne qui suivit !

Le rendez-vous de novembre, l’assemblée générale de Bordeaux, s’impose maintenant comme le moment incontournable d’un nécessaire aggiornamento. Affirmer la volonté de transformation plutôt que d’accompagnement ne suffit pas, encore faut-il mettre les alliances en accord avec l’objectif. Les Verts hésitent, certains reproduisent la séquence de 1997 sans prendre conscience qu’elle est dépassée, d’autres louchent vers le centre droit, beaucoup regardent vers le rassemblement antilibéral ou y sont déjà. Certes, les antilibéraux n’affirment pas encore suffisamment leur volonté de rupture avec le productivisme imbécile, gaspilleur de ressources non renouvelables et générateur de vies précarisées, qui préside au mode de développement capitaliste libéral, mais le centre droit a-t-il seulement commencé à le faire ? Le PCF est encore favorable au nucléaire, mais le PS l’est-il moins, lui qui a toujours utilisé le premier comme alibi hypocrite pour ne pas bouger ?

Il y a donc urgence à poser des questions pertinentes aux militants des Verts et, plus largement, aux électeurs. Car les mésaventures des Verts éclairent singulièrement les risques que courent la gauche et la campagne présidentielle. Si les électeurs doivent choisir entre accompagnement du libéralisme et résignation à l’impuissance, ils risquent bien de se comporter comme les militants verts, ils s’abstiendront de décider ou de participer. Alors, comment construire une réponse à la hauteur des défis ?

Affirmer un projet, un projet alternatif qui ne soit pas un retour nostalgique à un compromis contesté dès la fin des années 1960 dans sa volonté de produire pour produire en « perdant sa vie à la gagner » ! Un projet actuel, conscient que le sort de tous les humains et celui de la planète sont liés, un projet qui démontre aux Français et au monde qu’une autre voie est possible par des ruptures soutenables assumées par des citoyens qui en décident. Ce projet avance, au rythme lent et sûr de la démocratie participative dans les collectifs unitaires.

Incarner ce projet mais l’incarner autrement. La Ve République est présidentialiste, bonapartiste dans son imaginaire inaugural. Le système politique exige une incarnation individuelle, tutélaire. Faut-il persister dans cette personnification autoritaire à l’heure de la démocratie de réseaux, à l’heure où les évolutions de l’éducation et de l’information font des citoyens bien plus conscients de leur égalité en citoyenneté et amoindrissent le rôle du représentant et des partis ? On rétorque souvent que les partis n’ont pas d’autre choix que de présenter un candidat pour conserver leurs « parts de marché ». Jusqu’où va s’immiscer la vision libérale du monde ! Ces comportements, il faut le comprendre, sont générés par une loi électorale qui prive les petits partis de présence pérenne en leur interdisant l’accès autonome au Parlement. Doivent-ils accepter pour autant un petit tour de piste une fois tous les cinq ans ? Il faut d’urgence échapper au piège, contourner la loi. Une solution, une fois un projet commun constaté, se rassembler pour peser contre le bipartisme qui s’installe. Le projet, nous allons l’avoir. Les partis doivent exister, qu’ils se dotent d’un porte-parole de campagne plutôt que d’un candidat, un porte-parole dans une équipe rassemblée autour d’un capitaine, d’un animateur.

« Nous sommes prêts à prendre les risques nécessaires pour peser sur les choix qui transformeront la société où nous vivons ensemble » : voilà ce que veulent nous entendre dire ceux qui crèvent de manque d’avenir, de précarisation durable, les victimes de l’amiante, les centaines de millions de futurs réfugiés du réchauffement climatique. Sommes-nous prêts à prendre le risque de transformer un candidat en porte-parole d’une campagne antilibérale rassemblée ? Voilà la question à laquelle les Verts doivent répondre, tout comme doivent le faire la LCR et le PCF. Olivier Besancenot est un « fantastique produit d’appel » selon ses amis. Ne devraient-ils pas se demander s’il est une fantastique machine à rassembler ?

Faire de la politique autrement, c’est mettre ses actes en accord avec ses dires. Les Verts ont un besoin urgent de congruence, de pertinence. La gauche antilibérale aussi. Il y a depuis quelques semaines un candidat disponible pour incarner un rassemblement, et dont l’aptitude à mettre ses actes en accord avec ses discours n’est plus à démontrer. Une personnalité qui a déjà prouvé sa capacité à légitimer la cohabitation de partis et de mouvements sociaux. Il s’appelle José Bové.

Messages

  • Quand le peuple vote mal, il faut le changer ou le rééduquer, telle semble être la morale de ce texte. C’est beau ! On dirait du Jennar !
    Petite précision, lorsque Dame Francine et ses amiEs ont voulu nous imposer Bové une première fois, ils n’ont pas obtenu les 10% nécessaires à ce que sa candidature soit mise au vote. Depuis Dame Francine s’acharne. Elle ne se rend même pas compte qu’il serait étonnant que les Verts veuillent d’un type qui ne daigne pas venir débattre avec eux alors qu’ils l’ont invité.
    Dame Francine qui s’est vue humiliée par son héros ce week-end continue pourtant. C’est beau et pathétique. Ce doit être dur pour elle. J’en suis tout riste, tiens...
    Je vous envoie un mouchoir virtuel, Madame Bové, euh, pardon, Bavay !
    David WATTS

    • Cher David ,

      Quelle intelligence, quelle tolérance, quel respect.....le seul problème c’est que de telles attitudes, on en a tant connues (lors du vote du TCE par exemple) qu’on sait à quoi s’en tenir.
      J’irai meme jusqu’à dire que ces réactions là me font presque plaisir en ce sens qu’elles semblent se multiplier ces derniers temps....un (bon) signe peu-t-etre ?
      Jean-Claude COUALAN

    • Cher Jean-Claude,
      Quand on méprise le vote des gens, en l’occurence le mien, en allant jusqu’à déclarer qu’ils se sont abstenus, il ne faut pas s’étonner que les électeurs concernés soient quelque peu colère. C’est mon cas.
      F. Bavay soutient une candidature Bové, c’est son droit. Qu’elle se contrefiche du vote des militants de son parti, je trouve cela déplorable et encore plus lorsque c’est un Sergio Coronado, porte-parole des Verts qui le fait.
      David