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Parfum de crise dans les partis français

Publie le vendredi 4 avril 2008 par Open-Publishing

de Michel Noblecourt

Depuis l’élection de Nicolas Sarkozy, le 6 mai 2007, le monde politique est unanime dans son diagnostic : avec sa troisième défaite consécutive à une élection présidentielle, le Parti socialiste a vu s’accentuer une sévère crise d’identité. Sa nette victoire aux élections municipales et cantonales des 9 et 16 mars n’a pas chassé son mal-être. Une embellie électorale ne fait pas le printemps, et il est toujours en panne de leader, de projet et de stratégie. Avec une convention nationale, le 14 juin, et un congrès, du 7 au 9 novembre, le PS espère réussir un minimum de rénovation, suffisant pour le remettre en selle. Mais il est loin d’être le seul dans la tourmente. A des degrés divers, un parfum de crise flotte sur tous les partis politiques français.

Parti du président, l’UMP est confrontée à une vraie crise de fonctionnement et même de gouvernance. Tout se passe comme si la force tranquille qui avait permis à Nicolas Sarkozy de conquérir le pouvoir s’était brisée au soir de son élection. Assommée par l’absence de vague bleue au second tour des législatives, prise à revers par l’ouverture à gauche, l’UMP, qui se veut le premier parti de France - avec 370 000 adhérents - fonctionne au ralenti et peine à afficher son unité entre ses différentes chapelles. Sa cinglante défaite aux municipales, où elle a perdu 36 villes de plus de 30 000 habitants, n’a pas incité Patrick Devedjian, son secrétaire général, à la moindre autocritique. Vite rassuré par la conservation de Marseille, M. Devedjian s’est senti conforté par M. Sarkozy, qui lui a "renouvelé sa confiance" avant de lui imposer un nouvel organigramme, avec Xavier Bertrand, le rival de François Fillon, comme secrétaire général adjoint.

Ce remaniement n’a pas clos les critiques sur la "ligne Devedjian". Jean-Pierre Raffarin, vice-président de la formation sarkozyenne, a jugé l’UMP "trop à droite", l’invitant à "s’ouvrir au centre". Alain Juppé a abondé dans le même sens, appelant à "reconstituer une grande force de la droite et du centre" et à "ne pas se replier sur soi". Plus sévère, le sarkozyste Christian Estrosi, qui venait de conquérir la mairie de Nice et de quitter le gouvernement, a reproché à M. Devedjian d’avoir donné une image de "paralysie". "L’UMP a plus que jamais besoin, a-t-il déclaré au Journal du dimanche du 30 mars, de retrouver les fondamentaux qui ont fait le succès de la campagne présidentielle : la culture du débat, la confrontation des idées." Pour M. Estrosi, "l’UMP ressemble désormais à une armée mexicaine, sans véritable chef." Crise de gouvernance.

Le Nouveau Centre, qui rassemble les centristes qui ont rompu avec François Bayrou et rallié M. Sarkozy, vit plutôt une crise d’influence. Conçu sur le même schéma que le Centre démocratie et progrès - créé en 1969 par des centristes ayant rompu avec le Centre démocrate pour soutenir Georges Pompidou -, il a la même difficulté à être entendu par son puissant allié. Avec 23 députés, un ministre (Hervé Morin, son président) et trois secrétaires d’Etat - il en gagné un, avec Christian Blanc, lors du remaniement du 18 mars -, il se veut "le pôle centriste" de la majorité. M. Morin a évité une guerre des chefs au prochain congrès fondateur, les 16 et 17 mai à Nîmes, Jean-Christophe Lagarde, maire de Drancy et député de Seine-Saint-Denis, ayant renoncé à l’affronter. Mais il va devoir avaler des couleuvres sur la réforme des institutions, alors qu’il mettait l’introduction de la proportionnelle et l’interdiction du cumul des mandats parmi les "conditions incontournables" à un vote positif...

Sur les marches de gauche de l’UMP, les mouvements lancés par des transfuges du PS, les Progressistes, d’Eric Besson, et Gauche moderne, de Jean-Marie Bockel, n’ont pas rapporté de dividendes électoraux au-delà de leurs propres mairies. Quant au MoDem, laminé aux législatives - il n’a plus que deux députés, tandis que ses sénateurs penchent de plus en plus vers le Nouveau Centre - puis aux municipales, il est en pleine crise existentielle. Jean Arthuis, sénateur de la Mayenne, a jugé son parti "complètement illisible" aux municipales, avec ses "alliances à la carte". "On est dans une impasse stratégique", a-t-il diagnostiqué. Affaibli par son échec à Pau, M. Bayrou doit quasiment repartir de zéro pour reconstruire son MoDem et pouvoir être candidat à l’élection présidentielle de 2012.

"REMISE EN CAUSE"

A l’extrême droite, le Front national traverse une grave crise identitaire. Il ne s’est pas remis des 10,44 % de Jean-Marie Le Pen à l’élection présidentielle, le candidat de l’UMP ayant siphonné au premier tour une partie de sa boîte à idées et de son électorat. Devenu "un parti mineur", selon Gilles Ivardi, chercheur au CNRS, exsangue financièrement, au point de vendre son siège, de tailler dans sa presse et dans sa communication et de licencier des permanents, il n’a même pas réussi à profiter de la défection de l’électorat sarkozyste aux municipales. Sur fond de guerre de succession en 2010, son populisme est en déliquescence.

A gauche, la crise d’identité ne touche pas que le PS qui, avec 161 000 adhérents, a été conforté par les élections locales comme premier parti d’opposition. Le Parti radical de gauche (PRG) se marginalise. Aux municipales, il a bénéficié de ses accords avec le PS. Mais son président, Jean-Michel Baylet, mécontent de voir ravir au PRG par une socialiste, au bénéfice de l’âge, la présidence du conseil général des Hautes-Pyrénées, tempête contre son hégémonique allié. Au nom de "divergences considérables", il récuse une fédération avec le PS et relance le travail en commun avec le Parti radical de Jean-Louis Borloo. Rayé de la carte, hormis à Belfort, le Mouvement républicain et citoyen de Jean-Pierre Chevènement s’apprête à rentrer à la maison et à rejoindre le PS...

S’appuyant sur une stabilité relative aux municipales, malgré la perte de Calais, Montreuil et Aubervilliers, le Parti communiste joue toujours sa survie. Marie-George Buffet a mis à l’ordre du jour du prochain congrès, du 11 au 14 décembre, "toutes les questions existentielles". A l’extrême gauche, la LCR se flatte d’avoir dépassé les 10 % dans quelques communes et Lutte ouvrière récolte les fruits de ses alliances avec le PS dans 69 villes. Mais la création du parti anticapitaliste d’Olivier Besancenot reste hypothétique. Les Verts, qui préparent des assises de l’écologie politique, ont été requinqués par l’élection de Dominique Voynet à la mairie de Montreuil contre les états-majors de l’ex-gauche plurielle. Mme Voynet les a pourtant invités à une "remise en cause" des fondamentaux... Le voeu de l’ancienne ministre pourrait s’adresser à tous les partis... en crise.

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