Accueil > Mexique : la Brigade Blanche d’Oaxaca
Jorge Franco Vargas, dirigeant du PRI pour l’État d’Oaxaca, l’ex-procureur Lizbeth Caña Cadeza et Manuel Moreno Rivas, ancien chef de la police de l’État d’Oaxaca, qui forment les plus proches collaborateurs du gouverneur Ulises Ruiz, ont créé et dirigé un groupe parapolicier chargé de pourchasser les opposants à l’administration locale ainsi que certains groupes de narcotrafiquants, selon les témoignages enregistrés dans les dossiers de l’instruction préliminaire PGR/SIEDO/UEIS/057/08 et PGR/SIEDO/UEITA/047–08, auxquels "Milenio" a pu avoir accès.
Selon le témoignage de "Luna", alias derrière lequel se cache un ancien fonctionnaire de l’État d’Oaxaca aujourd’hui témoin placé sous la protection de la PGR, ce groupe parapolicier, portant le nom d’Unidad Ministerial de Intervención Táctica (UMIT – "Force d’intervention tactique du ministère"), était formé d’agents de divers corps de police qui jouissaient de toute la "confiance" de hauts fonctionnaires pour effectuer des interventions policières au cours des protestations de 2006 contre l’administration PRI de l’Oaxaca.
"Luna" assista en mai 2007 à l’arrivée aux bureaux du palais de justice de l’Oaxaca de deux personnes dont la description concorde avec celle d’Edmundo Reyes Amaya et de Gabriel Alberto Cruz, les deux membres de l’EPR disparus en 2006 :
"L’un d’eux avait pour patronyme Pérez Amaya (sic), et ce n’est que quelques jours plus tard que j’ai su qu’ils appartenaient à l’EPR", dit "Luna" dans un des documents, où il précise que "leur arrestation a été effectuée par le groupe sous les ordres de Pedro Hernández, sous-directeur des opérations (de la police du ministère), mais je n’ai pas su où ils ont été envoyés". Il ajoute qu’il les a cependant vus sortir du palais de justice quelques jours après leur arrestation.
Après 28 de service dans l’Oaxaca, le commandant Pedro Hernández, ainsi qu’Ángel Cruz Reyes, son chauffeur, et Luis Edgar Toledo, agent de police, sont actuellement entendus au Centro Nacional de Arraigos, à Mexico, où le SIEDO les interroge dans le cadre de l’enquête sur la disparition de Reyes
Amaya et d’Alberto Cruz, membres de l’EPR disparus il y a plus de onze mois, mais aussi à cause de leurs liens présumés avec la bande des "Zetas" ("Les Z").
Le groupe parapolicier disparaît
Consulté par téléphone sur les opérations illégales de l’UMIT, Evencio Martínez, l’actuel procureur de l’Oaxaca, nous déclarait hier que "l’unité à laquelle vous vous référez n’existe plus. Depuis mon arrivée à ce poste, elle n’existe plus". Le dossier de l’enquête en cours qualifie l’UMIT de "groupe de choc", tandis qu’un des agents chargé de cette enquête l’assimile à la "brigade blanche" qui participa activement à la guerre sale des années 1970.
À la question "Ce groupe spécial a-t-il été supprimé parce qu’il agissait de façon illégale ?", Evencio Martínez nous a répondu : "Je ne peux faire aucun commentaire."
À la question "Est-ce vous qui avez ordonné d’enquêter sur les agissements de ce groupe ?", il a répondu : "Je ne peux rien vous dire de plus, je suis actuellement en réunion avec le gouverneur."
Evencio Martínez a remplacé Lisbeth Caña Cadesa au poste de procureur, cette dernière étant également interrogée par le SIEDO. Les premiers éléments de l’enquête signale que l’UMIT aurait établi ses quartiers dans des installations policières connues sous le nom de Los Pinos, dans la conurbation de Santa María Coyotepec. Certains des 500 sympathisants de l’APPO détenus dans l’État d’Oaxaca en 2006 et 2007 ont plusieurs fois déclaré que ce lieu était un "centre de torture".
Participation des Zetas
Outre qu’il est désigné comme participant direct à leurs actions par "Luna", l’ancien secrétaire d’État Jorge Franco Vargas est qualifié de chef du "commando" qui a enlevé le 5 avril 2007 Jesús Eugenio Díaz Parada, frère de Pedro Díaz Parada, "capo" du narcotrafic dans l’Oaxaca, arrêté l’année dernière par la PGR. Jesús Eugenio affirme d’ailleurs dans le dossier de l’enquête préliminaire que Franco Vargas et Manuel Moreno Rivas, l’ancien directeur de la police du ministère, furent les auteurs de cet enlèvement, dont les motifs étaient politiques.
Díaz Parada – dont des images de captivité ont été diffusées sur youtube.com – accuse directement Franco Vargas d’avoir créé un commando armé et assure qu’il a été libéré par ses ravisseurs après les élections d’octobre dernier. Dans sa déclaration, il affirme qu’une fois perçue sa rançon ses ravisseurs l’ont abandonné, les yeux bandés, devant l’église de Xoxocotlán, commune proche d’Oaxaca, la capitale de l’État.
L’enquête mentionne d’autres fonctionnaires qui appartenaient au "cercle" du gouvernement de l’Oaxaca. Il s’agit d’Alejandro Barrita, l’ancien directeur de la police auxiliaire, exécuté récemment dans la ville d’Oaxaca, et de José Manuel Vera Salinas, l’actuel chef de la police de Cancún, celui-là même qui avait tenté d’expulser le piquet des enseignants le 14 juin 2006, ce qui avait entraîné les protestations à Oaxaca.
Des visages connus
Les sept volumes de l’enquête comprennent des photographies des fonctionnaires impliqués. Le visage de Franco Vargas, le dirigeant du PRI, occupe une page entière, tandis que d’autres clichés en annexe montrent le commandant Dublán Félix et le commandant Abel Morales, l’agent "Landeta", le membre des forces spéciales "Moreno Rivas", ainsi que plusieurs femmes qui pourraient être des agents du ministère.
On y trouve également les clichés et les déclarations de Vicente Antonio Porras Cisneros, Mario Alberto Guerrero Carraman, Carlos Jesús Navarro Jiménez, Leocadio Miranda Rangel, Juan José López Gómez, Orlando Saucedo Rodríguez, Javier Méndez Suárez, Jesús Antonio Méndez Cruz, Jesús Ruperto Cantúa Badilla, Gerardo Nava Soto, Valentín Albañil Mendoza, Erick Ojeda Morales et Víctor Alfonso Jiménez Peña, tous bannis actuellement et accusés d’appartenir à la bande "Los Zetas".
L’enquête laisse cependant de côté la PFP, l’Agence fédérale d’enquête, l’armée fédérale ou la Marine, corps dont les membres ont pourtant participé à ces opérations illégales dans l’État d’Oaxaca.
En 2006, une vingtaine d’opposants d’Ulises Ruiz ont été tués par balles lors de manifestations et de marches ou sur les barricades. Deux ans après, aucun de ces meurtres n’a été résolu.
À bientôt.
Diego Osorno
diego.osorno@gmail.comCet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir
Traduit par Ángel Caído.