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Paroles libertaires, un recueil préparé par Etienne Roda-Gil.

Publie le mercredi 2 juin 2004 par Open-Publishing
8 commentaires

Après La mémoire des vaincus de Michel Ragon, après L’histoire de la
littérature libertaire de Thierry Maricourt (voir les chroniques d’Aurélien
Dauguet dans les lib’ de juillet 90 et d’avril 91), les éditions Albin
Michel publient Paroles libertaires, un recueil préparé par Etienne
Roda-Gil.

Admirablement illustré par Ricardo Mosner, peintre né à Buenos Aires,
Paroles libertaires (sous-titré A bas tous les pouvoirs) est un ouvrage en
principe destiné à la jeunesse. C’est déjà une bonne raison pour applaudir
cette publication. Pour rejeter le libéralisme cannibale, pour comprendre et
éventuellement perpétuer une philosophie généreuse souvent déformée et donc
mal comprise, les adolescents ne liront jamais assez Bakounine, Stirner,
Kropotkine ou Louise Michel.

A notre avis, les brefs extraits sélectionnés par Etienne Roda-Gil (plus
connu comme parolier de Julien Clerc, de Vanessa Paradis et de Johnny
Halliday) peuvent intéresser également les adultes qui auraient raté
quelques épisodes historiques. Le sympathique petit cours de rattrapage
comprend des citations allant de Thoreau à Proudhon en passant par Darien,
Malatesta, Pouget, Durruti, Vian, Prévert, Césaire, Renaud, les Canuts de
Lyon ou le groupe Makhno de Rennes. De quoi ouvrir quelques vastes pistes de
réflexion pour ceux et celles qui seraient séduits un jour par le beau
projet anti-autoritaire.

Dans sa préface, Etienne Roda-Gil salue la Commune de Paris, les marins de
Cronstadt, la révolution Espagnole et, après avoir cité Elisée Reclus,
prévient avec raison : "La pensée libertaire n’est pas un fourre-tout où
n’importe quel médiocre peut trouver un onguent pour les plaies que la
société autoritaire lui inflige. C’est une forme de messianisme sans Dieu
qui croit que l’homme est capable de se reconnaître dans son semblable et
d’établir par là une communauté solidaire capable d’en finir avec toutes les
idéologies." Une entrée en matière digne d’intérêt. Ce n’est pas tous les
jours que l’anarchisme est présentée comme une "parole de sagesse". Les
personnes mal informées ou mal intentionnées ont toujours la triste habitude
de faire rimer anarchisme avec jemenfoutisme ou terrorisme. L’originalité
avec ce livre, c’est qu’Albin Michel (qui compte plus de cinquante ans
d’édition sur la spiritualité) apporte ainsi une pierre à un édifice où
figure en toutes lettres : Ni Dieu ni Maître. Pourquoi pas ? Ce n’est pas
choquant. C’est même plutôt amusant.

Nous n’avons que deux regrets. Premièrement, le livre ne contient que 56
pages mais une petite bibliographie permettra aux lecteurs fidèles de
continuer plus loin leur quête. Deuxièmement, nous sommes désolés de ne pas
avoir eu cette bonne idée nous-mêmes. Nous nous consolons en nous disant que
les moyens d’Albin Michel vont assurer pour pas trop cher une bonne
diffusion des increvables pensées libertaires dans le grand public. Et c’est
là l’essentiel. Paco

Etienne Roda-Gil. Paroles libertaires, éditions Albin Michel. 59F
http://www.le-libertaire.org/jules%20durand/librairie.html

Messages

  • RODA-GIL, Étienne, membre du Groupe Libertaire de Ménilmontant qui
    comprenait entre autres Jacques Le Glou, a connu un destin brillant comme
    parolier, notamment pour Julien Clerc.

    Sur Roda-Gil et Debord : "En sortant du studio [jeudi 9 janvier 2003], on se
    transporte à la Closerie des Lilas. Étienne Roda-Gil, l’ une des vestales du
    lieu, passe et nous rejoint. Le propos se centre rapidement sur un nouveau
    tome [Tome 3]de la correspondance de Guy Debord.

    Considérations de Roda-Gil, qui fut proche du groupe situationniste : il rappelle la position rationaliste de Debord, antimystique, antisymboliste ; son sens espagnol de la propagande, mot noble dans la langue de Cervantes.

  • LA MAKHNOVTCHINA

    Makhnovtchina, Makhnovtchina
    Tes drapeaux sont noirs dans le vent.
    Ils sont noirs de notre peine,
    Ils sont rouges de notre sang.
    Ils sont noirs de notre peine,
    Ils sont rouges de notre sang.

    Par les monts et par les plaines
    Dans la neige et dans le vent.
    À travers toute l’Ukraine
    Se levaient nos partisans.
    À travers toute l’Ukraine
    Se levaient nos partisans.

    Au printemps les traités de Lénine
    Ont livré l’Ukraine aux allemands.
    À l’automne, la Makhnovtchina
    Les avaient jetés au vent.
    À l’automne, la Makhnovtchina
    Les avaient jetés au vent.

    Makhnovtchina, Makhnovtchina
    Tes drapeaux sont noirs dans le vent.
    Ils sont noirs de notre peine,
    Ils sont rouges de notre sang.
    Ils sont noirs de notre peine,
    Ils sont rouges de notre sang.

    L’armée blanche de Dénikine
    Est entrée en Ukraine en chantant,
    Mais bientôt la Makhnovtchina
    L’a dispersée dans le vent.
    Mais bientôt la Makhnovtchina
    L’a dispersée dans le vent.

    Makhnovtchina, Makhnovtchina
    Armée noire de nos partisans,
    Qui combattaient en Ukraine
    Contre les rouges et les blancs.
    Qui combattaient en Ukraine
    Contre les rouges et les blancs.

    Makhnovtchina, Makhnovtchina
    Armée noire de nos partisans,
    Qui voulaient chasser d’Ukraine
    À jamais tous les tyrans
    Qui voulaient chasser d’Ukraine
    À jamais tous les tyrans.

    Makhnovtchina, Makhnovtchina
    Tes drapeaux sont noirs dans le vent.
    Ils sont noirs de notre peine,
    Ils sont rouges de notre sang.
    Ils sont noirs de notre peine,
    Ils sont rouges de notre sang.

    • Merci de nous avoir rendu le texte de cette chanson que nous chantions à tue-tête à la fin de nos diners d’amis, avec Etienne, Pierre Lepetit, moi, Guy Debord et les autres.

      Je lui avais appris aussi les chants de la révolution mexicaine dont "la Adelita", que j’ai retrouvée quelques années plus tard dans une chanson chantée par Julien Clerc. De surprise, mon coeur a battu plus vite : qui parlait de la Adelita dans ces années 70 où nous étions tous dispersés ? Etienne était passé par là.

      S’il vous plait, pouvez-vous répondre à mon message précédent (sur l’appartenance de Roda au groupe libertaire de Ménilmontant) ? Je suis curieuse de savoir qui est derrière cette assertion.

      Emmanuelle K.

  • Confédération Nationale du Travail
    Bureau confédéral
    Secrétariat médias
    medias@cnt-f.org

    Paris, le 1er juin 2004
    communiqué :
    Mort d’Etienne Roda-Gil :
    La CNT salue la mémoire d’un compagnon.

    Etienne Roda-Gil, auteur-compositeur, s’en est allé aujourd’hui et avec lui, c’est un peu de notre histoire que nous perdons.
    Ses parents, Leonor Gil et Antonio Roda, connaissent les luttes ouvrières de Badalona, dans la banlieue industrielle de Barcelone. Militant de la CNT, Antonio Roda fut, pendant la guerre civile, commissaire général des armées de l’Est, avant de devoir fuir le fascisme de Franco. Réfugié en France en 1939, le couple connaît les persécutions et les privations ; Leonor donne naissance à leur fils Etienne à Montauban, en 1941. Le père d’Etienne sera, en France, peintre dans un garage et mourra d’un cancer du poumon, dû aux vapeurs toxiques. Etienne ne quittera plus sa famille idéologique : libertaire, familier de cette "mémoire des vaincus", et de la répression franquiste qui a poussé ses parents à l’exil, il participe au congrès de la CNT espagnole en exil, en 1961, à Limoges. C’est à cette occasion qu’il dépose à Oradour-sur-Glane, en compagnie de notre compagnon Joaquin Delgado, une gerbe en souvenir des victimes du nazisme. Il ne savait pas encore que Joaquin serait garrotté dans la prison de Carabanchel à Madrid, deux ans plus tard, victime innocente d’un franquisme meurtrier et aveugle...

    Etienne Roda-Gil fréquentera aussi les situationnistes. Sous les bannières rouge et noir de la CNT, il fut de ce Premier Mai 2004 comme de ceux qui l’ont précédé, ravivant cette mémoire ouvrière qui, unie, fit vaciller tant de dictatures... A l’ombre du parolier qui connut tous les succès, l’âme du libertaire et le coeur de l’anarchiste saignaient. Sa chanson à la mémoire des Makhnovistes, libertaires ukrainiens écrasés par les "rouges" dans les années 1920, nous revient plus forte encore...Ce soir, "nos drapeaux sont noirs dans le vent, ils sont noirs de notre peine, ils sont rouges de notre sang..."
    Ensemble, nous referons des barricades. Et la même utopie nous portera.