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PANORAMA 2007 DE LA FUSION NUCLÉAIRE

Publie le mardi 30 octobre 2007 par Open-Publishing
7 commentaires

PETIT PANORAMA 2007 DE LA FUSION NUCLÉAIRE

De tous les domaines de recherche sur l’énergie, la fusion nucléaire est à la fois le plus violent et le plus délicat. On cherche à y maîtriser le feu ultime, après l’avoir laissé s’échapper dans les bombes H. La fusion est couramment présentée comme l’espoir d’obtenir une énergie propre et illimitée, mais, comme le chante Brassens, "l’âge d’or sans cesse est remis aux calendes". Aujourd’hui, pourtant…


Historiquement, après le départ des années trente dans un désordre et une diversité favorables à la recherche, l’essentiel des scientifiques, au niveau mondial, s’est réuni pour imiter les Russes qui, à la fin des années soixante, réussissaient une expérience de fusion dans un tokamak, sorte de grand aimant en forme d’anneau (chambre toroïdale à confinement magnétique - type ITER).

Peu de choses ont changé depuis, sinon qu’on trouve aujourd’hui des tokamaks jusqu’en Chine et en Iran, et que la communauté des scientifiques et des industriels concernés s’est transformée en un formidable lobby. Le projet ITER en est un bon exemple : Cette expérience internationale de dix milliards d’euros aura mis vingt ans pour aboutir sur le papier, et autant à se réaliser. Vers 2030, le futur roi des tokamaks, implanté en France, nous dira, peut-être, si on peut un jour en espérer quelque chose pour produire de l’électricité, dans la seconde moitié du siècle. En privé, les scientifiques en attendent peu, sinon de la "belle science". Mais au CEA, pas une tête ne dépasse. En France, seuls ont aussi droit de cité les promoteurs de la fusion par laser (confinement inertiel), avec le projet Mégajoule, très orienté militaire, et autre grand dévoreur de crédit.

Les États-Unis ne participent qu’à hauteur de 10% dans ITER. Chez eux, ils développent aussi les lasers civils et militaires, et les anglais pilotent un projet civil européen, Hiper. Si la phase préparatoire lancée en 2008, est concluante, la construction coûtera 750 millions d’euros. Comme pour ITER, pas d’espoir de production d’énergie avant 2050.

Quelle que soit la technologie employée, le défi de la production d’électricité n’est pas tant d’obtenir une réaction de fusion (un étudiant américain y est parvenu seul avec du matériel de récupération) que de le faire durablement, et en produisant plus d’énergie qu’on en consomme dans le processus. Aucune expérience n’y est encore parvenue, si grosse soit-elle, mais de récentes annonces américaines augurent d’un possible changement de cap de la recherche, vers des solutions à plus petite échelle.

DU NEUF EN AMÉRIQUE

Pour avoir laissé pousser des racines de recherche, sans grand soutien mais sans non plus chercher à les éliminer, l’Amérique se découvre aujourd’hui plusieurs cartes en main. Depuis des années, en effet, quelques scientifiques persistent à y explorer des voies différentes, des francs tireurs qui gardent l’objectif révolutionnaire d’une électricité propre, abondante et bon marché. À l’opposé des tokamaks, qui consomment un mélange de deux isotopes de l’Hydrogène (Deutérium, stable, et Tritium, radioactif), certaines de ces alternatives visent une fusion véritablement propre, grâce à une très faible émission de neutrons (« fusion aneutronique »). Avantage, elle ne rejetterait que de l’Hélium, inoffensif, alors qu’ITER restera grand producteur de neutrons, donc de radioactivité, quoique moins que les centrales actuelles à fission.

Les plus spectaculaires de ces annonces viennent de la "Z-machine" des laboratoires Sandia, au Département de l’Énergie. Après avoir déjà prouvé son aptitude à la fusion, cet engin de recherche militaire produisait, en 2005, un plasma de plusieurs milliards de degrés sous une pression infernale : un record, bien assez en théorie pour déclencher une fusion aneutronique. Entièrement rénovée cette année pour une seule centaine de millions de dollars, installée dans un simple hangar, la "Z-machine" préfigure de mieux en mieux le générateur auquel rêve Craig Olson, responsable du Pulsed Power Inertial Fusion Energy Program de Sandia. Selon lui, développer un réacteur par "Z pinch" (striction axiale) ne prendrait pas vingt ans. Et comme la "Z" actuelle n’est pas faite pour cela, Sandia appelle le Département de l’Energie à doubler la machine dans un cadre civil. Celle-là bénéficierait aussi d’un système d’allumage qu’Olson qualifie de « révolutionnaire », récemment mis au point avec des Russes très intéressés, puisqu’ils disposent de la seconde "Z-machine" la plus puissante du monde.

Auréolé de ces récentes réussites, le "Z pinch" à tout pour être la bête noire des Français. Évidemment, il n’est même pas mentionné dans le rapport sur la fusion présenté au gouvernement par l’Académie des Sciences, au printemps 2007. La France dispose pourtant d’atouts dans ce domaine, avec une petite "Z-machine", aujourd’hui réservée à l’armée. La Russie ne demanderait sans doute pas mieux que d’étendre ses collaborations. Si le citoyen européen en veut, il peut toujours signer la pétition européenne ouverte par z-machine.net.

Autre annonce étonnante, celle de Robert Bussard. Décédé en octobre 2007, il s’était rendu célèbre pour un concept de réacteur spatial interstellaire, mais fut aussi l’un des premiers papes de la voie tokamak US. Invisible pendant des années, il réapparaissait début 2006 et racontait son histoire : finalement convaincu que les tokamaks posent des problèmes insurmontables, il a retravaillé un des premiers concepts de réacteur (confinement électrostatique), avec une petite équipe et un micro budget de la Navy, l’idée initiale étant d’en équiper un porte-avion. Onze années de recherche interdite de publication, jusqu’à démantèlement du labo, victime d’une compression budgétaire. Bilan : une ultime expérience apparemment réussie et quelques brevets ; de quoi, un an plus tard, convaincre la Navy de reprendre le financement pour valider la dernière expérience. Si tout va bien, l’équipe de Bussard visera ensuite le démonstrateur industriel, pour 200 millions de $. Et si l’argent public fait défaut, elle s’adressera au secteur privé, qui ne reste pas indifférent au domaine. On pourrait même y assister à un « boom » de la fusion.

LE PRIVÉ AUSSI

Réchauffement climatique, pénurie d’énergie... la fusion serait la bienvenue. Et que ce soit des idées entièrement neuves ou d’anciennes améliorées, beaucoup de systèmes tiennent la route, au moins sur le papier. Reste à passer au concret. Quelques grands noms du capital-risque américain viennent ainsi d’investir 40 millions de dollars dans Tri Alpha Energy, en Californie, pour développer un réacteur à plasma rotatif autoconfiné, alimenté par accélérateurs de particules, avec conversion directe de l’énergie en électricité, sans passer par l’encombrant et coûteux système de production à vapeur - Field Reversed Configuration Collider Beam. Selon ses concepteurs, Frank Monkhorst et Norman Rostoker, les premières expériences marchent encore mieux que prévu. Eux visent clairement la fusion aneutronique, et ils ne sont pas les seuls. Le "Plasmak" de Paul M. Koloc (www.prometheus2.net) cherche lui aussi des investisseurs pour son magnétoplasmoïde sphérique, qui rappelle la foudre en boule, tout comme les plasmoïdes toroïdaux en collision frontale de Clint Seward (electronpowersystems.com), qui restent stables à l’air libre.

Autre amateur de plasmoïde aneutronique, Eric J. Lerner perfectionne la "Focus Fusion" depuis des années (http://focusfusion.org). En guise de financement, il reçoit les dons défiscalisés du public par Internet et vient de vendre une première licence, à un européen. Après avoir travaillé pour la Nasa, il a collaboré à diverses expériences avec des universitaires et s’est aujourd’hui associé sur un projet avec la Commission chilienne pour l’énergie nucléaire.... Objectif : trouver 2 millions de $ pour valider un abondant travail théorique et monter un prototype, en trois ans. Fondé, comme la Z-machine, sur le principe d’une répétition permanente de brèves impulsions, le réacteur se présenterait sous la forme de petits modules juxtaposables, permettant une grande décentralisation des installations.

Dernier système notable, la Sonofusion date des années trente. Deux entreprises et quantité d’universitaires se disputent cette idée, qui reste très controversée. Pour eux, des ondes sonores envoyées dans un liquide y généreront des bulles dont l’implosion produira la fusion attendue. Il ne resterait plus qu’à trouver le bon liquide... et les bonnes ondes. À l’inverse, la fusion de deutérium par cristal pyroélectrique a vite été reconnue. Issue de l’Ucla en 2005, il est vrai qu’elle ne prétend pas (encore ?) produire de l’énergie - plutôt alimenter un équipement radiologique de poche.

Avec ce tour d’horizon, et alors que le traité ITER ne date que de 2006, le paysage de la fusion nucléaire apparaît bien plus chaotique qu’il y a seulement deux ans. On y voit des Goliath face à d’ambitieux David, des interférences entre recherche civile et militaire, des programmes publics accaparateurs de ressources, des systèmes pollueurs et d’autres sans impact, des installations de petites tailles contre l’hypercentralisation officiellement revendiquée... Mais, en science, quand une idée dérange, on ne fait pas que lever les boucliers, on sort aussi le glaive : Alors qu’eux-mêmes se disent en bute à de graves difficultés scientifiques et technologiques, les partisans bien nantis du tokamak ou des lasers ignorent ou dénigrent volontiers leurs nouveaux concurrents.

Pour le plus grand bien du reste de l’humanité, il semble que la recherche sur la fusion nucléaire gagnerait à une remise en question. À l’image des travaux sur la maladie d’Alzheimer, aucune piste ne devrait y être négligée. Rêvons un peu pour conclure : Selon son président, Total pourrait s’orienter vers le nucléaire pour anticiper la fin du pétrole : Une infime fraction de son bénéfice suffirait à financer une demi-douzaine de projets innovants …

Eric Muller

octobre 2007

Messages

  • Il est bien de souligner que la fusion thermonucléaire n’est pas la seule voie
    Son débouché industriel est totalement utopique dans le courant de ce siècle. Il est juste promis par des responsables qui veulent se faire financer des projets coûteux. Mais dont on ne saurait affirmer qu’il sont inutiles.

    De sérieux problèmes de physique et de matériaux le rendent même très incertain et alimentent le septicisme de scientifiques dont un récent prix Nobel japonais de Physique.

    La fusion Laser est uniquement à des fins militaires. Elle concerne une petite bille où l’on augmente le concentration par compression avec un rayonnement Laser pour provoquer la Fusion. Dans ITER la fusion D-T (l’utilisation D-T est due à l’avantage d’une plus grande section efficace) est obtenue par chauffage, d’où la qualification de thermonucléaire.

    ITER est juste une machine expérimentale, d’ailleurs très minimale vis à vis des performances visées. L’obtention de celles-ci constituerait un succès scientifique que ses promoteurs affirment comme une étape décisive pour la voie Tokamak.

    La radioactivité se situe au niveau du combustible, le Tritium (un élément peu sympathique il est vrai) et dans les flux importants (ils contiennent 80% de l’énergie libérée par la fusion) de neutrons très énergétiques issus d ela fusion D-T. Il y a très peu d’activation de matériaux de structure.

    Jean-Marie Berniolles

    • EPR... ITER... : plus fiables, plus sûr, moins polluant, une énergie presque inépuisable... aller, rappel sur les mensonges des nucléocrates pour lancer l’électronucléaire en France :

      Dès l’irruption de l’énergie nucléaire en 1945 le nucléaire civil a été présenté comme l’énergie de l’avenir, abondante à l’infini, parfaitement sûre, une énergie sans déchets.

      En France l’électronucléarisation prend une accélération spectaculaire en 1974 (alors qu’aux USA les industriels sont méfiants et prudents). Le dossier nucléaire qui est présenté aux élus et à la population est des plus rassurants. Des scientifiques réputés se portent garants, tous les problèmes sont ou seront résolus. Le corps médical quant à lui assure que les rayonnements ne présentent aucun danger.

      La précipitation du programme EDF de 1974 prenait prétexte de la crise pétrolière. En réalité la nucléarisation de la France se préparait depuis fort longtemps par la mise en place dès les années 50 d’une Commission gouvernementale pour la "Production d’Énergie d’Origine Nucléaire" (Commission PÉON) constituée de représentants de la technocratie de l’État et de l’industrie privée. Cette commission a défini le cadre et les responsabilités des différents partenaires nucléaires : l’État et les industriels.

      L’activité de cette commission n’a guère eu d’écho dans les médias ou dans les institutions représentatives de la nation.

      La technologie nucléaire était totalement maîtrisée, tel était le crédo de base du dossier de l’énergie nucléaire en 1974. Elle devait servir de référence de perfection technologique dont toutes les autres industries devaient s’inspirer. Il en découlait que :

      1- les accidents graves n’étaient pas possibles. Les réacteurs n’étaient finalement que des "cocottes-minute" (Interview accordée à Énerpresse le 25 janvier 1975 par André Giraud, administrateur général du CEA puis ministre de l’industrie, puis ministre des armées). A la même époque en URSS les responsables soviétiques de culture différente de la nôtre assimilaient les réacteurs à des "samovars".

      2 - EDF garantissait une sécurité absolue par la mise en place de sa "défense en profondeur". Une "triple barrière" entre le combustible et l’environnement devait assurer la protection de la population contre tout rejet intempestif.

      Cela revenait à reconnaître la possibilité d’accident sur les installations puisqu’il fallait des "barrières" de protection mais cela ne fut guère remarqué.

      3 - Les effets biologiqes du rayonnement étaient considérés comme négligeables, voire inexistants et même bénéfiques pour les faibles doses de rayonnement.

      L’existence d’un seuil de dose en dessous duquel il n’y avait aucun effet biologique était largement admise par la communauté scientifique. Les quelques chercheurs indépendants qui contestaient ce seuil n’eurent guère d’impact et furent mis sur des listes noires sans que leurs collègues protestent au nom de la liberté de discussion dans la communauté scientifique.

      4 - L’existence supposée de ce seuil [bien qu’il fût affirmé par ailleurs que par mesure de précaution on dirait qu’il n’y en avait pas] était à la base de tout le système de radioprotection et servit de justification à des pratiques qui eurent des conséquences désastreuses (cancers) dans bien des services de recherche et dans l’industrie.

      5 - Les déchets ne devaient pas poser de problème. Les rejets radioactifs des réacteurs nucléaires n’étaient pas évoqués et dans l’opinion publique ils n’existaient pas.

      En ce qui concernait les coeurs usés certains ont même affirmé qu’une bonne partie pourrait être utilisée comme médicaments (cela aurait transformé l’ensemble de la population en site de stockage ! ) Quant à ce qui n’était pas utilisable leur volume serait négligeable (l’équivalent en volume d’1/100ème de cachet d’aspirine par habitant au bout de dix ans d’après le Professeur Pellerin, le responsable de la santé). Des solutions seraient trouvées en laissant travailler tranquillement les chercheurs du CEA. Des scientifiques (Le Prince-Ringuet sur ce sujet était en pointe) avançaient la possibilité d’envoyer ces déchets dans le soleil, de les mettre sur la calotte glaciaire, de les introduire subrepticement entre les plaques continentales en glissement. Il serait assez curieux de ressortir cette littérature "scientifique" fantasmatique.

      Il faut tout de même préciser que parmi les décideurs il y avait des gens beaucoup plus réalistes, soit sur la gestion des déchets nucléaires, soit sur la possibilité des catastrophes nucléaires. Mais ils furent suffisamment discrets et les médias suffisamment peu curieux pour que cela ne perturbât pas le consensus populaire.

      Donnons-en deux exemples :

       Les déchets nucléaires.

      En 1974 la revue Science et Vie publiait une polémique entre le physicien Hannes Alfen (prix Nobel 1970) et Marcel Boiteux, directeur général d’EDF, considéré comme le père du nucléaire français.

      Ainsi, Alfen affirmait : " Le réacteur à fission produit à la fois de l’énergie et des déchets radioactifs : et nous voudrions nous servir maintenant de l’énergie et laisser nos enfants et nos petits-enfants se débrouiller avec les déchets. Mais cela va à l’encontre de l’impératif écologique "Tu ne lègueras pas un monde pollué et empoisonné aux générations futures" .

      A cette position morale, sans nier qu’il n’y avait pas de solution satisfaisante pour éliminer les déchets, le responsable du programme nucléaire français, Marcel Boiteux répliquait : " N’est-ce pas une évidente et dangereuse illusion que de vouloir extirper de notre héritage toutes difficultés, toutes responsabilités, que de vouloir transmettre à nos descendants un monde sans problèmes ". En somme, on pouvait considérer l’absence de solution pour éliminer les déchets nucléaires comme une bénédiction pour nos descendants, une garantie de santé mentale. Marcel Boiteux a dû se réjouir en 1986 car Tchernobyl allait laisser un héritage particulièrement difficile à gérer et pour longtemps...

       Les accidents nucléaires graves

      Avant de s’engager sérieusement dans des programmes électronucléaires importants, les industriels, gens prévoyants et prudents, exigèrent d’être assurés contre les effets d’accidents graves qu’ils estimaient possibles. Ils firent voter des lois limitant la responsabilité des exploitants nucléaires en cas d’accident. Dès 1957 le Congrès des États-Unis votait une loi (le Price-Anderson Act) qui limitait la responsabilité civile des exploitants en cas d’accident nucléaire ; une nouveauté dans le droit de la responsabilité civile.

      En Europe, le 29 juillet 1960 était signée la "Convention de Paris" par 16 pays européens définissant la "responsabilité objective et exclusive" mais "limitée" [souligné par nous] en cas d’accident grave nucléaire. Il s’agissait d’après les termes de la convention de prendre " les mesures nécessaires pour éviter d’entraver le développement de la production et des utilisations de l’énergie nucléaire à des fins pacifiques ".

      C’est en 1968 (loi du 30 octobre 1968) qu’ont été précisées en France les modalités de l’application de la convention de Paris.

      Il est intéressant de mentionner l’intervention au Sénat le 17 octobre 1968 de M. Pierre Mailhe, le rapporteur de la commission des lois :

      " Dès l’instant que les hommes, dans leur quête incessante du progrès, avaient libéré des forces d’énergie dépassant très largement les données de la science jusqu’alors connues ou à peine explorées, il tombait sous le sens que leurs nouvelles activités devaient être réglementées (...). Ce domaine des activités humaines étant, à beaucoup d’égards, exceptionnel, il n’est pas surprenant que la législation qui s’y attache soit elle-même exceptionnelle et, dans une large mesure, dérogatoire au droit commun de la responsabilité ". On s’attend à un ajustement du droit à ce nouveau risque pour une protection correcte de la population. " La notion de l’exceptionnel nous est donnée par la dimension que pourrait atteindre ce qu’on appelle "un accident nucléaire", à la vérité un désastre national, voire international " [souligné par nous] (J.O du 18 oct. 1968, p. 831).

      Cet élu de la nation avait la prémonition de Tchernobyl et d’une version française possible. Avec le droit sur la responsabilité civile admise habituellement, l’accident nucléaire pouvait se doubler d’un désastre financier pour l’industrie nucléaire. Il fallait à tout prix éviter un tel "désastre". Il est probable que la Commission PÉON n’a pas été étrangère à l’introduction de cette responsabilité "limitée" préalable au développement de l’industrie nucléaire en France.

      Lors de la discussion de cette loi le 2 avril 1968 à l’Assemblée Nationale, Maurice Schumann, ministre d’État chargé de la recherche scientifique et des questions atomiques et spatiales, précisait dans son exposé des motifs que " l’exploitant d’une installation nucléaire est seul responsable des accidents nucléaires survenus dans son installation ". Cela garantissait une immunité totale aux sous-traitants en cas de malfaçon grave non détectée lors de la construction. Il semble bien que ceux-ci ne se sentaient pas capables d’assumer une technologie totalement parfaite. Le Price-Anderson Act américain ne prévoyait pas une telle limitation et les fournisseurs de composants de réacteurs pouvaient être tenus pour responsables au même titre que les exploitants.

      Cette loi de 1968 fut modifiée le 16 juin 1990. Elle précisait dans son article 3 que " le montant maximum de la responsabilité de l’exploitant est fixé à 600 millions de francs pour un même accident nucléaire ".

      Fixons quelques grandeurs. L’incendie du siège du Crédit Lyonnais en 1996 a coûté 1,6 milliards de francs aux compagnies d’assurances. En clair, une catastrophe nucléaire devrait coûter moins cher à EDF pour indemniser les victimes qu’un demi-incendie du Crédit Lyonnais !

      On peut remarquer, tant en ce qui concerne les déchets nucléaires, que les accidents désastreux de l’industrie nucléaire, qu’il y avait une vision assez claire et réaliste de la situation chez les décideurs, que des mesures ont été mises en place pour permettre à l’industrie nucléaire de se développer à l’abri de toute responsabilité mais que cela n’a guère transpiré dans le débat nucléaire. Les textes existaient, aucune censure ne s’est exercée mais les instances représentatives de la démocratie française les ont ignorés, voire étouffés, afin d’obtenir un large consensus de l’opinion publique, garantie d’un développement sans problème de l’industrie nucléaire. Ceci est une des composantes majeures du bas coût du nucléaire français en comparaison avec ses concurrents étrangers. C’est ce qu’affirmait cyniquement Marcel Boiteux le patron d’EDF le 6 décembre 1984 dans l’Événement du Jeudi. A la question " Mais pourquoi les autres pays ont-ils réduit la fabrication des centrales nucléaires ? ", il répond " Parce que chez nous le nucléaire est bon marché, alors que les pays qui n’ont pas pu pour des raisons diverses résister aux attaques de la contestation, le nucléaire est devenu très cher ".

      La contestation fait monter le prix de l’électricité nucléaire, exigeant une réglementation pointilleuse, le respect de cette réglementation et des autorités de sûreté ayant un réel pouvoir sur les exploitants. L’absence de contestation permet une exploitation des installations avec de faibles contraintes. La France est devenue le rêve des promoteurs du nucléaire du monde entier. Pendant longtemps ce fut l’URSS qui eut ce privilège jusqu’à la survenue de Tchernobyl.

      Marcel Boiteux, en lançant le programme d’électronucléarisation massive de la France, n’excluait pas l’éventualité du "pire", il l’admettait. Dans la polémique évoquée plus haut, (datant de 1974) Hannes Alfen précisait : " Il n’est pas exact de prétendre que les réacteurs offrent une sécurité parfaite, parce qu’il n’existe pas de produit technologique qui soit sûr, ni de technicien infaillible. Il n’est pas loyal de prétendre que les accidents de réacteur doivent être acceptés de la même manière que les accidents de train ou d’avion, étant données les conséquences beaucoup plus graves d’un accident de réacteur ".

      Marcel Boiteux très au fait du dossier nucléaire ne réfutait pas les arguments de Alfen sur la possibilté d’un accident nucléaire catastrophique. Il répliquait : " Jamais la crainte du pire n’a retardé longtemps l’humanité ".

      Non seulement Marcel Boiteux ne craignait pas le pire mais il se voyait en représentant de l’humanité. C’est ce genre de personnage qui fit la loi nucléaire en France avec l’accord et même le respect des pouvoirs politiques et l’indulgence des médias.

      Enfin notre père du nucléaire français avait une vision assez lucide de l’impact que devait avoir son programme nucléaire sur l’organisation sociale par les contraintes inévitables sur la vie des citoyens. Marcel Boiteux, toujours dans l’article de Science et Vie de 1974, précisait : " Il est certes peu attrayant de s’acheminer vers un monde où un strict contrôle des activités dangereuses s’imposera de plus en plus aux nations et aux individus. Mais n’est-ce pas le sens constant de l’évolution d’aller vers une complexité et une organisation croissantes ? ". Et il ajoutait cyniquement " Et, si paradoxal soit-il, n’est-ce pas là la condition d’une plus grande liberté "intérieure" ".

      Ainsi pour lui les contraintes sociales qu’impose l’industrie nucléaire aux individus seraient la condition pour leur "liberté intérieure". Vive la liberté intérieure dans une société nucléaire policière. Ce représentant de l’establishment nucléaire avait parfaitement conscience du slogan jadis lancé "société nucléaire, société policière". Curieusement c’était pour lui la condition de notre liberté intérieure. Concernant notre liberté "extérieure" il ne donnait aucune précision...

      http://www.dissident-media.org/infonucleaire

    • de Karva

      Je pense qu’il est bon de faire de la recherche sur la fusion nucleaire. Je ne sais absolument pas si ca va deboucher prochainement, mais pour moi, ca n’empeche pas qu’il est probablement utile de le faire. On aurait pu avoir une discussion sur l’interet de faire cet investissement, on a droit aune longue recitation en copier-coller des antiennes antinucleaires. J’interprete ces interventions comme une recitation de cathechisme faute d’etre capable de mener le debat ! On recite un acte de foi pour eviter tout debat, car ces enumerations ne sont que la recitation du missel mis a la disposition des catechumenes antinucleaires.

      Que notre pays ait apres la guerre fait confiance dans le developement scientifique et technique me parait avoir ete a l’origine des "trente glorieuses", avec une amelioration de la vie des classes populaires et de l’esperance de vie. Il y a une certaine crise qui se traduit en particulier par la montee des inegalites, des ignorances et de peurs millenaristes. Je pense que de telles periodes ou on doute de tout sont malheureusement assez frequentes. J’appelle neanmoins ceux qui croient au progres a rejetter ces attitudes regressives. Nous avons en particulier a ameliorer les conditions de vie, de sante et d’education. Nous ne purrons le faire en revenant a l’age de pierre ou a une defense de la France des fromages qui piquent et des vins qui puent qui ressemble fort au "retour a la terre" Petainiste..

      Nous sommes sur une bicyclette, si on cesse de progresser, on tombe !

  • Avant de construire ces machines :

    Voilà ce qu’en coute une partie du démontage !

    Cette phase 3 génère un nouveau type de déchets issus du démantèlement et assez fortement actifs (dits FMA vie longue). Le stockage de ces déchets n’est pas encore conçu et le débat parlementaire sur les déchets nucléaires n’est pas fait. D’autre part, la phase 3 présente des risques importants pour les travailleurs, d’autant plus que l’activité du réacteur est importante. C’est pourquoi certains experts préconisent d’attendre la décroissance de la radioactivité résiduelle de la cuve et des internes du réacteur pendant encore au moins 40 ans.

    Le coût du démantèlement de la centrale de Brennilis est actuellement évalué à 482 millions d’euros. Selon un rapport de la Cour des Comptes, cette facture du démantèlement est cinq fois supérieure aux prévisions initiales.

    Info de SDN Skapad

  • « Selon son président, Total pourrait s’orienter vers le nucléaire pour anticiper la fin du pétrole : Une infime fraction de son bénéfice suffirait à financer une demi-douzaine de projets innovants … » c’est Jean Louis Etienne qui va etre content, c’est deux ballons qu’il aura, s’il est sage.

    Alors si Total ce met à faire du nucléaire, es a dire que le nucléaire c’est claire. Cela ressemble beaucoup plus a la cour de récréation pour des scientistes en mal de reconnaissance, et qu’ils feraient n’importe quoi pour ce rendre interressants.

    Total au lieu de se lancer dans le NUC, faudrait peut etre d’abords qu’ils nous payent tous les dégats qu’ils ont occasionnés sur nos cotes Bretonnes et ailleurs. La fin du pétrole peut etre mais pas la fin des bénéfices.

    La recherche scientifique s’apprente ici plus a de la recherche du «  saint grall  » plutot qu’a de réelles et pertinentes études. A eux pas un rond a leur donner.

    Skapad

    • L’homme avec ses machines quelles qu’elles soient risque bien de dévorer la biosphère. Et à chaque fois qu’un peu de biophère est détruite, les dégâts sont irréversibles. Moi aussi, la technologie m’a fait rêver : Star Wars et tout ça.

      Mais maintenant, il faut penser à préserver ce qui est le plus précieux : la biosphère et la biodiversité.

      mncds.

    • Ils feraient mieux de mettre des eolienes et de renoncer au nucleaire civile et militaire.

      Ce serait une bonne initiative de la part de la France !