Accueil > Montezemolo découvre la lutte à la rente

Montezemolo découvre la lutte à la rente

Publie le jeudi 19 janvier 2006 par Open-Publishing

de Giorgio Cremaschi, traduit du français par karl&rosa

Avec son article de fin d’année, le président de Confindustria (le MEDEF transalpin, ndt) s’est mis lui-même ainsi que son association au centre de l’offensive pour affirmer la valeur éthique du capitalisme libéral, opposé à la politique, aux corporations, aux raiders. Il y a quelques jours, le vice-directeur du "Corriere" avait efficacement synthétisé ainsi les évènements de la Banque d’Italie : "Fazio est tombé parce qu’il a cru pouvoir arrêter le vent de la globalisation par les mains de Giampiero Fiorani".

D’un côté, donc, la marche du progrès, qu’on ne peut pas arrêter, guidée par la force du marché globalisé, de l’autre les résistances plus ou moins licites des forces du passé, du provincialisme des corporations ? Cela ne semble pas précisément le cas. Si, encore une fois, mis face aux juges, des ex puissants dévoilent soudain de combien de petites et grandes misères est parsemée leur ascension.

Si, encore une fois, comme pendant Mains propres, on découvre dans les nouveaux riches tombés dans la poussière de petites et de grandes mesquineries, exposées à la risée de l’opinion publique. Bon, si un côté ignoble du capitalisme émerge et est souligné ainsi, pour en affirmer, à l’opposé, un côté éthique, c’est justement ce dernier dont on ne comprend pas trop où il se trouve, qui l’interprète vraiment, ce qu’il produit.

A la fin des scandales financiers, les multinationales bancaires trouveront bien la façon de s’arranger et d’arranger leur position, en accord avec les pouvoirs les plus anciens. Tout comme c’est arrivé par le passé avec les multinationales de l’industrie et des services. Mais tout cela ne changera certainement pas la qualité du développement dans notre pays. Depuis des années, notre capitalisme est parcouru par le conflit entre les pouvoirs les plus anciens et les nouvelles cordées, mais à la fin de ces conflits il n’y a jamais eu d’innovation et de progrès.

Dans le passé il s’agissait de choisir le secteur à privilégier, les produits à lancer et ceux à abandonner, les marchés à envahir et ceux qu’on devait laisser dépérir. Mais ici, aujourd’hui, nous sommes face à autre chose. Depuis la fin des années 70, les grands affrontements du capitalisme italien ont toujours concerné le pouvoir sur le plan politique et financier. Ces affrontements n’ont jamais amené à rien de positif. Il n’y avait pas de réelles diversités de projets industriels ni du côté des perdants, qui se sont périodiquement renouvelés, ni du côté des gagnants, qui sont toujours les mêmes. Voila le grand transformisme du groupe dirigeant du capitalisme italien. T

Retourner sa veste, du protectionnisme au libéralisme, de la défense de l’italianité au rapport privilégié avec les multinationales, de l’industrie aux services, avec toujours les mêmes aux postes de commandement. FIAT représente plastiquement cette évolution. Aux années 80, une fois défaits le syndicat et les travailleurs, FIAT se battit avec succès contre la cession de l’Alfa Roméo à Ford, au nom des intérêts industriels nationaux. Aux années 90, FIAT détourna de l’automobile et de l’industrie d’importants capitaux, qui furent investis dans les télécommunications, dans les banques, dans la spéculation financière. A cause de ces choix le groupe chuta dans le désastre, dont il fut sauvé, comme l’a rappelé Sergio Cusani dans "Il Sole 24 Ore", par une intervention unique dans son genre, concertée par les banques, refusée par contre à Gardini et au groupe Ferruzzi.

Maintenant, le président de FIAT et de Confindustria soutient les intérêts de l’industrie contre ceux de la spéculation financière et, sans entrer toutefois en conflit avec les banques, il fait allusion à la nécessité de lutter contre la rente. Mais parmi les principaux sponsors du nouveau cours de Confindustria il y a des familles industrielles comme Benetton, qui ont démantelé la production textile pour investir dans les autoroutes et les auto grill.

Les vicissitudes du capitalisme italien de ces derniers vingt ans n’ont jamais montré des bons et des mauvais sur le terrain, mais seulement des mauvais et des très mauvais. Les raiders perdants de ces jours-ci sont probablement parmi ces derniers, mais au fond ils se sont retrouvés parmi ces derniers, ils y ont été contraints. Dans un libre marché brutalement exposé à la globalisation, tel que le nôtre, un peu tout est en vente et alors, que veut-on acheter avant tout ? Ce qui donne des gains sûrs, comme les téléphones, les autoroutes, les banques. Et qui achète ? Ou bien celui qui est le plus puissant, ou bien celui qui a le moins de scrupules.

Ne nous avaient-ils pas expliqué, peut-être, que la force du capitalisme libéral est justement de permettre à qui que ce soit d’essayer de devenir riche et puissant ? Alors ce sont justement les raiders d’en bas ceux qui ont pratiqué le plus la modernité du libéralisme. D’ailleurs, comment Telecom et tant d’entreprises privatisées ont-elles été achetées ? Avec leur propre argent. Les acquéreurs ont pu acheter la majorité des actions en se faisant prêter l’argent et en le remboursant ensuite grâce aux profits des sociétés achetées. Les raiders d’Antonveneta et de la Bnl ont essayé eux aussi la même voie et le fait qu’ils aient encouru l’intervention de la magistrature ne change pas la substance. L’affirmation du capitalisme financier, la libéralisation du marché des capitaux traduisent dans le monde entier l’œuvre des raiders, faite par des amitiés, des accords, des intrigues. Les scandales Cirio et Parmalat ne sont que la répétition du scandale Enron, qui s’est passé aux Usa. C’est partout la même chose. Le capitalisme éthique de Confindustria est simplement le style des gagnants de toujours. D’ailleurs, l’éthique n’a rien à voir avec le respect des lois, qui devrait être un acte dû. On pourrait commencer à parler d’éthique en allant au-delà du simple respect des règles du marché.

Une fois, Giancarlo Pajetta a dit qu’il connaissait un seul entrepreneur éthiquement illuminé, Olivetti, mais qu’il avait fait faillite. Certes, des comportements éthiques dans le monde d’aujourd’hui devraient signifier renoncer à des gains faciles pour sauver des emplois, investir l’argent dans la recherche plutôt que dans la finance, ne pas délocaliser les entreprises pour poursuivre l’exploitation du travail. Mais cela, personne ne le fait. La vérité est qu’on veut affirmer comme éthiques simplement les intérêts de la globalisation, des intérêts derrière lesquels il y a des pouvoirs plus forts et consolidés qui n’ont pas besoin de recourir aux expédients mesquins des raiders. Ce sont justement ces pouvoirs qui déchaînent aujourd’hui une offensive brutale contre la gauche réformiste et spécialement contre les Ds. Evidemment, ces derniers n’ont pas appris jusqu’au bout la leçon de ce qui est arrivé à Bettino Craxi. Dans notre pays, toutes les tentatives de la gauche de conquérir du pouvoir en se faisant le porte-drapeau du capitalisme et du libéralisme ont fini par un désastre. L’idée de rivaliser avec les pouvoirs forts du capitalisme au nom du libre marché, des libéralisations, des capitaines courageux, a mené et mène aux défaites et à l’isolement.

Il est paradoxal que le groupe dirigeant des Ds ne découvre que maintenant l’esprit anticommuniste de certaines campagnes. Chez nous, le capitalisme libéral a toujours affirmé le privilège de quelques-uns et n’a jamais eu une fonction de développement. C’est pourquoi toute la gauche, plutôt que de se préoccuper du conflit entre d’anciennes familles et de nouveaux raiders, plutôt que de poursuivre l’utopie du capitalisme éthique, qui est comme le phénix, devrait redécouvrir l’indépendance de la politique du marché et, par conséquent, rétablir des règles, des droits, des pouvoirs, des programmes publics.

Le président de Confindustria a déploré, en tant que limite à la croissance, la persistance des monopôles et des propriétés des organismes d’intérêt public. C’est le contraire qui est vrai, l’Italie des participations étatiques et de la programmation industrielle est celle qui a cru le plus dans l’histoire de notre pays, celle des privatisation, au contraire, s’est arrêtée. C’est pourquoi, si on veut vraiment tirer une leçon des scandales bancaires, qu’on commence à poursuivre l’intérêt public des citoyens contre l’intérêt du marché et de ceux qui le commandent, qui, après tout, sont toujours les mêmes.

http://www.liberazione.it