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NÉPAL : DES MAOISTES A VISAGE HUMAIN

Publie le lundi 18 août 2008 par Open-Publishing
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A l`occasion de la nomination de Prachanda au poste de Premier ministre de la republique federale du Nepal, je publie, pour les lecteurs de Bellaciao, un article ecrit personnellement, sur place, il y a deux ans, juste apres le Jana Andolan...

Katmandou, le 16 juin 2006

Loin des images concoctées par la propagande, le chef des maoïstes, Pushpa Kamal Dahal dit le « terrible », apparaît au grand jour comme un fin diplomate et un homme politique hors du commun.

LE COMMUNISTE himalayen n’évoque pas, pour sa première apparition publique, à Katmandou, Marx, Lénine, Staline, Mao, mais lord Bouddha comme modèle de la future assemblée de la république démocratique du Népal.

 « IL Y A DEUX MILLE CINQ CENTS ANS, Bouddha conduisit une révolution, qui résonne encore, aujourd’hui, dans le cœur des hommes... Nous allons poursuivre, avec vous, si vous le voulez, ce reve dans le pays qui l’a vu naître. »

Peu de journalistes notent que le camarade Prachanda, pour sa première conférence de presse, à Katmandou, reprend le message de paix de l’ex-roi Birendra lors du début de son règne en 1972.

Faire du Népal une zone de paix entre la Chine et l’Inde est le but des camarades sortis de la jungle.

 « Toute l’aventure de Gyanendra, le fratricide, a été bâtie sur un discours de Guerre Froide périmée et détournée. Opposer la Chine à l’Inde, en servant au plus près les intérêts américains, tel était son credo » écrit déjà un historien, proche des maoïstes.

Même son final coup militaire du 1er février 2005 a été déclenché le jour anniversaire d’une résolution de l’ONU, condamnant la Chine comme agresseur lors de la guerre de Corée.

 « À quoi bon une armée de 90 000 Gurkhas pour une nation, pris en sandwich, entre 2 millions de soldats chinois et 1, 5 million de Jawan indiens... déclare, aujourd’hui, Prachanda...

Une armée nationale réduite à 20 000 hommes est amplement suffisante. »

Cette habile suggestion détruit les espérances de survie d’une aristocratie militaire, hindoue, responsable de la guerre civile et de ses 13 000 morts ; et évite la question sensible de la fusion des milices maoïstes et de l’ex-Royal Nepal Army.

 « Quelle gloire a apporté au Népal cette bande de soudards et d’assassins, mis à part de vider les caisses de l’État et d’être inscrit au livre des records, en matière de viols... »

Prachanda s’adresse intelligemment aux instances militaires de l’ONU, qui embauchent des officiers et des soldats Gurkhas pour leurs missions de paix au travers le Monde.

 « Nous n’utilisons pas la paix comme un moyen de gagner les prochaines élections... Grâce au coupure de budget, en matière de défense, et aux mesures d’austérité dans la vie publique, nous voulons faire de notre pays un modèle d’industrialisation et de développement durable... »

La révolution népalaise veut en finir avec la réputation de race martiale et de valeureux sherpas, qui portent les sacs à dos de milliardaires, gravissant l’Everest. Et aussi avec la corruption !

 « Le Népal est un pays riche, tombé dans la misère « récemment » du fait de choix féodaux et néo-coloniaux catastrophiques » soulignent les communistes.

Seconde réserve hydroélectrique de la Planète après le Brésil.

Les sous-sols du Teraï recèlent du pétrole et du gaz à Chitwan et à Nepalganj ; et les montagnes, le plus fabuleux gisement de thorium au Monde...

Fonder l’économie du royaume sur le tourisme, destiné aux étrangers, et le mercenariat, a vidé le pays de leurs forces vives ; et dévalorisé l’image du Népal à l’étranger.

Par exemple, juste après la révolte populaire, en mai 2006, l’ambassadeur de France, à Katmandou, n’avait pas choisi de saluer et décorer un Voltaire népalais comme Hari Roka, qui a passé de longues années, dans les geôles royales pour ses idées républicaines, mais un larbin qui a servi l’ambassade française pendant 40 ans...

Les maoïstes se proposent de redonner la dignité et la fierté aux gens du Népal.

C’est ce mélange de fierté et d’humilité qui a séduit les masses chez les maopatis.

Dix ans de jungle et de lutte pour un rêve d’égalité ont cuivré la peau de ces révolutionnaires et assoupli leur idéal.

Prachanda propose au gouvernement de Koroila de démanteler leur administration communiste, dans les campagnes, avant de former un gouvernement de transition.

Ce geste subtil est un message aux cabinets fantômes de Katmandou, qui ont toujours cornaqué le Pouvoir, de fermer leurs rideaux.

 « Ce démantèlement des milices communistes ne porte pas à conséquence pour la révolution puisque les landlords et leurs armées ont été décimés dans les collines » sourit un militant.

Cette destruction des structures féodales n’est pas due simplement aux maopati mais à la politique de division du pays en zone utile et en No Man’s land, organisée et voulue par Katmandou et l’impérialisme.

L’armée a été postée autour des intérêts royaux et ceux de l’impérialisme : barrages, points d’eau, terres riches en minerai, pétrole et gaz, artères principales, parcs nationaux rentables et, bien sûr, propriétés princières.

Le reste et les populations ont été laissés à l’abandon...

Nationaliser les ressources naturelles, arrêter l’hémorragie des forces vives vers l’étranger, démilitariser la société, donner le pouvoir aux régions, la parité aux femmes, exproprier le roi et restituer l’argent volé au peuple par 237 ans de monarchie, voilà les tâches himalayennes qui attendent les ministres maoïstes dans le prochain gouvernement.

Bon courage camarades.

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