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PAUL MEYER, L’UN DES PERES DU CINEMA BELGE EST MORT. " Et déjà s’envole la fleur maigre " ...

Publie le jeudi 4 octobre 2007 par Open-Publishing
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Paul Meyer, l’un des pères du cinéma belge est mort ce samedi 29 septembre 2007.

Article paru le 20 avril 1994 dans l’HUMANITE

Rendez-vous avec un chef-d’oeuvre

"Déjà s’envole la fleur maigre" de Paul Meyer

de JEAN ROY

En 1960, une femme sicilienne et ses trois enfants arrivent en Belgique. Ils viennent rejoindre le père de famille, embauché comme ouvrier mineur dans le Borinage (province du Hainault). Le jour de leur arrivée, Domenico, vieil immigré qui a perdu ses illusions après dix-sept ans passés sur le carreau, s’apprête à faire le trajet inverse. Déjà, les puits de charbon commencent à fermer, provoquant le chômage. La région est condamnée. Malgré la crise, les familles font face, tandis que les enfants se lancent "à toute poussière" dans d’épiques concours de glisse sur les terrils interdits.

Ce film est important. Pour ce qu’il a été. Pour ce qu’il est. Parce qu’il a été oublié et qu’il y a urgence à le faire enfin vivre.

Ce que le film a été. En cette année 1960, celle des nouvelles vagues (en l’occurrence, plus l’anglaise, sociale, celle de « Ceux de Lambeth », « Samedi soir, dimanche matin » ou « les Corps sauvages », que la française, individualiste et narcissique), celle où on peut croire que les techniques légères vont désormais permettre à chaque peuple de raconter ses histoires, la Belgique, aussi, se réveille. Avec un film. Celui-ci, même si la voie de la révolte a été ouverte par Alfred Machin dès 1912 (« Maudite soit la guerre » en septembre 1913) et prolongée par Henri Storck à partir des années trente (« Histoire du soldat inconnu », 1932 ; « Borinage », avec Joris Ivens, 1933). Au départ, le film de Paul Meyer est censé être un court-métrage documentaire de propagande du ministère de l’Instruction publique destiné à illustrer la bonne intégration des enfants de travailleurs immigrés dans le Borinage. A l’arrivée, on trouve ce long-métrage poétique qui ira tout droit au placard : « En Belgique, déclare Paul Meyer, on ne se relève jamais de l’accusation d’avoir trompé l’Etat. »

Ce que le film est. Un pont entre le Sud et le Nord, entre hier et aujourd’hui. Un pont dont une pile pourrait être le Sud d’hier, celui des films méditerranéens des années trente (insurpassable « Toni », de Jean Renoir), du néoréalisme italien d’après-guerre, du « Rendez-vous des quais » de Paul Carpita ; l’autre pile, le Nord d’aujourd’hui, celui de « Peaux de vaches » de Patricia Mazuy, de « Nord » de Xavier Beauvois, de « Faut-il aimer Mathilde ? » d’Edwin Baily ; et dont le tablier pourrait être incarné par André Antoine, cet immense réaliste lui aussi trop oublié, qui commença en filmant la Corse et la Provence pour en venir, avec l’admirable « l’Hirondelle et la Mésange », à rejoindre une Belgique saisie dans ses paysages les plus vrais, Belgique qui n’est pas sans évoquer celle fixée par le regard que porte Paul Meyer sur son pays quarante ans après Antoine.

Thème somme toute quantitativement peu traité par le cinéma, le déplacement du Sud vers le Nord a été source de grandes oeuvres. Films des migrations vers des terres plus riches, faits en Italie, en Afrique, dans le monde latino-américain ou en en revendiquant la sensibilité depuis les Etats-Unis. Mais aussi films des migrations intérieures, voir Renoir (« la Marseillaise »), Pagnol (« le Schpountz »), Angelopoulos (« Paysage dans le brouillard »)…

Dans cette longue chaîne de la solidarité des images qui remet en mémoire le mot d’ordre de Dziga Vertov - « Ne pas faire des films mais faire des films qui fassent des films » -, Paul Meyer a toute sa place. On pourrait saluer son sens de l’observation sociale, sa générosité, son humanisme, sa chaleur, son sens du poétique, l’immense respect avec lequel il se met au service des inconnus qu’il filme… Tout cela est trop évident pour qu’il vaille d’insister. Alors ajoutons simplement une remarque. Il y a une différence essentielle entre Paul Meyer et, hélas ! nombre de ceux avec qui il partage des qualités de coeur, des convictions et des combats (pas ceux qui ont été cités ici, évidemment) : Paul Meyer est un grand formaliste. Qu’on observe simplement le plan qui suit le générique, un plan séquence fixe de près de trois minutes à la composition lumineuse digne des classiques de l’expressionnisme et à la profondeur de champ wellesienne, et on en sera convaincu. Rarement (exception : Satyajit Ray) le réalisme aura été traité, sans en avoir l’air, de manière aussi sophistiquée que dans ce film.

http://www.humanite.fr/1994-04-20_A...

Paul Meyer, pour mémoire :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Paul_M...

http://www.nova-cinema.org/index.ph...

http://www.peripherie.asso.fr/patri...

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