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Pour sauvegarde liberté intellectuelle des chercheurs et ens/chercheurs

Publie le lundi 15 juin 2009 par Open-Publishing
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objet : Suite affaire Geisser - Lettre ouverte à C. Brechignac, Présidente du CNRS.

Pour la sauvegarde de la liberté intellectuelle des chercheurs et enseignants-chercheurs de la fonction publique

Chers signataires ou non-signataires,

Vous trouverez ci-après une lettre ouverte du Comité de lancement adressée cette fois à Mme Catherine Bréchignac, Présidente du CNRS.

Ce second texte a le même objectif que le premier.

Il ne s’agit pas seulement de défendre notre collègue Vincent Geisser, convoqué devant un conseil de discipline le 29 juin prétendûment pour avoir manqué à l’obligation de réserve qui s’imposerait à lui comme fonctionnaire, en fait pour avoir travaillé sur l’islam d’une façon qui n’avait par l’heur de plaire au Fonctionnaire de Défense du CNRS.

Il s’agit aussi de défendre un principe plus général, dépassant ce cas particulier : celui de la liberté intellectuelle des chercheurs et enseignants-chercheurs de la fonction publique.

Vous pouvez trouver sur http://petition.liberteintellectuelle.net tous les détails utiles sur cette affaire (historique, témoignage, texte de l’appel initial, communiqués et articles de presse parus - le dernier étant celui publié dans Le Monde daté du 13 juin -, réponse de Mme la Ministre, etc.).

Parmi les 3.500 signataires de notre appel, outre un très grand nombre de chercheurs, d’enseignants-chercheurs, de techniciens, d’ingénieurs, d’agents administratifs et d’étudiants, français ou établis en France, outre de simples citoyens qui se sentent concernés, en tant que tels, par ce problème, nous comptons désormais aussi un nombre croissant de collègues étrangers et de personnalités issues du monde des arts et des lettres.

Vous pouvez vous-même, si vous ne l’avez fait et souhaitez le faire, vous associer à notre action en signant notre appel, à partir du même site.

Je vous salue cordialement.

Esther Benbassa, directrice d’études à l’Ecole pratique des hautes études

Lettre ouverte à Madame Catherine Bréchignac, Présidente du CNRS, avec copie à Mme Valérie Pécresse, Ministre de l’Enseignement supérieur et de la Recherche.

Madame la Présidente,

Membres du Collectif pour la sauvegarde de la liberté intellectuelle des chercheurs et enseignants-chercheurs de la fonction publique, à l’initiative d’un appel ayant à ce jour rassemblé 3.500 signataires, nous constatons, à la lecture du communiqué du CNRS daté du 10 juin relatif à la convocation de M. Vincent Geisser devant un conseil de discipline, que l’institution que vous présidez use de méthodes peu compatibles avec sa mission.

On y lit ceci : " Vincent Geisser a utilisé des termes diffamatoires d’une grande violence : ’Le FS est un idéologue qui traque les musulmans et leurs ’amis’ comme à une certaine époque, on traquait les Juifs et les Justes’ ". Ce communiqué, qui présente curieusement les faits reprochés à M. Geisser comme dûment établis et notre collègue comme déjà jugé, contribue lui-même à rendre public - sans autorisation de l’intéressé - le contenu d’un courriel de M. Geisser de nature strictement privée et n’ayant jamais été destiné par son auteur à faire l’objet d’une telle publication.

Ce même communiqué, par ailleurs, omet prudemment de mentionner l’autre et principal motif de cette convocation : " le manquement grave […] à l’obligation de réserve " à laquelle M. Geisser serait " tenu en tant que fonctionnaire " (termes de la lettre de convocation signée par Monsieur Arnold Migus, Directeur général, datée du 29 mai 2009).

Enfin, il omet tout aussi prudemment de signaler le contexte dans lequel s’inscrit cette convocation : le harcèlement de ce chercheur, par le Fonctionnaire de Défense, depuis plus de quatre ans, les ingérences intolérables de ce même Fonctionnaire de Défense dans la politique scientifique des laboratoires et dans les études conduites par les chercheurs, spécialement lorsqu’ils travaillent sur l’islam, ainsi que l’atteste, parmi d’autres, M. Olivier Roy, directeur de recherche.

En réduisant les motifs de " la procédure disciplinaire " engagée contre M. Geisser à une affaire de diffamation, alors qu’elle s’inscrit dans la continuité d’une surveillance de type idéologique, le CNRS a recours à des procédés qui ne devraient pas avoir cours dans un pays démocratique et dont nous connaissons les dérives possibles dans les moments troubles de l’histoire.

M. Geisser est bel et bien poursuivi en raison de ses travaux sur l’islam et l’invocation de " l’obligation de réserve " dans un tel contexte nous inquiète au plus haut point.

Depuis quand et au nom de quel principe un Fonctionnaire de Défense aurait-il le droit de juger les travaux d’un chercheur ou d’un universitaire ? De quelle compétence peut-il se prévaloir pour le faire ? Seuls leurs pairs ont compétence à émettre un avis légitime en la matière. Quant à Vincent Geisser, il est soutenu par ses collègues, par son laboratoire et plusieurs associations de sociologues et spécialistes des sciences sociales.

Cette entrave à la liberté de ceux dont le métier est de " produire " du savoir et de le transmettre est grave, de même que ce mépris affiché pour la communauté scientifique et les procédures normales d’évaluation qui ont cours en son sein.

Demain, d’autres motifs d’ordre privé pourront, comme dans ce cas, être invoqués pour brimer, sanctionner ou exclure tel chercheur dont l’orientation scientifique et les opinions personnelles déplaisent à tel haut fonctionnaire d’Etat. Et " l’obligation de réserve " aujourd’hui brandie signifie-elle qu’il peut nous incomber désormais de relayer les idées reçues et les fantasmes en vogue ?

Nous exigeons en conséquence que la nature et l’étendue des attributions du Fonctionnaire de Défense soient très rigoureusement définies et limitées et que toute intervention de ce fonctionnaire dans les recherches conduites par les laboratoires et par leurs membres soit purement et simplement interdite.

Nous exigeons par ailleurs l’annulation immédiate de la " procédure disciplinaire " engagée contre M. Geisser, seul signe fort capable de rétablir la confiance entre les chercheurs et leur tutelle.

Nous ne voyons guère d’autre moyen, comme le rappelait Mme Valérie Pécresse dans sa lettre adressée le 10 juin 2008, " de garantir la liberté de pensée et d’opinion des chercheurs, qui est fondatrice de leur travail et de leur légitimité scientifique ".

De même, nous demandons au CNRS de retirer son communiqué, attentatoire à l’honneur de notre collègue, et par-delà à celui de toute la profession.

Avec notre considération la meilleure,

Le Comité

Messages

  • Lettre d’Indépendance des Chercheurs :

     

    Le Collectif Indépendance des Chercheurs

    14 juin 2009

     
    à Madame Catherine BRECHIGNAC, Présidente du CNRS

    et à Monsieur Arnold MIGUS, Directeur Général du CNRS

     
    Madame la Présidente et Monsieur le Directeur Général,

     
    La diffusion tardive, il y a quelques jours, d’un projet de décret déjà très controversé sur l’organisation et le fonctionnement du CNRS avant la réunion du 18 juin du Comité Technique Paritaire ne laisse pas aux personnels le temps matériel de l’examiner en détail et d’en saisir toutes les conséquences. Après une première lecture, ce projet de décret apparaît comme une véritable liquidation si on compare avec les attributions et les prérogatives de la recherche fédérale aux Etats-Unis. Cette impression est aggravée par un projet de contrat d’objectifs au contenu budgétaire pour le moins incertain, et au contenu global contesté par la grande majorité des agents, soumis au Conseil d’Administration.

    Nous vous demandons donc de bien vouloir rayer des ordres du jour des séances des 18 juin et 25 juin du Comité Technique Paritaire et du Conseil d’Administration (CA) les points concernant le projet de décret ainsi que le Contrat d’Objectifs. Il apparaît également que les conséquences du schéma stratégique adopté à la séance du Conseil d’Administration du 3 juillet 2008 dans une grande précipitation ne correspondent pas aux attentes des agents. Le contenu du texte avait été transmis aux élus au juste avant la réunion du CA, et aucune publicité n’avait permis aux personnels de l’examiner en temps utile. Nous vous demandons de bien vouloir annuler l’actuel schéma stratégique et engager une véritable concertation.

    Enfin, l’affaire du chercheur Vincent GEISSER nous laisse perplexes. Au vu des informations diffusées à ce jour, il ne nous apparaît pas que le recours à une procédure disciplinaire contre l’intéressé puisse être une réponse valable aux véritables questions que cette situation soulève. L’indépendance des chercheurs est essentielle aux missions de la recherche publique, et ne semble pas avoir été respectée. Nous vous demandons de bien vouloir : i) abandonner l’actuelle procédure disciplinaire ; ii) ordonner une enquête globale sur cette affaire et rendre publiques ses conclusions ; iii) engager dans la transparence une réflexion collective au sein du CNRS sur le rôle, les missions et les attributions du Fonctionnaire de Sécurité de Défense.

     
    Nous vous prions de recevoir, Madame la Présidente et Monsieur le Directeur Général, l’expression de notre haute considération.

    (...)