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" Nous sommes en état de crise permanent" Dr Patrick Pelloux

Publie le mardi 5 avril 2005 par Open-Publishing
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Entretien réalisé par Yves Housson

Début de la grève illimitée des urgentistes. Pour le Dr Pelloux, qui préside leur association, c’est d’abord la question des moyens qui est posée.

Comment s’annonce le mouvement de grève qui démarre ce lundi ?

Patrick Pelloux. Nous rencontrons une grande solidarité des urgentistes et des équipes hospitalières. Il y a même des présidents de comités médicaux d’établissement qui se posent la question de mettre leur établissement en grève. Dans certains services, l’ensemble des équipes sont en grève, comme à Rouen, Saint-Antoine à Paris... C’est vraiment un mouvement généralisé, qui va être très suivi dans les régions de Bretagne, Haute et Basse-Normandie, Pays de la Loire, Centre, Auvergne, Provence-Alpes-Côte d’Azur, Midi-Pyrénées, Languedoc-Roussillon, Alsace, Champagne-Ardenne, Franche-Comté, ainsi qu’en Guadeloupe et à la Réunion.

Les syndicats de médecins généralistes, auxquels vous avez reproché l’insuffisante participation aux gardes de nuit et de week-end, vous ont reproché, eux, de ne pas prendre en compte leurs propres contraintes.

Patrick Pelloux. En laissant faire une involution sur la gestion du problème de la permanence des soins, le gouvernement a entraîné un conflit entre les professionnels. C’est bien joué de sa part. Cela dit, nous avons entamé des contacts avec des syndicats de médecins généralistes, pour proposer d’autres alternatives. Nous demandons des états généraux des urgences et de l’organisation des soins, et nous dialoguons avec les libéraux pour les organiser.

Le parlementaire Charles Descours (qui a piloté un groupe de travail sur la permanence des soins) estime que la cause principale des difficultés des urgentistes tient au manque de lits dans les hôpitaux et « à la venue aux urgences de personnes qui n’ont rien à y faire », plus qu’à l’insuffisante participation des libéraux aux gardes. Êtes-vous d’accord ?

Patrick Pelloux. Il n’a pas tort. Le problème, c’est principalement l’augmentation des coups de téléphone aux centres 15 (qui reçoivent les appels d’urgence - NLDR) et le fait qu’on est obligé, dans certains secteurs, de dépêcher des véhicules du SAMU pour aller voir ce qui se passe chez les gens ou d’envoyer les pompiers pour amener les malades à l’hôpital. À Paris, par exemple, la permanence réalisée par SOS Médecin ou la garde médicale qui est une professionnalisation de gens faisant de la permanence de soins permet de nous en sortir. Quand un véritable système coordonné est créé, la gestion de l’ensemble du système de soins peut s’améliorer.

Les urgences sont devenues progressivement un hôpital dans l’hôpital. Il faut arrêter de se voiler la face, les urgences sont entre le marteau et l’enclume. Vous avez le préhospitalier, avec les SAMU-SMUR, les difficultés rencontrées dans certains secteurs par la médecine de ville et la médecine de spécialité et, en intra-hospitalier, le manque de moyens, surtout le manque de lits de l’hôpital. Nous sommes en état de crise permanent.

D’ailleurs, des infirmières ou des ambulanciers du service public intègrent le conflit actuel. Quand on sait que, pour 2005, les experts avaient demandé une progression de 5 % de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie pour les hôpitaux, et que le gouvernement l’a fixée à 3, 6 %, un déficit de ressources est ainsi déjà créé. Et la mise en place de la tarification à l’activité perturbe tout le système : on ne peut pas avoir une gestion de l’hôpital comme une entreprise. Là, on est en train de le casser complètement.

Pour vous, la crise de la permanence des soins ramène donc bien avant tout à la crise de l’hôpital.

Patrick Pelloux. La question numéro un, c’est : que fait-on pour que l’hôpital puisse remplir sa mission ? La place des personnes âgées dans le système de soins devient un problème majeur de santé publique. Le plan de restrictions budgétaires de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris va pourtant encore provoquer la fermeture de lits dans ce secteur. Jamais on a déclenché autant de « plans blancs » que cet hiver : il y avait vingt, trente, cinquante malades sur des brancards qui attendaient depuis deux ou trois jours. Tous les problèmes de fonctionnement se coagulent dans les services d’urgences. Ils représentent le système de sécurité publique en matière sanitaire le plus développé. Il est donc impératif qu’il fonctionne.

http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-04-04/2005-04-04-459625

Messages

  • (Avec AFP.)
    [04 avril 2005]

    Les médecins urgentistes ont entamé aujourd’hui une grève « générale et illimitée », marquée par une forte mobilisation, pour dénoncer l’engorgement de leurs services et obtenir la tenue d’Etats généraux de la santé réunissant tous les acteurs de la permanence des soins.

    Pour l’Association des médecins urgentistes hospitaliers de France (Amuhf), qui a lancé l’appel à la grève, le mouvement était « suivi à 75% », avec toutefois de fortes disparités selon les régions.

    « Il y a des régions où on note une très forte participation, comprise entre 75% et 100% », a indiqué son secrétaire général Frédéric Pain, citant notamment « la Bretagne, les Basse et Haute Normandie, le Limousin, l’Auvergne, Poitou-Charentes, les Pays de Loire, Provence-Alpes-Côte d’Azur et l’Alsace ».

    « Ailleurs, la mobilisation est plus faible, comprise entre 10% et 50%, comme en Aquitaine, Rhône Alpes et Languedoc-Roussillon », a relevé M. Pain. En Ile-de-France, « il y a une forte participation, à part dans les établissements de l’AP-HP (Assistance publique-Hôpitaux de Paris) », a-t-il poursuivi.

    La Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (Dhos) a de son côté indiqué que la grève était suivie, lundi en milieu de journée, « à 78% dans 40 établissements interrogés », sur 1.200 CH et Centres hospitalo-universitaires (CHU) au total.

    Les urgentistes bretons, qui les premiers avaient lancé le 17 mars un mot d’ordre de grève pour protester contre la saturation de leurs services, ont encore intensifié leur mobilisation, avec 22 des 24 services d’urgence de Bretagne désormais touchés.

    Comme prévu, le mouvement n’a pas pénalisé les patients en raison des réquisitions de médecins. En cas de grève dans les hôpitaux, les professionnels peuvent en effet être réquisitionnés (par assignations) pour assurer les soins.

    Le ministre interpellé

    Les urgentistes en grève se sont donc signalés aux patients par le port d’une bande-pansement en guise de brassard sur laquelle était inscrit « En grève ». Des affiches expliquant les raisons de la grève ont également été placardées dans les services d’urgences.

    Les urgentistes, menés par le président de l’Amuhf, le Dr Patrick Pelloux, qui avait provoqué la semaine dernière l’ire des médecins libéraux, rendus responsables de l’engorgement des hôpitaux, ont tempéré leurs propos et sont revenus sur leur demande de voir organisé un « Grenelle des urgences ».

    « Nous souhaitons organiser un dialogue entre tous les professionnels, hospitaliers et libéraux, en y associant les usagers », a fait valoir M. Pain. « C’est dans cet esprit de dialogue et de réflexion », a-t-il poursuivi, « que la revendication d’Etats généraux de la permanence des soins (PDS) a finalement été préférée à celle d’un +Grenelle des urgences+, synonyme de négociation ».

    Après s’être renvoyé la balle pendant plusieurs jours, urgentistes et médecins libéraux se tournent désormais ensemble vers le ministre de la Santé, Philippe Douste-Blazy, accusé de bloquer la parution d’un décret sur l’organisation de la PDS en médecine libérale, après quelque deux années de négociation.

    Le projet de décret - actuellement à l’examen au Conseil d’Etat - qui devrait être publié « à la mi-avril » selon le ministère, devrait confirmer que la participation des médecins libéraux aux gardes relève du volontariat, alors que le code de déontologie parle d’obligation.

    Il ouvrira aussi la voie à une meilleure rémunération des gardes et astreintes des médecins libéraux, très attendue par ces derniers.