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Lundi 12 Juin 2006
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Parrainage de sans-papiers
Makombo : un pied de plus dans la République
Symbolique, la cérémonie célébrée samedi à Soucy doit aussi rendre plusdifficile l’expulsion de Barbe et ses enfants
« Cette famille n’est venue en France ni pour faire du tourisme, ni pour
faire fortune, mais parce qu’elle était en danger », rappelle Gilles Millès.
Comme quatre de ses homologues icaunais, le maire (apparenté Vert) de Gron a
célébré, samedi à Soucy (Sénonais), dans une mairie bondée, le parrainage
républicain de Barbe Makombo et ses quatre enfants. Première du genre dans
le département, la cérémonie se voulait « hautement symbolique ».
« Cet acte prouve que cette demande de régularisation n’est pas un cri du
cœur poussé par une famille seule, mais bien par un ensemble de citoyens qui
pense qu’il est absurde de renvoyer quelqu’un là où il ne fait pas bon
naître », lâche Michel Rebequet, le maire (divers gauche) de
Villeneuve-l’Archevêque. Sur le parvis, Jacqueline Vaché, 83 ans, secoue la
tête. « Expulser ces gens serait les conduire vers un destin tragique », se
désole-t-elle.
Comme de nombreux autres anonymes, elle soutient « depuis le début » la
famille. Autour d’elles, des élus bardés de l’écharpe tricolore, des
politiques, des syndicalistes, beaucoup d’enseignants.
Tous attendent pour entrer dans la petite salle.
Avant de commencer la cérémonie, Mireille Ladrange, maire (PC) de Soucy,
rappelle que « l’idée du parrainage républicain remonte à 1793, lorsque deux
citoyens accueillaient ainsi un troisième au sein de la République
française. » « Cette cérémonie constitue un acte de résistance au
non-respect des personnes, à l’exclusion, à la gangrène xénophobe et raciste
», poursuit-elle.
Et d’ajouter, plus prosaïque : « L’expérience montre qu’il devient ensuite
plus problématique pour l’administration de procéder à l’expulsion des
familles. »
« Un peu d’humanité »
Depuis l’émission d’une circulaire, fin 2005, les enfants sans papiers
bénéficient d’un sursis. Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur, a demandé
aux préfets de suspendre les reconduites à la frontière jusqu’à la fin de
l’année scolaire.
Comme 12 000 à 15 000 jeunes en France, les quatre enfants Makombo risquent
d’être renvoyés dans leur pays d’origine dès le 30 juin, après cinq ans
passés en France.
Et cela malgré les mesures d’exception annoncées la semaine dernière
(l’Yonne Républicaine du 7 juin). Gilles Millès a assuré qu’il allait écrire
à Nicolas Sarkozy pour lui demander de « mettre un peu d’humanité dans sa
politique d’immigration.
» « Etre soutenu comme l’est la famille Makombo, c’est déjà un signe
d’intégration », estime-t-il.
Au delà,« notre pays s’honorerait à régulariser toutes les familles dites
’’sans papiers’’, comme d’autres l’ont fait en Europe. Car ce ne sont pas
elles qui sont la cause des difficultés sociales que nous connaissons »,
renchérit Mireille Ladrange. En sortant de la mairie, Jonathan Makombo, 15
ans, esquisse un sourire timide.
« Ça fait chaud au cœur de voir toutes ces personnes nous aider,
confie-t-il. Ça nous redonne un peu d’espoir. » Malgré deux mois de cours
manqués en raison d’une fuite très médiatisée (lire ci-dessous),
l’adolescent vient d’apprendre qu’il passera en première scientifique. Le
conseil d’administration du lycée de Sens s’est d’ailleurs joint au comité
de soutien pour demander sa régularisation, ainsi que celle de sa famille.
J.Vo.
12.06.06 à 09h00
Le parrainage de Barbe Makombo à gauche) et de ses enfants « constitue un
acte de résistance, à l’exclusion, à la gangrène xénophobe et raciste » ,
estime Mireille Ladrange, le maire de Soucy à droite).
« Bousculer Sarkozy »
En août, les aînés de Barbe Makombo, Rachel et Jonathan, 14 et 15 ans, se
sont cachés pendant trois mois pour éviter leur expulsion et celle de leur
famille. Leur fuite, très médiatique, a été à l’origine d’un mouvement de
solidarité sans précédent, conduit par le Réseau éducation sans frontières
(RESF). « En prenant leurs petits baluchons, avec seulement soixante euros
en poche et une puce de portable, ces adolescents ont eu le courage d’ouvrir
les yeux de beaucoup de gens », confirme la journaliste Anne Gintzburger,
auteur d’un livre-enquête sur les enfants sans-papiers (1).
« Tout est parti
d’eux, y compris l’embarras politique autour de cette question,
poursuit-elle. Puisque, c’est suite à leur fuite que le ministre de
l’Intérieur a pris sa circulaire accordant un sursis aux enfants
sans-papiers. Je suis frappée que deux adolescents aient pu bousculer
Nicolas Sarkozy comme cela. Sans eux, aujourd’hui, je ne suis pas sûr que
l’on parlerait tant de la cause des écoliers. » « Nous ne sommes pas des
héros, réagit, un peu embarrassé, Jonathan.
Avec ma sœur, nous avons agi
d’instinct, sans vraiment mesurer les conséquences de ce que nous faisions. »
(1) Ecoliers, vos papiers, d’Anne Gintzburger, Flammarion, 18 euros.