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ORGANISATION DES TRANSPORTS ET DEVELOPPEMENT DURABLE : LE POLITIQUE DEVANT DE GRANDES RESPONSABILITE
Publie le jeudi 1er février 2007 par Open-PublishingPar Daniel GENESTE
Secrétaire Général de l’Union
Interfédérale des Transports CGT
ORGANISATION DES TRANSPORTS ET DEVELOPPEMENT DURABLE : LE POLITIQUE DEVANT DE GRANDES RESPONSABILITES !
Les échéances électorales, sont l’occasion de débats démocratiques, de définition d’orientations et projets politiques qui préfigurent un choix de société.
Secteur structurant, maillon essentiel de l’aménagement du territoire, le transport, son modèle d’organisation, confère pour la France dans l’Europe d’importantes responsabilités.
Droit au transport et accessibilité pour tous, cohésion sociale et territoriale, enjeux industriels, services publics, sécurité et qualité pour les déplacements de personnes et des marchandises, emploi conditions sociales, nuisances et gestion de l’énergie y sont mêlés. L’usage du transport de fret sous tarifié en fait un outil propice aux délocalisations industrielles sans même que les distances n’en freinent la frénésie. Précarité, sous-traitance et concurrence entre salarié et territoire gangrènent le secteur.
La France est engagée dans la démarche de développement durable par sa signature du protocole de Kyoto.
La société est à un moment décisif pour l’avenir ; à un moment où tous les ingrédients forcent à tirer expérience d’une libéralisation des transports montée politiquement en puissance depuis vingt ans dans toute l’Europe et exacerbée depuis 2002 en France. L’incapacité de cette conception à répondre aux questions posées à présent incontournables n’est plus à démontrer.
En 2000, le Livre Blanc européen visait une approche multimodale et un rééquilibrage modal, avec au centre des orientations les enjeux environnementaux et énergétiques. Sa récente révision, sous la pression de politiques nationales néolibérales, dont celle de la France, au service de lobbyings privés logisticiens et routiers patronaux, donne à nouveau la primeur aux seules compétitivités et concurrences.
La question des transports est éminemment politique, plus personne n’en doute tellement elle façonne pour une bonne part la société moderne, influe sur l’immédiat et dessine l’avenir.
Nous avons à affronter un enjeu environnemental et à relever un défi énergétique, or ce secteur est :
– le 2ième consommateur d’énergie : 32% dont 67% est d’origine fossile.
– Le secteur le plus émissif en gaz à effets de serre : 28%. 93% sont d’origine routier dont les camions qui représentent 7% du trafic en émettent 26%, c’est donc énorme. L’aérien avec 4% est proportionnellement le plus polluant (1% des flux).
Une politique de développement toujours plus important du transport conduit nos sociétés droit dans le mur.
C’est pourtant ce qu’induit inexorablement la conception de ce secteur comme un marché, laissant la maîtrise du système aux grands logisticiens, armateurs et opérateurs pour sans cesse accroître le potentiel, jusqu’à se féliciter des processus de délocalisations, de sous-traitance, de 0 stock …comme vecteur de croissance des flux !
Ce qui autorise le patronat du secteur, sans manquer d’air, à transformer le concept de développement durable en « développement durable des transports », ou encore en « performance durable » avec la seule approche économique ; donc un développement durable de ce marché.
La question de société est bien plus : quelle organisation du système de transport conforme à la démarche de développement durable dans un esprit de réponse aux besoins ?
Fluvial, fer et maritime sont les moins polluants et les cinq modes sont utiles à une bonne réponse aux besoins.
Il y a un parfum d’irresponsabilité à œuvrer à une croissance routière, à se féliciter de l’arrivée d’opérateurs privés ferroviaires s’accaparant par dumping les marchés de la SNCF, alors que dans le même temps la part modale du fer continue à baisser.
L’enjeu est de taille, la responsabilité majeure !
Va-t-on persister à laisser ce secteur en dehors d’une maîtrise publique, alors qu’il répond d’un intérêt général incontestable, qu’il influe sensiblement sur le dessein de la société que nous laisserons aux générations futures ? Va-t-on s’obstiner à laisser libre cours à une concurrence entre modes sur fond de dumping social, tarifaire et fiscal sur le dos de toute la collectivité (650 milliards d’euros de coûts par an, Europe des 15), au prix de conditions sociales dignes de Zola pour le salariat routier ?
On peut le penser vu la nouvelle demande (12.12.06) de rapport du 1ier ministre sur « les conditions de donner une meilleure position compétitive au routier marchandise et d’améliorer son acceptabilité ».
Elle intervient après avoir augmenté de 621 heures le travail annuel des salariés avec une réduction de rémunération annuelle pouvant atteindre 1780E et avoir défiscalisé, exonéré de cotisations sociales, pris en charge l’augmentation des carburants pour le patronat.
Ou bien, le courage politique va-t-il retrouver sa vertu, défier la logique libérale et les stratégies lowcost ? Dicter et maîtriser une organisation multimodale, positionnant correctement tous les modes, mais faisant valoir la pertinence de tel ou tel en tenant compte de l’ensemble des critères et affrontant le lobbying, y compris celui des chargeurs qui doivent payer les acheminements à leurs justes coûts ? Va-t-il retrouver imagination pour instruire une harmonisation sociale intra et inter- modale vers le haut, comme levier asphyxiant les pratiques d’opposition des salariés entre eux sur lit de misère bordé de richesses croissantes mais confisquées à la société ?
Plus qu’un espoir c’est la raison qui est attendue !
29 Janvier 2007