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Monsieur Nicolas Sarkozy Président de la République. JC Lefort

Publie le vendredi 4 avril 2008 par Open-Publishing
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Paris, le 25 mars 2008

Monsieur Nicolas Sarkozy
Président de la République
Palais de l’Elysée
55, rue du faubourg Saint-Honoré
75008 Paris

Monsieur le Président de la République,

Je m’adresse à vous de manière très solennelle au sujet de la situation que vit l’un de nos compatriotes, le jeune Salah Hamouri, pour lequel vous avez déjà été saisi sans pour autant vous engager personnellement ni vous prononcer sur son cas.

Salah Hamouri est un jeune franco-palestinien de 23 ans qui vivait en territoire palestinien au Nord de la ville de Jérusalem occupée. Sa mère est française, née Denise Guidoux, et son père M. Hamouri connaît la situation de tous palestiniens qui résident à Jérusalem-Est : il dispose d’une carte d’identité, dite de Jérusalem, mais sa nationalité n’est pas reconnue – il n’est donc légalement ni palestinien, ni israélien. Il est de fait « sans nationalité ».

Salah Hamouri, bien que franco-palestinien, est donc légalement français.

Ce jeune homme, étudiant en sociologie, a été arrêté il y a trois ans, le 13 mars 2005 exactement, à l’occasion d’un contrôle d’identité à l’un des nombreux « chekpoint » qui existent entre Jérusalem-Est et Ramallah.

Arrêté sans en connaître le motif – ainsi que vivent, sous occupation militaire, tous les palestiniens victimes d’humiliations et d’arbitraires inouïs –, il a été conduit en prison et traduit devant un tribunal militaire israélien.
Le motif déclaré ultérieurement de ces décisions ? Etre passé en voiture, trois mois plutôt, devant le domicile d’un rabbin particulièrement extrémiste, Yossef Ovadia, qui est aussi le chef du parti Shass qui soutient le gouvernement de Monsieur Olmert.

Le fait de passer devant son domicile trois mois plutôt alors que le jeune Salah est combiné avec le soupçon d’être membre du FPLP. Cela a conduit la « justice » militaire à estimer que cette affiliation étaient à elles seules la preuve qu’il avait nécessairement des intentions « négatives » à l’encontre de ce rabbin qui n’a été l’objet d’aucun acte attentatoire à sa personne et à sa vie, à fortiori de la part de Salah. Il coule toujours des jours paisibles.

Après une période d’interrogatoires « spéciaux », Salah Hamouri a, depuis 3 ans, comparu à 25 reprises devant le tribunal militaire qui cherche à établir, non pas qu’il est l’auteur d’un délit quelconque puisqu’il n’y en a pas eu, qu’il est membre du FPLP et qu’à ce titre il aurait pu avoir des « intentions » négatives vis-à-vis de ce rabbin.

Toutes les audiences ont été suspendues ou reportées faute de témoins pouvant accréditer cette appartenance politique de Salah. Les témoins annoncés n’étant pourtant pas introuvables : ce sont tous des prisonniers. Il ne s’en est pas trouvé un seul, en trois ans, pour venir à la barre et pour confirmer cette « accusation ».

Or voici que samedi 22 mars, j’étais informé que le procureur du tribunal militaire proposait à la famille, par le biais de l’avocate de Salah, ce qu’il faut bien appeler un « marché », le suivant : « 7 ans de prison, c’est à prendre ou à laisser et si vous laissez ce sera pire ».

Monsieur le Président de la République, au nom de la France et de la défense des droits de l’homme, vous ne pouvez accepter le sort ainsi réservé à l’un de nos compatriotes.

Vous vous êtes prononcé pour la libération du caporal Shalit, un jeune franco-israélien dont vous avez reçu les parents. Vous avez aussi plaidé la grâce pour les responsables de l’Arche de Zoé. Pourquoi Salah Hamouri devrait-il, lui, ne pas être secouru par la France alors qu’il n’a commis strictement aucun acte délictueux ?

Salah Hamouri est deux fois otage. Il est l’otage de l’occupation israélienne et de ses conséquences. Et il est l’otage de la politique intérieure israélienne en ce que son emprisonnement permettrait de donner des gages au parti Shass afin de renforcer son soutien à la politique de l’actuel gouvernement israélien.

La France ne peut pas accepter que l’un des ses enfants soit otage pour quelque « raison » que ce soit.

Or force est de constater que, bien qu’alertés à diverses reprises sur cette situation inadmissible, les membres de votre gouvernement en charge plus directement de ce « type » de questions n’ont à aucun moment demandé, et exigé encore moins, la libération de Salah Hamouri.

Relativement au deux autres cas évoqués on ne peut admettre ce « deux poids, deux mesures ». Que l’Etat d’Israël soit un Etat ami de notre pays ne peut conduire la France à couvrir tout ses faits et gestes. En l’occurrence il s’agit, ni plus ni moins, du respect des droits de l’Homme, respect et défense dont vous avez estimé qu’ils devaient dominer la politique étrangère de la France. Dans ce cadre vous avez même déclaré être décidé à aller « chercher partout dans le monde » tout citoyen français victime de l’arbitraire.

C’est pourquoi, Monsieur le Président de la République, toutes les autres voies utilisées vers votre gouvernement s’étant révélées infructueuses, voir désinvoltes, je me tourne vers vous aujourd’hui.

Vous êtes en effet désormais le dernier recours pour toutes celles et tous ceux qui, à commencer par la famille de Salah Hamouri, n’ont eu de cesse d’agir pour que la justice prévale également pour Salah Hamouri et pour que sa libération soit exigée. La prochaine audience où Salah Hamouri est convoqué se tiendra dans la deuxième quinzaine du mois d’avril.

Cela risque d’être la dernière avec l’annonce de la sentence : 7 ans de prison. Sept ans alors qu’il n’a rien fait et qu’un délit d’intention supposé est la seule « charge » qui pèse sur lui.

Vous avez des enfants, Monsieur le Président. Imaginez un instant ce que vous pourriez ressentir si l’un d’entre eux devait connaître pareille injustice et si la France le laissait « tomber » ?

C’est pourquoi je vous demande, solennellement, d’intervenir auprès de qui de droit pour que Salah Hamouri recouvre la liberté et son droit de vivre sa jeunesse comme tout un chacun. Infliger injustement et arbitrairement 7 ans de prison à un jeune de 23 ans qui n’a rien fait, c’est de facto condamner sa liberté et sa jeunesse à une peine de mort.

La France ne peut être complice de tout cela. La France des Droits de l’Homme ne peut accepter l’inacceptable.

Dans l’attente de votre diligente et efficace intervention pour la libération de Salah,

Je vous pire de croire, Monsieur le Président de la République, en l’assurance de mon respect.

Jean-Claude Lefort

Député honoraire

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