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Point de vue paru dans la rubrique « Forum » de l’hebdomadaire Marianne daté du 8 septembre 2007.
Aux dernières élections, toute la gauche, nous toutes et tous, venons collectivement de passer à côté d’un peuple qui demandait des choses simples : la restauration de la volonté en politique, une hausse du pouvoir d’achat, une république qui protège face aux désordres de la mondialisation. Et pourtant, dés le lendemain de l’échec, les « beautyful people » de la gauche française s’apprêtent à nous vendre une « rénovation centriste » qui revient de fait à dissoudre notre veille maison commune : la gauche. Le chemin est tracé : à la droite les électeurs populaires et les plus riches, à la gauche, pardon, aux « démocrates », les classes moyennes intellectuelles et les plus précaires. Au diable la chimère d’une politique nouvelle face à la mondialisation, vive l’adaptation aux règles du marché international !
Au parti communiste se joue un drame parallèle : le risque est là de disparaître soit par le statut quo soit en lançant comme une marque de lessive un « nouveau parti » sans assise idéologique. Pendant ce temps Olivier Besancenot s’apprête à jouer pour 20 ans, avec beaucoup de talent, une Arlette Laguiller au goût du jour. Le scénario est écrit d’avance : il ne resterait d’un côté que les « démocrates », de l’autre une LCR relookée. A ce jeu, les libéraux gagneront à tous les coups.
Peut-on encore briser ce piège ? La gauche française sera-t-elle prisonnière pour vingt ans de la confrontation stérile d’un postier sympathique et d’une madone démocrate ? J’ai la faiblesse de penser que beaucoup dépendra de mon parti, le Parti communiste, de ses forces, de son intellectuel collectif qui peut contribuer -avec bien d’autres- à écrire un autre scénario. Trois chantiers sont prioritaires à mes yeux.
Premier chantier, rassembler toutes les énergies intellectuelles, mobiliser les savoirs pour répondre à cette question simple qui est à la racine de l’échec et de la dérive de la gauche : la phase actuelle du capitalisme mondialisé autorise-t-elle une politique nouvelle en France ? Si oui, laquelle ? Le problème n’est pas tant de porter un regard moral sur l’évolution du capitalisme que de bâtir le programme gouvernemental, crédible, opérationnel qui puisse ouvrir une espérance nouvelle aux millions de citoyens critiques du système mais résignés. Dans ce travail, je suis à la fois pour que mon parti s’accroche comme à son bien le plus précieux au communisme, c’est-à-dire à la perspective anthropologique de sortie du capitalisme, qui est notre boussole, et qu’il participe avec d’autres dans un cadre ouvert et sérieux à l’élaboration d’une politique gouvernementale nouvelle. Ce travail devra s’attacher à briser des tabous par exemple celui d’un nouveau protectionnisme européen ou encore la question du contrôle des marchés financiers.
Deuxième chantier, la « recomposition » à gauche. Certains voient comme fatal la polarisation de la « gauche » autour d’une voie « démocrate » et d’un pôle « d’extrême-gauche ». Ségolène Royal et Olivier Besancenot serait ainsi les deux faces d’une même impuissance. Comment faire ? Pour des raisons de fond et de circonstances, je ne crois pas à une recomposition qui passerait par la création d’un nouveau parti : cela ouvrirait un nouveau cycle insupportable de déchirements. Il faut donc trouver une autre voie pour rassembler politiquement les forces qui de Jean-Luc Mélanchon, au PCF, aux personnalités venues de l’écologie, de sensibilité républicaine ou alternative sont prêtes à s’engager sérieusement. Nous avons besoin que se construise un « front des gauches », dans l’autonomie de chacun, qui présente lors des élections une alternative solide.
Enfin, le troisième chantier, de très grande importance à mes yeux, est celui du parti communiste. Sans changement profond nous sommes condamnés à devenir une secte alors que la force communiste peut jouer un très grand rôle. Que faire ? Aujourd’hui, le Pcf est divisé, plus encore sa direction, et depuis dix ans les crises sont de plus en plus violentes. Notre méthode de Congrès favorise le consensus et nous n’arrivons plus à dégager des choix clairs. La solution est simple mais douloureuse du fait de notre culture : il faut que les militants choisissent entre les différentes cohérence politiques qui existent dans tout le parti et qu’une direction avec une majorité claire soit composée en fonction de ce choix. Deuxièmement, je suis pour briser la culture de la langue de bois et des culs-bénits en tout genre, la culture du non-dit dans le rapport au pouvoir. Je suis pour un parti communiste libéré, décomplexé, populaire, féministe, écolo, dans et avec la jeune classe ouvrière précarisée comme avec les intellectuels français, européens qui pensent l’alternative au capitalisme.
Comme beaucoup, j’ai peur que l’évolution actuelle à gauche mène à une impasse. J’ai pourtant la conviction que notre vieille nation politique, la France, possède les forces pour changer le cours des choses. Alors que le débat de la recomposition se concentre sur la création de nouveaux partis, je crois profondément que seules des idées nouvelles face à la mondialisation permettront de retrouver le contact avec le peuple et donc de forger des victoires sociales et électorales.
Le 8 septembre 2007
Bessac Patrice
Porte-parole du PCF, membre du Comité Exécutif National et secrétaire de la fédération de Paris.
Messages
1. Point de vue, 11 septembre 2007, 14:04
Exit la lutte des classes (Tout le monde il est gentil), le prolétariat, la bourgeoisie, K Marx, Lénine et touti quanti, reste Patrice Bessac et la gauche, la gôche et moi, et moi et moi...
CN46400
1. Point de vue, 11 septembre 2007, 18:04
Patrick ne dit rien de cela, il pose la question de la méthode. Son point de départ consiste, de façon juste à souligner la double impasse de la gestion droitière du PS et de la stérilité sectaire de l’extreme gauche.La seule voie crédible est celle qui dépasse cette alternative en portant le projet révolutionnaire au pouvoir. Pour le reste, il est frappant que ces question de remise en question fondamentale, de la constitution d’un nouveau parti, ne concerne que les communistres. Aucun dirigeant, ni au PS, ni de droite ne semble se soucier de cela. C’est parce que le PCF souffre d’un discrédit dont il faut analyser les raisons. Pourquoi passons nous pour un parti du passé alors que nous sommes à la pointe des projets de transformation sociale ; pourquoi sommes nous constamment renvoyés à l’URSS ; qu’est devenue la classe ouvrière pour préferer ceux qui immanquablement la trahiront ? etc. Je ne crois pas à la nécessité de tout changer. Répondont à ces questions et insistons sur le fait qu’à gauche il n’y a plus que le PCF et la gauche du PS lorsque cette dernière sera décidée à s’autonomiser.
2. Point de vue, 11 septembre 2007, 18:11
Ok, j’espère que les camarades qui ont au coeur le communisme feront connaitre ce message.
Si on veut éviter ce que tu dis, il faut un parti communiste français décomplèxé, qui arrête de se frapper la poitrine sur des choses dont il ne porte aucunement la responsabilité, sinon que d’avoir été aveuglé par l’URSS, et de ne pas avoir été soi-même dans ces conditions.Jamais, les communistes français n’ont touché aux libertés, certes le sectarisme, né du stalinisme, les a touché ; mais ils n’ont pas à rougir de leur passé de luttes contre le capital.
Nous avons besoin d’un communisme qui mène le combat de classe face à cette droite qui, elle, n’hésite pas à mener une guerre idéologique sans précédent.
Je suis persuadé que si on est à la tête d’un grand mouvement anticapitaliste en France, en Europe et dans le monde, le communisme retrouvera toute sa raison d’être.
Et nous le ferons dans l’unité et en respectant tout ceux qui y participeront sincèrement.
Mais surtout ne cédons pas devant les défaitistes qui sont prêts à créer un parti social démocrate de gauche pour remplacer les socialistes alliés de la troisième force.
Oui, tenons à ce parti (PCF) comme un outil de la pensée Marx du 21eme siècle.
1. Point de vue, 11 septembre 2007, 18:27
Jer trouve le point de vue de Bessac interessant : au moins lui il se positionne ! Pas le cas de tout le monde. Des idées à discuter mais plutot d’accrod avec la tonalité.
Romain
2. Point de vue, 11 septembre 2007, 19:10
C’est vrai que P Bessac a le mérite de positionner, et même de réclamer, sans le dire, le retour au centralisme démocratique. Il a raison, c’est pas le centralisme démocratique qu’il fallait évacuer, c’est la pratique stalinienne de ce principe. Le vote du 19/12/2006 est un cas d’école, même pas trois jours de délai pour faire avaliser une décision prise dans des couloirs, voilà le stalinisme sans le centralisme démocratique, moi je veux l’inverse, le centralisme démocratique, mais sans le stalinisme ! Est-ce trop demander ?
CN46400
3. Point de vue, 12 septembre 2007, 11:40
INTERESSANT !
Je trouve cette prise de position très intéressante et incitative au débat.
Les 3 "chantiers" me paraissent incontournables mais je crois qu’il y manque l’international/isme et en particulier l’Europe. Quant au Centralisme démocratique, je ne pense pas que çà corresponde à l’idéal communiste autogestionnaire qui est le mien. Je pense qu’aujourd’hui les communistes sont assez intelligents et instruits pour qu’on compte sur leur créativité et leur initiative, sans centralisme démocratique. Il faut marquer le passage à une autre étape.
Bien fraternellement,
NOSE
4. Point de vue, 12 septembre 2007, 22:02
Je trouve le point de vue de P Bessac interessant, pour autant nous avons des semelles de plomb qui ont nom l’union soviétique. Le communiste lucide et conscient est capable d’analyser ce phénomène. Ce n’est pas la pensée qui est en cause, mais l’organisation et la notion de parti communiste. Il y a de nombreuses personnes qui ont cette pensée et c’est avec eux qu’il nous faut travailler et avancer, l’organisation viendra avec.
Ce n’est pas de centralisme démocratique dont nous avons besoin, mais bien de lutte des classes, des droits pour les salariés et les citoyens, d’intervention, de gestion, d’orientation, en y assossiant les dimensions planétaire et environnementale.
j claude marseille
5. Point de vue, 13 septembre 2007, 18:48
Remarque sur le premier chantier : Patrice propose de bâtir un programme gouvernemental pour ouvrir une espérance nouvelle aux millions de citoyens critiques, alors que ceux-ci attendent non un programme mais un projet de société susceptible de rassembler contre le néolibéralisme. On est loin du compte ! et contrairement à ce qu’il affirme, ce projet ne s’élaborera pas sans une analyse non pas morale mais éthique sur l’évolution du capitalisme. Passerat Jacques