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Pécresse à Strasbourg : "Valérie Pécrule...on t’enc..aisse !" (entendu aujourd’hui à Strasbourg)
Publie le jeudi 16 septembre 2010 par Open-PublishingMadame Pécresse, nous sommes en colère
Pascal Maillard, enseignant à l’Université de Strasbourg, était présent ce jeudi lors de la visite de la ministre de l’enseignement supérieur, Valérie Pécresse, venue inaugurer de nouveaux locaux de cette université –qui fut la première à entrer dans l’autonomie– tandis qu’étudiants et personnels manifestaient. Mediapart publie son analyse et la lettre lue à la ministre en Conseil d’administration.
SOURCE
http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/160910/madame-pecresse-nous-sommes-en-colere
Une actualité politique et sociale chargée relègue aujourd’hui au second plan les universités et les organismes de recherche français dont la situation intéresse assez peu l’opinion publique et les médias. Les projecteurs sont braqués sur les retraites, le dossier sécuritaire, la crise démocratique et les scandales politico-financiers. L’université est pourtant devenue en très peu de temps le terrain d’exercice et d’application de tout ce que la politique sarkoziste peut contenir de délétère : régression formidable de la démocratie et des libertés académiques dans le cadre de l’application stricte de la LRU et des contre-réformes qui l’ont suivie, perte de la collégialité au profit d’une logique technocratique d’évaluation permanente, mise en concurrence des personnels, rationalisation des moyens, fusions et restructurations nivelant les spécificités, course à l’excellence via le Grand Emprunt, partenariats public/privé, soumission de la recherche à des impératifs de rentabilité immédiate au service des intérêts privés, destruction de l’outil de formation des IUFM, affaiblissement des Sciences Humaines et Sociales.
L’Université de Strasbourg (UdS), issue de la fusion de ses trois universités historiques, fut la première à entrer dans l’autonomie le 1er janvier 2009. Beaucoup d’autres ont suivi. Le 5 février de la même année, Valérie Pécresse inaugurait, dans un moment de contestation historique, la nouvelle UdS. La ministre était de retour en ce 16 septembre 2010 pour inaugurer le nouveau bâtiment de la Présidence et faire le bilan de la fusion à l’occasion d’un Conseil d’administration exceptionnel. Nul doute que son accueil par 200 personnels et étudiants aura réveillé en elle des souvenirs peu agréables. Une lettre (à lire ci-dessous), rédigée par des élus et représentants des personnels, a été lue en ouverture du conseil.
Ce matin, pendant qu’à l’extérieur les étudiants et les personnels protestaient bruyamment et pacifiquement en essuyant les gaz lacrymogènes bien inutiles d’un dispositif policier surdimensionné, à l’intérieur, le débat sur la fusion, dont la ministre clame la réussite, n’aura pas permis d’esquisser le bilan critique et objectif que réclamaient les élus d’opposition. Ceux-ci ont claqué la porte d’une mascarade de débat démocratique où les administrateurs n’auront entendu que l’habituel discours d’autosatisfaction de la ministre. Dans un entretien diffusé ce jour au journal de 12h de France 3 Alsace, la ministre laisse clairement entendre que des personnels extérieurs au CA se seraient invités : « Certains sont venus parler au Conseil d’administration... ». Ce sont bien des administrateurs élus - dont le rédacteur de ce texte - qui ont parlé, protesté et claqué poliment la porte du CA. Toujours la communication et les demi-mensonges en place et lieu d’une l’évaluation urgente, et de la conduite, et des conséquences de la fusion.
Le plus inquiétant est très certainement que cette fusion de l’UdS, « exemplaire » aux yeux de Valérie Pécresse, est en passe d’exporter son modèle dans d’autres établissements. Avant-hier, les conseils d’administration des universités de Metz et de Nancy 2 étaient interrompus par des étudiants opposés à la marche forcée vers la nouvelle Université de Lorraine. Des craintes de même nature s’expriment dans les universités d’Aix et de Marseille dont la fusion approche à grands pas.
L’université française est aujourd’hui écrasée par un puissant rouleau compresseur qui opère une recomposition complète du paysage de l’enseignement supérieur et de l’ensemble des organismes de recherche. Les petites universités, les petites composantes, les petits laboratoires, sont soumis à une logique effrénée d’absorptions-fusions qui brisent des singularités remarquables qui font pourtant la richesse et la vitalité de la recherche française. On entend de nombreux cris étouffés au milieu d’une indifférence générale. Mais la souffrance, l’indignation et la colère rentrée se transforment en protestation. L’acte III de l’Université de Strasbourg, mais aussi des autres universités promises à des fusions imminentes et précipitées, sera-t-il enfin celui d’une résistance active ?
Pascal Maillard, enseignant à l’Université publique de Strasbourg
Lettre des personnels de l’Université de Strasbourg à Valérie Pécresse
Strasbourg, le 16 septembre 2010
Madame Pécresse,
En personnes polies, nous vous souhaitons la bienvenue. Sachez-le cependant, nous n’en avons guère envie !
Guère envie car l’autonomie dont vous vous targuez d’avoir doté les universités n’est qu’un sinistre leurre.
Guère envie car vous contraignez les établissements, les laboratoires et les personnels à la concurrence en lieu et place de la collaboration et de la collégialité.
Guère envie car vous nous obligez à chasser dans la jungle des appels d’offres et des contrats privés.
Nous n’en avons guère envie car la bonne recherche pour votre gouvernement, c’est celle qui conduit directement de la paillasse au tiroir caisse, ou celle qui déroute les « humanités » vers la justification de l’ordre établi.
Guère envie car vous videz les organismes de recherche, CNRS, INSERM, de leur substance pour en faire les pions de vos « Alliances » si mal nommées.
Guère envie car votre Grand Emprunt est une gigantesque tromperie qui nous fera tomber un peu plus dans la servilité de ceux qui veulent survivre à tout prix.
Nous n’en avons guère envie car votre vision des hommes et des femmes qui font la recherche et l’enseignement supérieur, c’est celle du bas salaire corrigé par des primes inégalitaires cassant les solidarités, pour les personnels de toutes catégories.
Guère envie car l’explosion de la précarité des emplois dont souffre notre milieu sous votre direction vous semble un gage de dynamisme.
Nous n’en avons guère envie enfin car la réforme de la formation des maîtres que vous avez portée avec Messieurs Darcos et Châtel apparaît enfin aujourd’hui aux yeux de tous, parents, enseignants, élèves, simples citoyens, pour ce qu’elle est : un incommensurable gâchis de plusieurs décennies de progrès pédagogiques.
Guère envie car la réforme des retraites de votre gouvernement est la plus terrible agression du travail par le capital que l’on ait connue depuis la libération.
Guère envie car ce même gouvernement auquel vous participez s’est couvert de honte ces derniers mois en remettant en cause les droits les plus fondamentaux de la personne humaine sans que vous ne prononciez ne serait-ce qu’un murmure de réprobation.
Souvenez vous, Madame Pécresse, le 5 février 2009, il faisait froid dehors, l’aula du palais Universitaire de l’Université de Strasbourg était belle. Vous nous promettiez des lendemains qui chantent. Nous n’avons connu depuis que désorganisation, stress, souffrance au travail, faux-fuyants et tentatives de passer au-dessus des acteurs et de leurs représentants légitimes. Nous n’avons acquis et n’obtenons encore des améliorations pour nos BIATOS des petites catégories ou ces parias de l’enseignement que sont les vacataires, que de haute lutte ! Ce 5 février là, dedans, comme dehors, nous vous disions : « Halte au mépris », « Elle est unique, elle est en grève ».
Aujourd’hui nous ne sommes pas encore en grève, mais nous sommes en colère !
Gardez vous, Madame Pécresse, gardez vous de l’Université de Strasbourg !
Lettre rédigée par des élus et représentants aux quatre conseils de l’Université de Strasbourg et appartenant à l’intersyndicale Agir Ensemble pour une Université Démocratique (SUD Education UdS, SNESUP-FSU, SNCS-FSU, SNASUB-FSU, SNTRS-CGT, SES-CGT, SNPREES-FO)