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Nicolas Sarkozy remet l’Eglise au milieu du village français

Publie le vendredi 18 janvier 2008 par Open-Publishing
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Nicolas Sarkozy remet l’Eglise au milieu du village français

FRANCE. Le président multiplie les déclarations sur les racines chrétiennes de l’Hexagone. La gauche craint une remise en cause du principe de laïcité établi par la loi de 1905.

Caroline Stevan
Vendredi 18 janvier 2008

« Dans la transmission des valeurs et dans l’apprentissage de la différence entre le bien et le mal, l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur. » Nicolas Sarkozy, Vatican, 20 décembre 2007. « Ce sont les religions [...] qui nous ont les premières appris les principes de la morale universelle, l’idée universelle de la dignité humaine. » Nicolas Sarkozy, Arabie saoudite, 14 janvier 2008.

« Vieille rengaine »

De la part d’un président de la République française et laïque, les propos étonnent. Ou agacent. « En défendant l’idée selon laquelle la religion serait seule capable de donner du « sens », Nicolas Sarkozy ne considère pas les personnes agnostiques ou athées, arguë Alain Boyer, professeur de philosophie morale et politique à la Sorbonne. En affirmant que les instituteurs ne sont pas capables de transmettre les valeurs suprêmes comme le font les religieux, le président exclut des gens comme moi. Ce n’est pas son rôle, même si ce n’est pas suffisant à mes yeux pour craindre un changement radical de la conception républicaine de la laïcité. »

La gauche, elle, dénonce « une vieille rengaine de la droite la plus cléricale » et craint une remise en question de la loi de 1905 sur la séparation de l’Eglise et de l’Etat. Alors ministre de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy avait déjà évoqué son intention de modifier le texte. « Il paraît très difficile dans les faits de revenir sur une telle loi ; tous les Français sont élevés selon le principe de la laïcité. Ils y sont attachés, y compris les croyants », relève Claude Dargent, directeur du département de sociologie de l’Université Paris8 et spécialiste des questions religieuses et politiques. Seule exception : l’Alsace-Moselle. Allemande lors du vote soumis par Aristide Briand aux députés français, la région vit toujours sous le régime du concordat.

Nicolas Sarkozy défend le concept de « laïcité positive », visant à considérer les religions comme des « atouts » et non plus des « dangers ». « C’est un pléonasme, la laïcité telle qu’elle a été pensée dans la culture française est forcément positive puisqu’elle entend mettre toutes les religions sur un pied d’égalité », rappelle Claude Dargent.

Nombre d’observateurs remettent en cause la crédibilité d’un président « bling-bling » en matière de dévotion. « Nicolas Sarkozy ne donne pas le sentiment d’être très porté vers la spiritualité, souligne Dominique Reynié, chercheur au Centre d’étude de la vie politique française. Il est très tourné vers le monde du luxe et de l’argent. Annoncer son divorce le 18 octobre et son remariage le 8 janvier n’est pas très catholique. Pas plus que de présenter le comique Jean-Marie Bigard à Benoît XVI ! »

Certains, dès lors, avancent que le chef de l’Etat tente de rassurer son électorat le plus conservateur, quelque peu effarouché par l’entrée en scène de Carla Bruni, son air moqueur, sa guitare et sa liste d’hommes conquis. « Comme à son habitude, il veut déplacer la polémique. On l’attaque sur son style et sur la baisse du pouvoir d’achat, il lance un débat sur la laïcité », note encore Dominique Reynié. « Nicolas Sarkozy veut être actif sur tous les fronts ; il n’y a pas de raison que celui-là échappe à la rupture. D’autant qu’il s’agit d’une rupture qui ne coûte pas très cher », raille Claude Dargent.

Hier soir, lors de la présentation de ses vœux aux autorités religieuses du pays, le chef de l’Elysée a défendu son attachement au « principe de la laïcité » qui doit être fondé, selon lui, sur la reconnaissance du « sentiment religieux ».

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