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Colère des soutiers de la télé
Social. Un collectif dénonce les conditions de travail dans les
boîtes de prod.
RAPHAËL GARRIGOS ET ISABELLE ROBERTS
QUOTIDIEN : mardi 29 avril 2008
Selon le dernier pointage, ils sont 820. « Ils », c’est le Collectif
télé : des ingénieurs du son, des chefs opérateurs, des monteurs, des
journalistes, tous intermittents travaillant pour les boîtes de
production qui font l’ordinaire de la télé. Depuis des mois, le
Collectif télé mène une guerre sourde contre ces employeurs pour
simplement faire appliquer la convention collective qui régit le
métier. « On demande juste le minimum », résume un membre du collectif.
L’anonymat est la règle : « Celui qui l’ouvre est blacklisté : la prod
télé, c’est la loi de l’omerta et du plus fort. »
Abus. L’affaire démarre pourtant bien avec la signature, en juillet
2007, d’une nouvelle convention collective de la production
audiovisuelle. Il s’agit de mettre fin aux abus en vigueur dans les
boîtes de prod où le salaire des intermittents est complété grâce aux
Assedic. Sur un mois de travail, l’employeur déclare dix jours et les
Assedic payent le reste. Une pratique alors quotidienne, facilitée
par le flou artistique de la législation. La nouvelle convention
collective établit que l’employeur paiera aux intermittents le nombre
d’heures travaillées. Une lapalissade qui constitue pourtant une
réelle avancée dans le secteur. La convention est signée par les plus
importants syndicats de producteurs ainsi que par deux syndicats
affiliés à la CGT pour une entrée en vigueur en février 2008 maximum.
Février 2008 : la nouvelle convention collective n’est appliquée
nulle part. Endemol, Capa, Fremantlemedia, personne ne l’applique. Ah
si, quelques sociétés sont en règle : Air Productions, celle de Nagui
où tout semble se dérouler conformément à la convention. Et Réservoir
Prod. Là, chez Jean-Luc Delarue, c’est un peu particulier : on
applique la nouvelle convention, mais on déclasse. Ainsi le chef
opérateur est-il prié d’accepter un simple poste d’opérateur, de même
le chef monteur doit-il devenir monteur. Moins cher, pardi.
Chez Quai Sud, filiale de TF1 chargée de produire Sans aucun doute,
l’émission où l’on dénonce diverses arnaques, la direction affirme
appliquer, depuis le 1er janvier, la nouvelle convention, comme dans
les autres filiales de production de la Une. A voir, affirme un
salarié de Quai Sud : « Un directeur de production nous a dit ne pas
pouvoir appliquer la nouvelle convention, qu’il allait nous payer une
heure supplémentaire mais qu’on en ferait cinq. » Autre procédé en
vigueur chez Quai Sud : au lieu de facturer en heures travaillées le
voyage sur le lieu de tournage, on paye une indemnité de transport :
c’est-à-dire, pas de cotisations pour la retraite, ni à l’Ursaaf. « Et
ça représente 20 % de salaire en moins », explique un intermittent.
« Il y a eu des divergences d’interprétation », avoue Edouard Boccon-
Gibod, patron des filiales de la Une. Finalement, la convention
collective devrait être totalement appliquée à partir du 1er mai.
Mais ailleurs, la réponse des producteurs est toujours la même : la
convention collective coûterait trop cher. Et si vous n’êtes pas
contents, c’est la porte. Ainsi chez Sacha Production qui conçoit
Question maison, pour France 5. Au bout de cinq ans d’émission,
l’équipe a osé demander des augmentations ainsi que l’application de
la convention collective. Bilan : jeudi dernier, le patron de Sacha
Production a viré toute l’équipe, soit 25 personnes ! L’avocat de
Sacha Production, Me Vincent Toledano ne souhaite pas épiloguer sur
« les emportements des uns et des autres » : « La nouvelle convention
collective ne satisfait ni les intermittents, ni les employeurs qui
ne peuvent pas en supporter le surcoût ».
Perte. Pourtant, le travail du Collectif télé commence à payer. Aidé
par des inspections du travail dévastatrices dans plusieurs sociétés,
dont Quai Sud ou Réservoir Prod. Le Collectif télé est assisté par Me
Françoise Davideau qui a écrit à l’ensemble des boîtes de prod pour
leur demander d’appliquer la convention collective. Souvent en pure
perte : « Je suis sidérée, déclare Me Davideau, par l’arrogance
opposée à de simples demandes de dialogue et l’application de la
loi ». L’avocate envisage une plainte au pénal, déposée par des
syndicats contre plusieurs sociétés.
« Toro piscine » dans les stades
QUOTIDIEN : mardi 29 avril 2008
Le collectif « Toro piscine » a déjà frappé deux fois, en février et à
la mi-avril : deux mouvements de grève des personnels techniques
chargés de la captation des matchs de rugby et de foot. Le
téléspectateur n’en a rien vu puisque les prestataires ont remplacé
les grévistes Toro piscine par du personnel non gréviste. Les
techniciens réclament une réévaluation de leurs salaires : « Le tarif
n’a pas évolué depuis quinze ans », explique l’un d’eux. Le Syndicat
national des techniciens (SNTPCT) tente de menerdes négociations avec
le syndicat patronal, la Ficam. Sans suite pour l’instant.