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Montebourg le mou

Publie le samedi 23 septembre 2006 par Open-Publishing
11 commentaires

Montebourg le mou

On l’a pris longtemps pour un dur de gauche au sein du PS, petit juge à
la figure de Saint Just, exigeant rien moins qu’une sixième République
et Chirac en prison. On a été triste pour lui quand ses copains sont
partis à la soupe, le laissant tout seul. Il n’a pas eu le courage de
présenter sa candidature aux présidentielles. Comme il est de tradition
séculaire au PS, après les illustres exemples de Léon Blum, Guy Mollet,
Mitterrand, aujourd’hui Fabius, il ne s’agit que de gagner à gauche pour
gouverner à droite. Le député de la Saône a proprement tourné casaque
et s’accroche, faute de mieux, aux charentaises droitières de
Sarko-naine Royale, lançant ses mots d’ordre crypto-pétainistes, à la
manière de son ancien patron : Travail, Famille, Poitou ! Libé,
Montebourg te bourre le mou. Blair, Royal gourou, n’est que la droite
camouflée en travailliste, le caniche américain, le menteur et fauteur
de guerre en Irak. C’est au moment où cet ultra-libéral est rejeté par
la masse des britanniques que Ségolène hisse ses couleurs ! Piétiner la
RTT, meilleure conquête de la gauche unie, supprimer la carte scolaire
pour accroître les inégalités, mettre l’armée dans les banlieues,
supprimer les allocations, remettre de l’ordre : un festival
réactionnaire ! Jusqu’où irait-elle si elle accèdait au pouvoir ?

Cette déplorable habitude du volte-face gauche-droite vient de loin :
1914 a vu la social-démocratie européenne dissoudre en un instant
chauvin l’essentiel des ses engagements pacifistes et précipiter ses
millions d’ouvriers socialistes dans la boucherie industrielle de
l’impérialisme. Nombre de ceux qui n’acceptaient pas moururent : Jaurès,
Liebknecht, Rosa Luxembourg, des millions d’autres dans les tranchées
quand ils n’étaient pas fusillés par Pétain. Cette catastrophe
politique, philosophique, éthique du socialisme démocratique a non
seulement ravagé l’Europe et fait des millions de morts mais son horreur
a permis l’émergence symétrique des deux totalitarismes, fasciste et
stalinien. Qui peut affirmer que nous ne sommes aujourd’hui face à une
semblable croisée des chemins ? gestion démocratique, écologique et
sociale du monde ou bien apartheid généralisé, appuyé sur un pentagone
tout-puissant et des bourgeoisies compradores trouvant leurs Sarkozy,
versus Royal ?

La différence entre la droite et la gauche n’a jamais été si profonde.
La tâche de la droite est claire, à la limite facile : c’est, comme le
prêchait Nietzsche et Heidegger, l’éternel retour du même, le maintien
conservateur des privilèges voire leur extension illimitée.
L’exploitation, la domination ne se sont jamais si bien portées. Seuls
les ingrédients varient.

La tâche des gauches est d’explorer un futur plus enviable, débarrassé
de l’aliénation, de la domination absolue d’un marché désormais
truqué. Il s’agit de faire passer la démocratie économique et politique
à un niveau historique inédit : rien n’est tracé d’avance. Tout au
contraire, les révolutions étatiques du siècle dernier se sont révélées
partout pis que le mal capitaliste qui, lui, au moins, développe, comme
une minorité de Chinois et d’Indiens le constatent aujourd’hui. Ce n’est
pas excuser la social démocratie, mais il lui faut tâtonner sans cesse,
au risque comme en Suède de devoir céder la place en dépit de résultats
sociaux probants. Les ultra-gauches ont pour elles leur pureté morale
tellement nécessaire et leur rôle de catalyseur mais elles aimeraient
parfois battre le record du cent mètres haies dans un tunnel où on ne
distingue ni les obstacles ni la ligne d’arrivée, ce qui est dangereux.

Ce serait de l’angélisme que de songer que, parmi les armes de la
bourgeoisie, le recours au cheval de Troie aurait été abandonné. L’ENA,
sauf exceptions, formate les cadres futurs d’une telle dérive vers la
trop fameuse « gestion loyale du capitalisme ».

La critique impitoyable des tares sociétales est indispensable, les
grands axes des remèdes, sinon les politiques rigoureuses, connus. Pour
autant, leur mise en œuvre concrète est loin d’être aisée : des
décennies de luttes et d’approximations seront nécessaires.

Dans cette perspective Montebourg qui a rallié l’autre camp, s’attaque
dans Libé à une mission impossible : forer au marteau piqueur une fausse
fenêtre de gauche pour la symétrie.

Avec la foi du Girondin fraîchement converti, il a scruté au microscope
le discours royaliste pour y détecter les introuvables pépites d’un
engagement jacobin. Il n’a trouvé que de pieuses références creusement
moralisantes sur l’ordre hiérarchique « juste » entre le capital et le
travail. Serait-ce établir une « juste » proportionnalité de un à cinq
entre les revenus individuels de l’un et de l’autre ? Supprimer
l’héritage des grands moyens de production ? Renvoyer au syndicalisme de
masse la responsabilité des changements que les politiques sont chargés
de mettre en œuvre, voilà qui est proprement du ponce-pilatisme !
Comment s’y prendra-t-elle ? Défendra-t-elle les militants syndicaux
virés partout par les patrons de droit divin ? Que fera-t-elle sur les
licenciements ? Donnera-t-elle au comité d’entreprise des droits
nouveaux de contrôle sur l’activité de l’entreprise ? Est-ce cela le
contenu de sa « révolution démocratique », ou seulement quelques blogs
sur Internet, la pipolisation massive des leaders, des sondages par
wagon, comme elle en donne l’exemple dans sa campagne ?
Supprimera-t-elle la publicité à la télévision et la personnalisation
excessive des roitelets, par exemple en introduisant dans les
municipalités le maire tournant, la gestion directe par des comités de
quartiers révocables, les budgets participatifs. Sur le plan national,
la suppression de l’élection du président au suffrage universel,
l’introduction progressive dans chaque rouage de l’Etat de la
participation directe des citoyens ? Ces mesures s’inspirant de
l’autogestion seraient pourtant les seules à pouvoir conférer à la
transition démocratique urgente un caractère « révolutionnaire » qui
dépasse enfin les acquis de 1789 !

Il s’agit sinon d’une farce sinistre ! D’une monstrueuse supercherie.

Sur l’environnement, est-elle contre les OGM, contre la gadgétisation
inutile, contre le croissance quantitative et pour la RTT ? pour une
révolution urbaine mettant fin à la spéculation foncière, à la
dictature de l’argent sur les immondes constructions de boîtes, sur les
concentrations urbaines délirantes ? On chercherait en vain dans son
absence de programme, la moindre idée nouvelle.

Le programme socialiste en dépit de sa fadeur, n’a cessé d’être foulé
aux pieds par ses déclarations d’indépendance (de droite !). Que
pense-t-elle de Bush ? de la guerre en Irak, en Palestine ? En matière
d’Europe, elle veut comme la droite, replâtrer le traité mort-né, pas un
mot sur l’Europe sociale, l’indépendance vis-à-vis des USA, le refus
de l’alignement blairiste.

En fait de reconstruction du politique, madame Royale a lancé une
dangereuse entreprise de démolition de ce qui reste de politique en
France en tirant l’opinion lassée vers une américanisation délétère, à
coups de slogans simplistes, d’esquive du débat, de rictus télévisuels,
de flatteries aux financiers, ceux qui comme Minc, Joffré, Bébéar ou
Lagardère, etc., ont pu la lancer comme on lance un shampoing Loréal. A
quand les pubs télévisées et les majorettes ?

Méfiez-vous, grands bourgeois, vous pouvez une fois de plus priver le
peuple de sa victoire démocratique mais c’est dans la rue que les
problèmes reviendront.

Jean-Pierre Lefebvre , urbaniste, Septembre 2006

Message que je viens de recevoir et que j’ai plaisir à vous partager

Lambda

Messages

  • Monsieur,
    Je ne vous connais pas. Mais vous injuriez, ce qui me permet de montrer autant de mépris à votre égard que vous en manifestez vous-même.
    En d’autres temps nous dirions staliniste
    Au fonds, c’est peut-être cela qui vous manque
    De belles certitudes comme ça on en fait plus guère.
    Henri Médioni

    • Le Prince charmant Arnaud de Montebourg réveillera-t-il la Belle au bois dormant, Ségolène Royal ?

      Sans être staliniens beaucoup de français doutent de la fin du conte...

    • Monsieur de la trucmuche, il faut dire quand même que cet article n’est pas faux !!!!!
      quelle bande de traîtres au PS..... mais bon ça fait des années !!!!

      pour décharge à sego c’est pas facile d’être vraiment de gauche quand sa famille se trouve en 3ème position d’une liste FN !!

    • Oui , Montebourg est allé à la soupe...tous ceux et celles qui ont cru en lui sont trahi...mais la référence à la parente FN de Royal comme argument est inadmissible ;ça aussi c’est une forme de" peopolisation" de la politique. Bastian contrario

  • Excellent texte. Dur mais juste.
    Pol

  • Merci de ce ferme et intéressant point de vue .

  • Dur, l’article ? ... oui... Mais à voir la violence des réactions, il appuie (malheureusement) exactement là où ça fait mal ....

    Elisabeth L

  • A part ça ? Ca va ? Vous vous permettez de critiquer celui ou celle qui essaye d’avancer dans le bon sens en politique à savoir redonner aux citoyens tout ce que les éléphants roses et bleus leurs ont confisqué depuis de trop longues années : la participation plus que légitime au travail politique. recevez de fait mes plus perverses salutations et bon vent.
    OM

  • A lire certains commentaires, je me dis : on est mal barrés  !

    Soutenir que des baudruches et elles seules sont dignes de figurer dans un débat politique , c’est d’ores et déjà accepter que n’importe quelle potiche fera l’affaire.

    Très bon article au demeurant, n’en déplaise aux champions de la pensée unique et du vote "utile", qu’ils disent.

    Valens

  • Il est évident que le texte est dur, mais il est encore plus évident que ceux qui s’en offusquent et le rejetent avec violence n’ont jamais mesuré, ou senti, le mépris dans lequel les petites gens ont toujours été tenues et maintenues à distance avec des discours trompeurs. Sur quoi ceux qui se prétendent socialistes à l’heure actuelle peuvent-ils s’appuyer pour montrer leur capacité à la rupture (comme dirait Sarko) avec le capitalisme prédateur ? L’auteur a raison : ce n’est pas avec des majorettes que les socialistes, version Royale ou autre, vont attirer les citoyens ! La porte est donc grande ouverte aux démagogues de tout bord ou au sectes puisque l’on ne peut plus espérer un autre monde bouché par "l’horizon soi-disant inépassable du capitalisme".
    IA

  • je sais pas trop quoi en penser. Moi aussi, j’ai pas trop compris ce qu’il a fait l’Arnaud. J’y croyais au début. Mais que dire, je crois qu’il tombe dans nos travers (au moins le mien), c’est-à-dire "tout sauf Sarko". Le vote utile "comme ils disent", l’est vraiment si à la place de little Bush, on a Royal. C’est pas la panacé, certes. Mais entre "pas la panacé" et "je me casse à l’étranger", je choisi "pas la panacé".

    Mais faut pas s’y tromper non plus, Montebourg est pas un âne. Quoiqu’li arrive, il sortira vainqueur. Ca aurait bête d’aller se prendre une claque au vote interne. Par contre, si elle est élue, elle se souviendra de lui ; si elle perd, il a cinq ans pour prendre de l’importance et faire gagner des parts à son projet !

    Bref, c’est pas un ange, c’est un politicien.