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NUCLEAIRE : Le retour des apprentis sorciers (lecourrier.ch)
Publie le dimanche 30 avril 2006 par Open-PublishingMARCO GREGORI, Date : Mardi, 25 avril
Les nucléocrates sont de retour. Certes, ils n’avaient pas totalement disparu. Mais pendant quelques années, ils se sont tenus cois. Ils ont courbé l’échine et attendu que la méfiance qu’ils inspiraient s’évapore. On aurait pu imaginer que la commémoration de la catastrophe de Tchernobyl d’il y a vingt ans les incite à adopter profil bas. Pour les partisans de l’atome, ce drame constitue au contraire une aubaine.
Elle leur permet de mettre en avant le caractère exceptionnel de la catastrophe ukrainienne. Celle-ci a pu se produire parce que la centrale, immanquablement désuète, était dirigée par un inconscient et surveillée par des collaborateurs incompétents, vivant dans une société qui subissait les tares du régime soviétique. Impossible d’éviter le drame, donc. Mais, c’est bien connu, dans nos sociétés libérales, avancées et démocratiques, la haute technologie se met exclusivement au service du citoyen. En toute transparence, bien entendu.
Ainsi, Electricité de France (EDF), propriétaire de cinquante-huit réacteurs nucléaires et 1erproducteur d’électricité au monde, vient opportunément de sortir un rapport d’une quinzaine de pages. Son contenu ? Rappeler que, « en s’appuyant sur une exploitation sûre, la filière nucléaire participe largement à la sécurité et à l’approvisionnement » de la France. Mais une lecture attentive du rapport ne rassure pas vraiment.
EDF pointe comme autant d’atouts le fait qu’en vingt ans d’expériences, aucune centrale nucléaire n’a connu un incident supérieur au niveau deux (sur une échelle conventionnelle qui en compte sept), que le nombre d’arrêts automatiques des réacteurs est en diminution, que les doses de radioactivité reçues par les intervenants sont en baisse constante. Concrètement, ce que n’ose affirmer ce rapport -qui passe sous silence la question des déchets radioactifs, un enjeu pourtant majeur-, c’est que le risque zéro n’existe pas et qu’il n’existera probablement jamais.
Les partisans du nucléaire ne l’ignorent pas. D’où le second volet de leur stratégie : minimiser les effets de la catastrophe de Tchernobyl. Il y a d’abord eu, notamment en France, les dénégations de l’arrivée du nuage radioactif quelques jours après l’explosion. Puis, l’an passé, un rapport cosigné par l’Agence internationale pour l’énergie atomique (AIEA) et l’Organisation mondiale de la santé (OMS) affirmait que la catastrophe du 26 avril 1986 n’avait provoqué en tout et pour que cinquante-six décès.
Enfin, la semaine dernière, l’OMS -avec toujours l’AIEA en sous-marin- annonçait que les morts à court ou long terme liées à cet accident n’excéderont pas les 16000. Qu’en pensent les centaines de milliers de liquidateurs dépêchés sur les lieux de la catastrophe pour tenter d’éteindre l’incendie et parer au plus pressé ? Qu’en disent les millions de personnes vivant en zone hautement contaminée ?
A l’évidence, ces chiffres sont faux. Ils n’ont d’autre fonction que de maintenir le développement d’une industrie potentiellement mortifère, mais très florissante. Depuis Tchernobyl, la consommation d’énergie nucléaire par les pays industrialisés n’a cessé d’augmenter, marginalisant d’autant les espoirs de favoriser un essor des énergies renouvelables. Que l’on brandit comme des hochets politiques.
Cet article provient de Le Courrier
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