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Microcrédit, commerce équitable et développement durable, instruments au service de l’ordre établi
Publie le dimanche 8 novembre 2009 par Open-Publishing1 commentaire
Il n’est pas un jour qui passe sans entendre les hommes politiques, les institutions internationales, les économistes, les dirigeants d’entreprises, les ONG, les grands médias etc. vanter les mérites du microcrédit, du commerce équitable et du développement durable. De quoi s’agit-il ? Selon les tenants de ce paradigme, il s’agit de lutter contre la pauvreté, de rémunérer équitablement le producteur et de préserver les besoins des générations présentes et à venir. Mais en réalité, il ne s’agit là que d’un maquillage idéologique pour mieux masquer et perpétuer la brutalité des rapports sociaux de production de la société capitaliste.
Pour Jacques Attali, symbole vivant de l’opportunisme et du cynisme, ancien conseiller de Mitterrand et ami de Sarkozy, la lutte contre la pauvreté passe par le microcrédit. Attali le riche veut ainsi aider les pauvres ! Il fonde alors PlaNet Finance, une ONG internationale aux ramifications multiples et obscures, soutenue par une kyrielle de patrons et d’hommes politiques. Dans son conseil d’administration on trouve pêle-mêle Henri Lachmann Président du Conseil de Surveillance de Schneider Electric, Anne-Claire Taittinger Ancienne Présidente du Directoire du Groupe Taittinger, Bertrand Lavayssière Directeur Général de Global Financial Services ( Capgemini), Bernard Kouchner, Rachida Dati etc. Et comme présidents d’honneurs de ce groupe à but non lucratif, on peut citer Muhammad Yunus, Edouard Balladur, Thierry Breton, Michel Rocard etc. PlaNet Finance reçoit l’aide de multiples fondations dont celle de Bill Gates.
Jacques Attali, avec tout ces bourgeois derrière lui, peut « résoudre le problème de la pauvreté en généralisant la microfinance aux 500 millions d’entrepreneurs qui n’ont pas accès au crédit » (1). Pour éradiquer la misère, il faut transformer les pauvres en entrepreneurs, par la magie du microcrédit. Banquiers, experts et conseillers en microcrédit sont envoyés aux quatre coins de la planète pour accomplir cette noble mission. Mais ces études et ces conseils ne sont pas toujours prodigués gratuitement. Jacques Attali, en bon bourgeois, a réalisé en 1997 une lucrative étude sur le microcrédit pour le gouvernement angolais qui lui a rapporté 200 000 dollars. Il faut préciser que Pierre Falcone, poursuivi et condamné dans l’affaire Angolagate, n’est pas étranger à cette fameuse étude sur le microcrédit dans un pays en pleine guerre civile !
Jacques Attali est également président « d’Attali et Associés » célèbre et rentable cabinet de conseil international spécialisé dans l’ingénierie financière. Il est difficile de distinguer les deux structures. Car PlaNet Finance est, elle aussi, spécialisée dans le conseil aux fonds internationaux de micro crédit et dans la notation des organismes de microcrédit. On ne sait pas vraiment quand s’arrête le conseil payant et quand commence l’aide gratuite.
Mais le pape du micro crédit reste quand même Muhammad Yunus prix Nobel de la paix. Sa Grameen Bank est, elle aussi, soutenue par les multinationales comme Danone par exemple. L’engouement des grands groupes pour le microcrédit est réel. Car celui-ci est non seulement rentable, mais il est aussi et surtout au service du capital. Comme le précise Muhammad Yunus lui même « Le social-business est la pièce manquante du système capitaliste. Son introduction peut permettre de sauver le système » (2). Il s’agit donc de sauver le capitalisme ! Comment ? En exploitant les pauvres, de plus en plus nombreux, par le biais du crédit et des taux d’intérêt élevés. En effet ceux-ci varient entre 15 et 20 % et parfois beaucoup plus. Ces taux sont donc supérieurs à ceux appliqués par les banques traditionnelles. A l’asservissement du pauvre au patron, s’ajoute l’asservissement au banquier. Celui-ci n’hésite pas à pousser le pauvre, dans l’incapacité d’honorer sa dette, à contracter de nouveaux emprunts pour rembourser les premiers avec des taux encore plus élevés. L’exploitation n’a pas de limites ! Sur-exploité et sur-endetté, le pauvre au lieu de devenir petit entrepreneur, devient plus pauvre encore. Traqué par ses créanciers et ne pouvant plus rembourser, il va utiliser le suicide comme ultime moyen de protestation. C’est ainsi que des milliers de paysans indiens ont été poussés au suicide, entre autres, à cause du sur-endettement lié à des taux usuriers du microcrédit
(3).
Alors pour éviter ces cas extrêmes et pour améliorer le sort des producteurs pauvres des pays du sud, on leur propose le commerce équitable. Il s’agit de rendre équitables les échanges internationaux, dans le cadre du capitalisme bien sûr. Comment ? « En garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète »(4). ONG caritatives et humanitaires, organismes de labellisation, grands groupes de distribution et multinationales du Nord, dans un formidable élan de générosité, vont secourir les producteurs du Sud. Quelle époque formidable !
Nestlé, MacDonald’s, Carrefour, Leclerc etc. dont la violence sociale exercée sur leurs propres salariés est assumée ouvertement, sont eux aussi solidaires des petits producteurs ! Mais derrière cette « solidarité » se cache le profit. Pour les responsables des magasins Leclerc « le commerce équitable ne constitue qu’un marché émergent. Avec les volumes, les fournisseurs vont pouvoir écraser leurs coûts de production et nous pourrons ainsi augmenter nos marges » (5). « Le commerce équitable, c’est d’abord du commerce », rappelle Catherine Gomy directrice qualité et développement durable chez Leclerc avant d’ajouter « On paie plus cher la matière première mais, pour nous, la marge est la même. C’est le consommateur qui paie la différence » (6).
Les grands groupes exploitent ainsi les sentiments altruistes des consommateurs pour s’engraisser un peu plus. Le commerce équitable leur permet également de redorer leur blason bien terni par la brutalité des rapports sociaux qu’ils entretiennent avec leurs employés.
Et le producteur du Sud que ces multinationales, ONG et autres organismes caritatives ou humanitaires du Nord veulent, vaille que vaille, aider que gagne-t-il dans ce commerce de l’équitable ? Pas grand-chose. Il doit se contenter de quelques miettes et supporter de surcroît toute une série de frais imposés par une horde d’intermédiaires parasites qui, comme des vampires, lui pompent ses maigres ressources. Au final, on arrive à cette étrange situation où « ceux qui travaillent ne gagnent pas et que ceux qui gagnent ne travaillent pas » (7).
Mais pour continuer à s’enrichir et pour perpétuer son système, la bourgeoisie exploite également et sans retenue la misère humaine et la misère écologique. Elle a inventé le concept du développement durable ou soutenable pour justement soutenir et faire durer son propre système, le capitalisme, premier et dernier responsable de la destruction de l’homme et de la nature : « un développement qui répond aux besoins des générations du présent sans compromettre la capacité des générations futures à répondre aux leurs »(8).
Grâce à sa puissance économique, elle impose sa vision sociale et écologique du monde : faire du profit tout en faisant croire qu’elle travaille à la sauvegarde des intérêts des générations actuelles et futures. Là encore les entreprises, petites et grandes, les gouvernements, les collectivités locales, les ONG, l’Union Européenne, l’ONU et ses institutions etc. tentent, chaque jour qui passe, de nous convaincre que la lutte contre la pauvreté et le salut de notre planète passent par le développement durable. Séminaires, colloques, conférences, rencontres internationales, forums, expositions, bref des manifestations en tout genre et en tout lieu se multiplient à travers la planète pour promouvoir le développement durable. Le Conseil mondial des entreprises pour le développement durable (WBCSD) qui regroupe 175 entreprises internationales participe lui aussi au « développement durable par la croissance économique, l’équilibre écologique et le progrès social ». Global 100, un cabinet américain de conseil en investissement spécialisé dans la gestion des risques non traditionnels, sélectionne et classe les 100 multinationales les plus engagées dans le développement durable. Il publie un rapport à l’occasion du forum économique mondial de Davos (9).
Toute cette agitation n’a qu’un seul but, masquer l’horrible réalité d’un système dont les lois et les mécanismes sont en profonde contradiction avec l’homme et son environnement. Et pendant que l’on s’agite autour du développement durable, plus d’un milliard d’êtres humains selon la FAO souffrent de la faim alors même que la production des richesses atteint des niveaux jamais égalés dans l’histoire de l’humanité (10). La finance globalisée spécule sur le blé, le riz, le maïs et autres denrées de première nécessité transformées en produits financiers permettant aux spéculateurs parasites de s’engraisser toujours plus. Les grands groupes industriels et bancaires distribuent sans scrupules dividendes et bonus par dizaines, par centaines de milliards d’euros à leurs actionnaires et « collaborateurs » tout en continuant à licencier par milliers leurs salariés.
Le saccage de la nature et sa destruction systématique par les multinationales avides de profit et qui participent en même temps avec enthousiasme à la promotion du développement durable, se poursuivent inlassablement.
Microcrédit, commerce équitable et développement durable ne sont pour le système que des instruments qui lui facilitent grandement la réalisation de son seul et unique but, le profit. Ils lui permettent également de se perpétuer en le présentant paré de toutes les vertus : un capitalisme à visage humain ! Il ne s’agit en fait que d’un vulgaire maquillage sur un visage hideux, un masque derrière lequel se cache toute la laideur et toute la brutalité du capitalisme.
Mohamed Belaali
(1) http://www.challenges.fr/magazine/coulisses/0171.023397/?xtmc=attali&xtcr=2
(2) Muhammad Yunus, « Vers le nouveau capitalisme », J C Lattès, 2008
(3) http://w3.cerises.univ-tlse2.fr/download/down/microfinance%20et%20lib%E9ralisme.pdf
(4) Voici la définition « offocielle »du commerce équitable élaborée par quatre structures internationales ( (FLO, IFAT, NEWS, EFTA) : « Le commerce équitable est un partenariat commercial fondé sur le dialogue, la transparence et le respect, dont l’objectif est de parvenir à une plus grande équité dans le commerce mondial. Il contribue au développement durable en offrant de meilleurs conditions commerciales et en garantissant les droits des producteurs et des travailleurs marginalisés, tout particulièrement au Sud de la planète. Les organisations du commerce équitable (soutenues par les consommateurs) s’engagent activement à soutenir les producteurs, à sensibiliser l’opinion et à mener campagne en faveur de changements dans les règles et pratiques du commerce international conventionne ».
(5) Cité par Christian Jacquiau « Max Havelaar ou les ambiguïtés du commerce équitable », in Le Monde Diplomatique, seprembre 2007.
(7) Manifeste du Parti Communiste, K Marx et F Engels.
(8) Définition de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement dans le Rapport Brundtland.
(9) Voir la liste http://www.global100.org/
(10) Rapport 2009 de la FAO ( Food and Agriculture Organization)
ftp://ftp.fao.org/docrep/fao/012/i0876f/i0876f00.pdf
Messages
1. Microcrédit, commerce équitable et développement durable, instruments au service de l’ordre établi, 8 novembre 2009, 23:55, par willi 91
Merci pour l’argumentaire.
La bourgeoisie domine les mots qui amènent l’approbation sinon au consensus.
Une formule me revient à l’esprit :" le principe de réalité" qui permet à son utilisateur de se dédire de son affirmation précédente sans se trahir...