Accueil > « Moratoire sur l’aéroport » : une farce qui ne nous fait pas rire

« Moratoire sur l’aéroport » : une farce qui ne nous fait pas rire

Publie le vendredi 8 juin 2012 par Open-Publishing
6 commentaires

Quelques analyses au sujet de l’accord du 8 mai 2012 après la grève de la faim

On a beaucoup entendu parler ces derniers temps de l’accord obtenu le 8 mai 2012 à la suite d’une grève de la faim de 28 jours menée par des agriculteurs/trices en lutte contre le projet d’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. Certain⋅e⋅s fantasment cet accord comme un « moratoire sur l’aéroport » (Anne-Sophie Mercier : Moratoire sur l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes dans Le Monde du 9 mai 2012) et beaucoup crient victoire.

De notre côté, nous éprouvons le besoin de préciser ce que cet accord change vraiment et surtout ce qu’il ne change pas. Nous tentons quelques pistes d’analyse de la situation dont il provient et de celle qu’il fait naître.

Commençons par des faits. Les responsables des collectivités locales PS s’engagent à ce qu’il n’y ait pas d’expulsions pour les onze exploitants agricoles installés sur la zone concernée et qui ont refusé l’accord amiable avec Vinci. Ils s’y engagent jusqu’au rendu des recours déposés avant le 4 mai 2012 auprès des juridictions françaises (Conseil d’État et Cour de Cassassion). Après un coup de gueule du comité de soutien aux grévistes de la faim, les responsables concernés répondent sur une feuille volante, sans signature (et donc sans valeur officielle), que l’accord concerne aussi « les habitants de la zone de la DUP [Déclaration d’Utilité Publique] installés sur la zone avant le déclaration d’utilité publique, ayant refusé à ce jour [du 4 mai] les procédures amiables ». Il ne précise pas de durée de gel des expulsions pour ces habitant⋅e⋅s. L’accord ne concerne pas les recours déposés par les opposant⋅e⋅s devant le tribunal administratif ni ceux devant les juridictions européennes. Il n’arrête pas les procédures d’expropriations des propriétaires : la machine est en marche et les élus PS ne donnent qu’un sursis d’exécution. L’accord ne concerne pas les occupants sans droit ni titre. Au final, cet accord s’appliquerait uniquement à environ un tiers des habitant⋅e⋅s de la zone. Selon la version optimiste, portée par les grévistes de la faim et leurs soutiens, la suspension de ces expulsions vaudrait jusqu’en 2014.

Pour le comité de soutien aux grévistes de la faim, c’est « notre première victoire » et « une immense victoire idéologique et médiatique » (Geneviève : Face aux erreurs et à l’intox : ce qui a été obtenu par les 28 jours de grève de la faim et de mobilisation du comité de soutien, blog des soutiens de grève de la faim, http://parolesdecampagne.blogspot.fr/). Pour l’autre partie, les pontes PS locaux : « nous avons fait un geste réel concernant le traitement humain de l’étape délicate des expulsions, étape ultime des expropriations légales. Mais passés les quelques recours engagés, la construction de l’aéroport se poursuivra » (Jacques Auxiette, président de région Pays de la Loire et signataire de l’accord, dans Presse Océan du 12 mars 2012). Ils précisent en outre que « les procédures à l’encontre des occupants très récents, – je pense aux squatteurs –, ne seront pas ralenties. »

Il nous semble que par cet accord, le pouvoir concède un « geste » uniquement symbolique. C’est bien sûr un répit appréciable pour certain⋅e⋅s. Mais suspendre les expulsions des exploitant⋅e⋅s agricoles et des habitant⋅e⋅s légaux sur la zone concernée par la DUP même jusqu’en 2014 ne gène en rien les prévisions de l’État et d’AGO. D’après le planning en notre possession, les seuls gros travaux prévus avant cette date concernent les échangeurs du barreau routier, qui ne sont pas situés sur ce périmètre. Les travaux prévus sur la zone de la DUP consistent en forages, fouilles archéologiques, études environnementales, etc. Bref, les mêmes « travaux préliminaires » qu’ils font depuis des années, malgré la présence des habitant⋅e⋅s qui ne constitue pas un obstacle puisqu’à grand renfort de gendarmerie mobile ils ne se privent pas pour envahir la zone ou ravager les terres. Somme toute un accord qui ne remet en cause ni les gros travaux, ni les études préliminaires, ni les expropriations qui continuent à être menées, ni la majorité des expulsions.

Par contre il nous semble que cet accord sert les intérêts du PS. Il peut ainsi se montrer à l’écoute du peuple qui l’a élu sans pour autant se fâcher avec ses petits amis patrons, que ce soient ceux de Vinci (concessionnaire de l’aéroport) ou ceux des nombreuses entreprises qui voient dans ce projet une source de profit. Mais surtout, il nous semble qu’il s’agit d’une manœuvre pour tenter d’intégrer la contestation pour mieux la museler. Reprenant sa stratégie habituelle, la gauche au pouvoir tente d’intégrer les éléments « raisonnables » de la contestation pour les identifier comme des « partenaires sociaux ». En faisant cela, elle cherche à établir la différence entre les « bon⋅ne⋅s opposant⋅e⋅s », celles et ceux avec qui on peut discuter puisqu’on fait semblant de les entendre, et les « mauvais-es », celles et ceux qu’on peut réprimer allègrement parce qu’on les a dépeint aux yeux de tout⋅e⋅s comme des éléments perturbateurs. Le but est clair : briser une solidarité des opposant⋅e⋅s, afin de ne plus risquer de se trouver face à un bloc uni par un intérêt commun. Cet accord n’est pas une concession mais une manœuvre politique : alors que la droite se place généralement dans l’affrontement direct et clame haut et fort qu’elle ne cédera rien, il est de bon ton à gauche de montrer que l’on fait des « efforts » de compréhension, qu’on entend le petit peuple dans ses revendications et qu’on est prêt à s’asseoir autour de la table pour en parler, entre gens respectables. À nos yeux, il s’agit uniquement d’une manière pour le pouvoir de reprendre la contrôle de la situation : « si vous êtes bien gentil⋅les⋅s et que vous ne faites pas de vagues, peut être pourrons nous concéder quelques miettes ».

Nous conclurons en criant que la farce ne nous fait pas rire. Il est certain que cet accord tombe à pic pour le PS : commencer un mandat par une grève de la faim, de surcroît dans le fief du premier ministre, c’est mauvais pour l’image de marque. Malgré le sursis accordé à certain⋅e⋅s, nous restons dans la même situation de tension qu’auparavant face à ce projet imposé par la gauche. Si le PS s’est retiré cette épine du pied, celle qui est dans le notre est encore bien plantée.

Hors pistes

un groupe en luttes contre l’aéroport et son monde
né dans le mouvement d’occupations

Juin 2012

Messages

  • Rien de nouveau sous le soleil, la droite fermes ta gueule et la gauche causes toujours sont en fait parfaitement d’accord sur le fond et la pseudo démocratie participative je vous enfume n’y changera rien Dans un autre registre à Grenoble, lieu du discours de la crapule éjectée le 6 mai, les soces maîtres de la ville expulsent des Roms à tour de bras depuis la victoire de Flamby. Alors qu’ils rejetaient la responsabilité du traitement des Roms et demandeurs d’asile, avec le courage qui les caractérise, sur le préfet et l’état pour ne rien faire que vont-ils bien pouvoir inventer aujourd’hui ? C’est qui la racaille ?

  • je m’étonne d’une chose : la grève de la faim n’est pas assez radicale pour tous les "radicaux" qui participent à la lutte s’y emploient.

    il est vrai que les radicaux, ils ont des C ..... ; eux leur truc c’est le face à face avec l’état et sa police avec le résultat que l’on a toujours vu.

    • donc messieurs les radicaux, on vous attend !

      lancez vous dans une grève de la faim

      bobby sands et ses camarades avaient une autre envergure que les occupants de la ZAD ......................

    • jaja tu te trompes. Pourquoi encore une fois opposé radicaux et citoyennistes ?
      Il est aussi important d’occuper la zone que des faire des recours juridiques.

      L’opposition radicale c’est pas aller se fritter avec les keufs (ça peut quand c’est nécessaire et ça le sera si ça continue comme ça), c’est être là où ça emmerde le pouvoir. Certains le sont de façon illégal, d’autres toléré (un peu + longtemps grâce à la grève de la faim).

      Le texte ne fait que rappeler que cette victoire n’est qu’un répit appréciable pour certain⋅e⋅s. Mais il ne change rien sur le fond. Le PS manœuvre tout simplement.

      Tout le monde reconnait le courage qu’il a fallu à Mr Tarin et les autres de tenir la grève de la faim tous ce temps. Pas de polémique stérile en opposant inutilement des gens qui luttent pour la même cause. Vinci, le PS et la presse locale le font déjà tellement si bien.

    • L’opposition radicale c’est pas aller se fritter avec les keufs (ça peut quand c’est nécessaire et ça le sera si ça continue comme ça),

      donc tu envisages donc la violence contre l’état ....... au cas où

      mais bon dieu ils n’attendent que ça ; la violence est l’arme étatique par excellence car l’état est le seul possesseur légitime de la violence actuellement. et c’est vécu par le peuple comme tel.

      nous ne sommes pas dans une période révolutionnaire que je sache ; le contexte de la lutte contre l’ayarult_porc ne sera jamais une contexte de violence ; vous inversez la logique !

      c’est parce que les "radicaux" n’arrivent pas à gagner la lutte politique qu’ils pensent que le passage par la violence peut être nécessaire !

      Imagine des dizaines de radicaux ( c’est eux qui se le disent ) faisant la grève de la faim : cela mettrai en lumière la violence étatique SANS utilisation de la violence contre l’état.

      aucune lutte ne peut être gagné par un rapport de force pure vis à vis de l’état : dans un tel cas , il aura toujours le dessus.

      la tactique du judoca devrait être mieux perçue par les "radicaux"

    • Donc quand tu as refusé de vendre ton terrain, utiliser tous les recours juridiques,... et que tu vois les machines déboulés dans ton jardin tu baisses les bras. Après tant d’effort !
      Il reste quoi quand l’Etat passe en force malgré une enquête publique bidonné, une DUP qui repose sur une étude complètement faussé,... Qu’on te harcèle toute la semaine de contrôle parce qu’il faut intimider les derniers habitants histoire de vider le territoire ? fatiguer les récalcitrants par de multiples coup de fil de la part d’AGO Vinci...

      Il reste la lutte sur le terrain, et elle passe par une opposition physique en dernier ressort. C’est pas un truc de radicaux, y’a des gens parmi l’ACIPA qui iront opposé leurs corps aux machines si y’a pas d’autres choix.

      A Plogoff, les gendarmes mobiles étaient accueilli par des jets de pierre tout les matins, et y avaient les enfants qui accompagnaient leurs parents avant de les emmener à l’école.

      Quoi qu’on dise à Notre Dame des Landes, y’a pas de violence inutile. Un peu de sabotage parfois histoire de ralentir les travaux, des salariés qui reculent parce que ce jour là ils y avaient pas assez de flics en escorte.
      Des petites victoires, en tout cas ça les emmerde bien dans le déroulement des travaux. Même si comme tu le dis, on ne peut renversé le rapport de force. Ils enverront juste plus de flics.
      En tout cas les gens essaient et c’est le principal. Parce que la victoire là bas est la condition d’autres ailleurs.