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Prisons au bout du rouleau, trop de détenus et un sur trois est toxicomane

Publie le vendredi 3 mars 2006 par Open-Publishing

Les données du Dap : il y a 60.000 personnes en prison ; il devrait y en avoir 43.000.
En 2005, 57 suicides, 12.000 personnes sont affectées par des malaises mentaux, 16.000 sont des citoyens extracommunautaires.
Appel du Pape : "Que leur dignité soit sauvegardée"

Traduit de l’italien par karl&rosa

Jamais autant surpeuplées qu’aujourd’hui : dans les 207 prisons italiennes il y a 59.523 détenus. Il devrait y en avoir, sur la base des structures et des règlements, 43.000 au maximum. 19.836 (33,3%) sont citoyens extracommunautaires, 16.185 (27%) toxicomanes et 11.800 (19,83%) sont affectés de pathologies du système nerveux et de dérangements mentaux. Selon certains d’entre eux, c’est une situation insoutenable : en 2005, 57 détenus se sont suicidés dans leur cellule.

Il s’agit de données inédites que le Département de l’administration pénitentiaire (Dap) lui-même livre à l’occasion de la rencontre "La santé en prison : parlons-en sans censures". Une situation dramatique par rapport à laquelle même le Pape a fait entendre sa voix en envoyant un message aux organisateurs de la rencontre, où il souhaite qu’elle "contribue à affirmer le respect dû à la dignité humaine de l’individu qui a violé la loi, afin qu’il continue à se sentir une partie de la société, engagé à s’y insérer".

De la solidarité aussi du président de la République Carlo Azeglio Ciampi qui a souligné dans son message la "vive appréciation pour la haute valeur scientifique et sociale" de la rencontre et a loué "l’engagement des institutions, des associations, du personnel des prisons s’attaquant à ces problèmes".

Une situation dramatique, donc. "Sur la base de ces données - affirme Sebastiano Ardita, responsable de la direction générale détenus et traitement du Dap - nous sommes conscients d’être dans une situation de grave, persistante autant qu’involontaire et inévitable divergence des règles". Ardita admet de ne pas pouvoir garantir, à cause du surpeuplement, ce qui est prévu par les normes en vigueur et par le récent règlement pénitencier.

En commençant par les espaces par personne qui devraient être de 9 mètres carrés.

Et ce n’est pas tout. Les ressources pour la santé des détenus baissent de plus en plus parce que - souligne Ardita - elles sont établies sans tenir compte d’une variable fondamentale qui est, justement, le redoublement du nombre des détenus dans les 20 dernières années. Des 1.846 euros dépensés en 1995 pour l’assistance sanitaire à chaque détenu, on est passé aux 1.607 actuels, contre les 1.557 euros destinés actuellement à chaque citoyen libre (alors qu’en 1991 un détenu pouvait compter sur des ressources qui étaient plus que le double de celles qui étaient destinées au citoyen).

Désormais le budget est, selon les mots d’Ardita, "sur le fil de l’indispensable". C’est pour cela que le Dap a dessiné une carte épidémiologique des prisons italiennes : pour connaître l’incidence et le degré des maladies des détenus et, surtout, pour partager d’une façon adéquate les déjà maigres ressources.

Le diagnostic est escompté : ceux qui sont en cellule vont plus mal. 13% des détenus (c’est-à-dire à-peu-près 7.800) est dans un état de santé compromis, contre 7% de la population libre. La toxicomanie est le problème le plus répandu (elle concerne 21,54% des détenus, contre 2,10% chez les citoyens libres). Environ 20% (c’est-à-dire un détenu sur cinq) souffre de malaises psychiques : 10,25% de dépression, 6,04% d’autres pathologies mentales, 3% de maladies neurologiques et 0,8% de détérioration psychologique.

Les maladies hépatobiliaires et du pancréas affectent 10,9% des détenus (contre 4,2% des citoyens libres), celles de l’appareil digestif 9,1% (contre 10,1% de la population). Plus de 20% des 2.804 détenues souffre de pathologies féminines typiques (tumeurs de l’utérus, des ovaires, du sein).

Le phénomène des suicides en prison est stable dans le temps, bien qu’il demeure dramatique : en 2005, 57 détenus se sont suicidés, en 2004, 52, en 2003, 57, en 2002, 51 et, en 2001, 69.

"La santé des détenus - termine Ardita - n’est pas seulement un problème "politique", ni une simple question technique ou médico-légale. Elle est beaucoup plus. C’est le lieu privilégié pour évaluer les politiques sociales d’un Etat. C’est une question de politique criminelle. C’est le banc d’essai de la peine, constitutionnellement entendue.

Le ministre de la Justice, Roberto Castelli, a lui aussi envoyé un message aux participants, en soutenant que "ce gouvernement a toujours eu à cœur la santé en prison" et que l’assistance sanitaire "a toujours été assurée", en consacrant une attention particulière "aux sujets les plus nécessiteux". Il y a toutefois une donnée qui - souligne le Garde des Sceaux - "pèse dans la balance de la santé en prison, à savoir les 16.000 détenus toxicomanes sur le total de la population carcérale".

Mais Patrizio Gonnella, Président national de Antigone, l’association qui se bat pour le respect des droits dans les prisons, attaque le Garde des Sceaux. "A un mois des élections, après que l’amnistie a été rejetée grâce aussi au ministre Castelli, après que la loi ex-Cirielli a été approuvée, une loi qui fera augmenter de quelques dizaines de milliers les détenus dans les prisons italiennes, après que la loi sur les drogues à été modifiée, en l’empirant, en faisant l’amalgame entre les consommateurs de drogues légères et les dealers de drogues lourdes - souligne Gonella - ils viennent nous dire que la situation est dramatique".

http://www.repubblica.it/2006/c/sez...