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Pour Manuel Valls, l’offre et le langage du PS sont dépassés

Publie le dimanche 14 juin 2009 par Open-Publishing
9 commentaires

de DAVID REVAULT D’ALLONNES

Pressenti pour intégrer l’équipe de direction « resserrée » censée être mise en place après la déroute européenne du Parti socialiste, Manuel Valls livre son analyse du scrutin et pose ses exigences.

Comment expliquer l’ampleur de la débâcle du 7 juin ?

Il y a d’abord la crise profonde de la social-démocratie et notre déphasage avec la société du XXIe siècle. Nous avons mené une campagne médiocre, sans accoucher d’une seule idée ou d’un seul slogan, passant du vote sanction contre Sarkozy et Barroso à une tentative, en fin de campagne, de mettre l’accent sur des propositions. Et nous avons, en face, un Nicolas Sarkozy expert en communication qui réussit à imposer l’idée qu’une UMP en tête serait une victoire.

Dans quelle mesure l’argument du « vote sanction » a-t-il joué contre le PS ?

J’ai déjà dénoncé le fourvoiement stratégique de l’antisarkozysme, dont Bayrou a d’ailleurs lui aussi été victime. Cette stratégie affaiblit la crédibilité du PS en l’obligeant à l’outrance et au conservatisme et grandit le personnage de Sarkozy en le mettant au centre de chaque débat.

Pourquoi la question des responsabilités a-t-elle été si vite évacuée ?

Dans toute démocratie, après une défaite, le chef de parti et son équipe partent, ou sont débarqués. Le problème, c’est qu’aujourd’hui une solution de ce type ne servirait, hélas, plus à rien. Les causes sont trop profondes et tiennent à notre incapacité à mettre en œuvre ce que nous ressassons après chaque défaite…

Car, au fond, ce n’est qu’une défaite de plus…

Mais c’est la première fois depuis 1969 que nous passons sous la barre des 20 % en étant depuis plus de sept ans dans l’opposition ! C’est pourquoi l’instant est grave. Si nous pensons qu’il s’agit encore d’un accident, c’est la disparition que nous risquons. Car les partis, comme toute organisation humaine, sont mortels. Depuis le 21 avril 2002, nous n’avons rien réglé : ni la question du leadership, ni celle de la rupture avec les classes populaires, ni celle de la division de la gauche.

Qu’attendez-vous de Martine Aubry ?

Je lui demande d’être à la hauteur de cet instant historique. Il ne s’agit pas de ravaler la façade de la direction ou de rajouter à l’empilement des responsabilités ; il faut mettre en place très vite une équipe d’une dizaine de responsables, de sensibilités différentes, dotés des pleins pouvoirs pour mettre en œuvre plusieurs exigences fondamentales.

Lesquelles ?

Sur le fond, il faut redéfinir une offre progressiste et trancher sur plusieurs dossiers pour proposer des solutions crédibles et concrètes sur l’école, les retraites, l’entreprise, la civilisation urbaine et écologique, pour relancer notre pays face à la crise… Il s’agit aussi de préparer les régionales, le rassemblement de la gauche et des démocrates ainsi que l’organisation de primaires populaires. Ce processus, ouvert et créatif, doit conduire au congrès fondateur d’une nouvelle formation politique qui dépasse le PS actuel.

Donc un nouveau parti ?

Nous avons tout essayé : états généraux, assises de la transformation sociale, congrès à l’unité factice ou à la confrontation faussée, conventions thématiques… Cela n’a rien produit. Ce dont nous avons besoin, c’est d’une véritable dynamique qui change de fond en comble notre fonctionnement, pour donner naissance à un mouvement politique symbolisé par un nouveau nom.

L’appellation « PS » doit donc disparaître ?

Parti renvoie à la lutte d’une classe contre une autre et socialisme renvoie à un projet hérité du XIXe siècle. Ils nous enferment l’un et l’autre dans des conceptions dépassées. Après dix ans d’absence de travail sur nous-mêmes, sur les évolutions de la société française, sur nos propositions concrètes et sur nos mots, notre langage est devenu une langue morte. Il faut susciter à nouveau de l’espoir et du désir !

Le rapport de forces interne à la direction autorise-t-il Martine Aubry à une telle liberté de mouvement ?

A elle de décider. Mais sa réponse au conseil national n’était pas à la hauteur de l’enjeu. Martine Aubry ne doit pas avoir peur de balayer les pesanteurs et de submerger les petites combines. Elle ne doit pas être prisonnière des rapports de force du congrès factice de Reims.

Et si vos exigences n’étaient pas satisfaites ?

Je veux participer à une nouvelle belle aventure de la gauche mais je ne serai pas d’une direction qui ne serait qu’un replâtrage et qui consisterait à y installer trois ou quatre figures de la nouvelle génération pour le casting. Notre exigence est d’aller beaucoup plus loin, beaucoup plus vite, beaucoup plus fort.

Comment jugez-vous les récents rapprochements entre Martine Aubry et Ségolène Royal ?

Cela aurait dû se produire il y a plusieurs mois déjà et c’est toujours bon à prendre. Reste que ces images factices d’unité n’ont pas contribué à créer de la dynamique.

Tout cela ne laisse guère d’espoir pour 2012…

Les travaillistes britanniques, après des années d’opposition passées dans un parti en retard sur son époque, avaient su se rénover en trois ans pour gagner. Je rappelle d’ailleurs que le seul à gauche à avoir gagné une présidentielle est celui qui a transformé le parti, François Mitterrand. Nous sommes aujourd’hui à trois ans de l’échéance. Il est possible de gagner en 2012. Il n’y a pas de fatalité à l’échec.

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