Paris dans le collimateur de Bruxelles sur les déficits publics

La Commission européenne stigmatise la situation inquiétante des comptes publics français et se prépare à envoyer un rappel à l’ordre officiel. Paris juge trop pessimistes les prévisions de croissance et de déficits publiées par Bruxelles.

La France, cancre de la zone euro ? En publiant lundi matin ses nouvelles prévisions économique, la Commission européenne a en tout cas stigmatisé la situation française comme étant « la plus préoccupante » en matière de déficits publics. Après un trou correspondant à 2,7% du PIB en 2007, Bruxelles s’attend à en effet à un déficit à 2,9% cette année puis à 3% en 2009. Soit exactement la limite maximale tolérée par l’Union européenne. Une dégradation qui justifie, aux yeux de Joaquin Almunia, le commissaire européens aux affaires économiques, l’utilisation « des instruments qui sont entre nos mains dans des cas pareils ». A savoir un rappel à l’ordre dont la forme reste encore à définir.

Au-delà de 3%, un pays membre de la zone euro s’expose potentiellement à des sanctions financières, sous la forme d’une amende. Paris n’en est pas encore là. Mais Joaquin Almunia peut lui envoyer une mise en garde "précoce" pour lui demander de réagir. En théorie, il peut aussi d’ores et déjà ouvrir une procédure dite de déficit excessif. Mais cela correspondrait toutefois au recours sans préavis à « la bombe atomique ». Reste que ces deux procédures doivent être acceptées par les ministres européens des Finances, ce qui ne serait pas une mince affaire. Une troisième option, moins conflictuelle, passerait par une "recommandation politique" (policy advice) que la Commission peut lancer de son propre chef.

Sur le fond, la question se pose désormais de savoir si la France est toujours en mesure de tenir son pari, réaffirmé la semaine dernière par Nicolas Sarkozy, d’un retour à l’équilibre de ses comptes à l’horizon 2012. Sachant que la France a déjà épuisé son jocker puisqu’elle a obtenu un report de cet objectif, fixé à l’origine à 2010 pour tous les pays de la zone euro. Et sachant aussi que nos voisins, exposés au même ralentissement économique mondial, font pourtant mieux sur le plan des déficits.

L’Allemagne ne devrait ainsi enregistrer qu’un trou limité à 0,5% cette année, ramené à 0,2% la suivante. Même l’Italie, confrontée à un vrai trou d’air du côté de la croissance, devrait mieux s’en tirer de l’avis de la Commission, avec un déficit de 2,3% cette année, puis de 2,4% l’an prochain.

Le probable rappel à l’ordre de la France constitue un camouflet au moment où elle se prépare à prendre la présidence semestrielle tournante de l’UE en juillet. Paris risque en effet de se retrouver sous pression de Bruxelles et de ses pairs sur les questions budgétaires, à un moment où elle est censée faire figure de modèle. Le ministère des Finances a d’ailleurs réagi lundi en refusant de modifier ses prévisions de déficits publics qui s’établissent à 2,5% du PIB pour 2008 et à 2% pour 2009. "Nous maintenons nos prévisions d’autant plus qu’on voit les premiers fruits" des réformes engagées par le gouvernement, a-t-on indiqué au ministère.

La différences entre les différents pronostics sur les déficits proviennent en partie d’une divergence sur les estimations de la croissance française. Celle-ci ne devrait en effet atteindre, selon Bruxelles, que 1,6% cette année et 1,4% l’an prochain. Or Paris table sur une fourchette plus élevée de 1,7% à 2% en 2008 et envisage même une possibilité d’amélioration l’an prochain située entre 1,75% et 2,25%.
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