Accueil > Projet de loi sur la prévention de la délinquance
Les dernières nouvelles de cet ignoble "plan de prévention", qui n’est pas encore officiellement un projet de loi, mais dont les grandes lignes ont été présentées aujourd’hui devant les commissions des Lois et des Affaires sociales de l’Assemblée :
AP - 10/05/06 - 17h25
Prévention de la délinquance : un plan aux contours encore confus
Nicolas Sarkozy a exposé mercredi aux députés les grandes lignes de son plan de prévention de la délinquance, maintes fois repoussé, qui prévoit notamment un suivi plus précoce des enfants et un toilettage de l’ordonnance de 1945 sur les mineurs. Las, le ministre reste soumis au bon vouloir de Matignon, qui doit décider si ce plan fera ou non l’objet d’un seul texte législatif.
Serpent de mer, ce plan a fait l’objet d’une première mouture lors du passage de Nicolas Sarkozy place Beauvau entre 2002 et 2004. Il a ensuite été promis pour mars au Parlement, sans suite. Entendu mercredi par les commissions des Lois et des Affaires sociales de l’Assemblée, le ministre de l’Intérieur a assuré que le plan devrait finalement être adopté en conseil des ministres en juin, après avoir été examiné lors d’un comité interministériel "dans quelques jours".
Quant à la date de sa discussion à l’Assemblée, "nous avons une réunion demain pour décider de ce calendrier", a indiqué M. Sarkozy sans plus de précisions. Ce sera "au plus tôt" en juin, "au plus tard" en septembre, a-t-il dit. "Pour moi, ce qui serait très important, c’est qu’on commence avant l’été" quitte à reprendre à la rentrée, a-t-il plaidé, souhaitant un débat "en profondeur".
Il n’était pas davantage certain que le plan fasse l’objet d’un seul texte législatif estampillé Sarkozy. "Ma préférence, c’est que la prévention fasse l’objet d’un texte", a glissé le ministre de l’Intérieur, qui a reconnu que "la décision n’a pas été prise".
C’est que le ministre reste soumis à la volonté de Matignon. Refusant de laisser le champ libre à son N°2 sur ce sujet-clé, Dominique de Villepin avait repris la main en janvier en installant un comité interministériel sur la prévention de la délinquance. Il avait alors suggéré de découper le plan en plusieurs textes.
Sur le fond, Nicolas Sarkozy a détaillé aux députés les grandes mesures de ce plan mastodonte qui couvre aussi bien la délinquance des mineurs que la psychiatrie. Pivot du dispositif, le maire présidera un "conseil pour les droits et devoirs des familles" qui pourra procéder à des rappels à l’ordre en cas de problèmes scolaires ou de troubles du voisinage. Face à l’absentéisme scolaire, il pourra imposer aux familles un "système d’encadrement" pouvant aller jusqu’à la mise sous tutelle des allocations familiales.
Sujet plus controversé, Nicolas Sarkozy entend instituer une détection plus précoce des troubles du comportement à l’école. Ainsi propose-t-il des "rendez-vous fixes tous les trois ans", à 3 et 6 ans par exemple. Et d’évoquer, un brin polémique, Youssouf Fofana, principal suspect dans la mort d’Ilan Halimi : "Qui peut croire qu’il est devenu un barbare entre la 24e et la 25e année ?"
Le ministre s’est montré plus prudent sur son idée de "cahier du suivi comportemental" de l’enfant, critiquée par les psychiatres et psychologues. Il a également revu sa copie sur le partage du secret professionnel qu’il souhaite imposer aux acteurs sociaux intervenant dans la prévention de la délinquance : un "coordonnateur" sera désigné parmi les intervenants pour centraliser les informations.
Enfin, le plan toilette l’ordonnance de 1945 sur les mineurs en créant de nouvelles "mesures éducatives" telles que l’éloignement temporaire du mineur de son lieu de résidence pour l’extraire d’un milieu criminogène. En cas d’échec, un avertissement judiciaire et l’obligation de réparer les dommages pourront être prononcés. M. Sarkozy envisage aussi d’étendre la procédure de comparution immédiate aux mineurs récidivistes de plus de 16 ans. AP
sch/mw
AP - 10/05/06 - 17h25
Délinquance : les mesures clés du plan Sarkozy
PARIS (AP) - Voici les principales mesures du plan de prévention de la délinquance, détaillé mercredi par Nicolas Sarkozy :
LE MAIRE AU COEUR DU DISPOSITIF
– Pivot de la prévention de la délinquance, le maire présidera un "Conseil pour les droits et devoirs des familles" dans les communes de plus de 10.000 habitants. Ce conseil pourra procéder à des rappels à l’ordre auprès des familles en cas de problèmes scolaires, de carences éducatives, de troubles du voisinage. Le maire pourra leur proposer un stage de responsabilité parentale.
– Pour lutter contre l’absentéisme scolaire, le maire pourra imposer aux familles, en accord avec l’inspecteur d’académie et les caisses d’allocations familiales, un "système d’encadrement" pouvant aller jusqu’à la mise sous tutelle des allocations familiales.
DETECTION PLUS PRECOCE A L’ECOLE :
– Pour détecter de façon plus précoce les troubles du comportement, le plan prévoit un suivi de la santé des enfants à l’école. Le ministre préconise des "rendez-vous fixes tous les trois ans", par exemple à 3 et 6 ans.
TOILETTAGE DE L’ORDONNANCE DE 1945 :
– Le plan prévoit de "nouvelles mesures éducatives", telles que l’éloignement du mineur "pour un temps limité" de son lieu de résidence pour l’extraire d’un milieu criminogène. Le ministre propose également des "travaux scolaires adaptés pour réhabiliter l’école et redonner le goût de l’étude".
– En cas d’échec, le plan prévoit "une réponse plus ferme" avec un avertissement judiciaire et l’obligation de réparer les dommages causés. Pour répondre plus rapidement à la délinquance des mineurs, le ministre suggère d’élargir la procédure de comparution immédiate aux mineurs récidivistes de plus de 16 ans.
SECRET PROFESSIONNEL :
– Les acteurs sociaux intervenant dans la prévention de la délinquance devront partager leurs informations. Accusé de remettre en cause le secret professionnel, M. Sarkozy propose qu’un "coordonnateur" soit désigné parmi ces intervenants pour centraliser les informations.
STUPEFIANTS :
– Le ministre veut simplifier les procédures de comparution en cas d’usage de drogue.
– L’injonction thérapeutique pourra être prononcée à tous les stades de la procédure comme alternative aux poursuites du procureur.
SUIVI PSYCHIATRIQUE :
– Hospitalisation d’office : les pouvoirs du maire en matière d’hospitalisation d’office sont étendus. Il ne peut actuellement décider une telle mesure qu’en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes.
– Sortie d’essai : c’est le préfet qui donnera désormais son feu vert à la levée d’une mesure d’hospitalisation (après avis médical), et non plus les seuls médecins concernés. En cas de sortie d’essai, le maire devra être informé de l’identité du malade, de la date de son retour à l’hôpital et du calendrier de ses visites médicales. AP
sch/mw
Pour une analyse synthétique et très claire du projet en tant que tel - mais également d’autres mesures parallèles, dont certaines sont déjà entrées en application (dans le plan Borloo, entre autres) - je ne peux que renvoyer au texte du COLLECTIF NATIONAL UNITAIRE CONTRE LE PROJET DE LOI SUR LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE, ci-dessous :
Une logique générale de repérage et de stigmatisation des populations en difficulté sociale au mépris des libertés publiques et des droits des usagers
sur le projet de loi Sarkozy sur la prévention de la délinquance
mercredi 8 mars 2006.
A travers un puzzle constitué de lois et de dispositifs divers le gouvernement prépare « au nom de l’intérêt de tous » un projet de société sécuritaire, liberticide qui pénalise la pauvreté et cherche à individualiser les problèmes sociaux au mépris de la solidarité. Ainsi le gouvernement cherche-t-il à démontrer que la responsabilité des personnes est d’abord et avant tout à l’origine de leur situation : les difficultés n’auraient plus d’origines sociales et économiques mais elles seraient le résultat d’une faillite, d’une "fragilité" individuelle.
Les mesures envisagées par le gouvernement sont sous-tendues par une vision essentiellement policière et simpliste. L’idée qu’il suffit d’ôter le symptôme pour résoudre les problèmes relève d’une vision magique qui ne prend ni en compte les conséquences d’une politique économique et sociale basée sur la performance et le chacun pour soi, ni les caractéristiques des parcours chaotiques des adolescents, ni la parole des personnes concernées par les injustices sociales.
Alors qu’il faudrait renforcer les mesures éducatives, l’accompagnement social et restaurer l’accès aux mêmes droits pour tous, le choix de société s’oriente vers une société fermée, injuste dans laquelle il faut se conformer au comportement policé attendu. La sanction et le formatage (l’encadrement social, la police des familles, les mesures sous contraintes consignées dans des contrats individuels) sont les voies proposées par respect de l’ordre social, au mépris de la considération des personnes et de leur situation.
Les politiques économiques menées depuis une vingtaine d’années ont amené une augmentation considérable du nombre de ce qu’il est convenu d’appeler les exclus ou les précaires. L’absence de perspectives d’avenir touche une grande partie de la jeunesse et tout particulièrement la jeunesse des quartiers populaires, des banlieues, des cités.
Ce système de pensée induit la remise en cause du travail social, des missions de service public et des pratiques professionnelles. Ainsi les travailleurs sociaux devraient-ils essentiellement "vérifier" l’aptitude des personnes "à changer leur destin". La stigmatisation par le repérage et le signalement s’accompagne de contraintes pour des usagers qui doivent intégrer des dispositifs particuliers. Les travailleurs sociaux seraient essentiellement chargés de surveiller et punir plutôt que de favoriser l’accès aux droits et d’exercer leurs missions éducatives et sociales.
Selon les divers textes de loi en préparation dans le cadre du plan de prévention de la délinquance ou déjà existants, le schéma général s’appuierait sur les éléments suivants :
– Le pilotage des dispositifs de prévention par le maire
– La suppression du secret professionnel, garantie pour les personnes, et l’instauration du secret partagé.
– Le repérage des individus réputés fragiles ou estimés à risque de part leur situation sociale.
– La sanction associée au contrat de bonne conduite pour les familles
– Des mesures de justice et de police particulières notamment pour les mineurs
– L’école maillon central du dispositif sécuritaire
Le maire au centre des dispositifs de prévention
La partie judiciaire du projet de loi de prévention de la délinquance désigne le maire comme le pilote en matière d’animation et de coordination de la prévention de la délinquance, dans le cadre des dispositifs partenariaux tels que le Conseil Local de Sécurité et de Prévention de la Délinquance (CLSPD). Il serait amené à présider un « conseil pour les droits et les devoirs des familles ». Il pourrait prononcer des rappels solennels à l’ordre par délégation du procureur. Le maire comme le préfet verrait ses pouvoirs renforcés en matière d’internement psychiatrique. Etant au centre du dispositif de prévention il serait destinataire d’informations confidentielles détenues par les travailleurs sociaux dans le cadre du secret professionnel.
[[La transformation du secret professionnel en un concept de secret partagé
L’organisation du système de repérage se confronte à la notion de secret professionnel. La république dans sa sagesse a jusqu’ici ménagé le partage des pouvoirs. Ainsi l’éducation échappe au contrôle des préfets, la justice est indépendante, certaines professions du secteur sanitaire et social sont assujetties au secret professionnel ou médical. Ce système de séparation des pouvoirs permet des équilibres garants des libertés individuelles. Sous couvert de sûreté du citoyen certains verrous garants des libertés sont en train de sauter ici et là. Le nouveau concept de « secret partagé » permettrait la circulation d’informations concernant la vie privée dans diverses sphères qu’elles soient politiques ou policières. Le secret professionnel existe par respect des usagers et pour les protéger d’une instrumentalisation de la part des travailleurs sociaux qui pourraient exercer un quelconque pouvoir vis-à-vis d’eux. La notion de « secret partagé » est un détournement du secret professionnel. Par ailleurs, le partage d’information d’ordre privé entre le maire et les travailleurs sociaux entraîne une confusion entre le pouvoir de décision quant aux orientations politiques et leur mise en œuvre selon une déontologie professionnelle.
Le repérage des individus réputés fragiles ou estimés à risque de par leur situation sociale
Les travailleurs sociaux, comme les personnels de l’Education Nationale sont amenés à faire du repérage et du signalement à travers divers dispositifs déjà en place. Ces pratiques aboutissent aux premiers dérapages tels que la tendance à constituer des fichiers sociaux illégaux comme à VITRY LE FRANCOIS, et plus généralement à considérer les données détenues par les services sociaux, médico-sociaux, éducatifs, comme consultables sur simple demande. Ou comme à annonay où le collège adressait au commissariat les photos de tous les élèves de l’établissement. Les services de PMI seraient chargés de dépister les futurs délinquants dès la crèche.
La sanction associée au contrat de bonne conduite pour les familles
Dans la loi sur l’égalité des chances Dominique de Villepin instaure le contrat de responsabilité parentale. Ce contrat à l’initiative des chefs d’établissements scolaires, des travailleurs sociaux départementaux et des maires, concernera à la fois l’absentéisme scolaire, les défaillances ou l’insuffisance manifeste de l’autorité parentale. Ce contrat censé offrir un soutien et un accompagnement social aux parents, prévoit des sanctions dans le cas où la famille ne se conformerait pas aux termes dudit contrat. Aux amendes prévues par la loi de 2004 sur l’absentéisme scolaire, s’ajoute la mise sous tutelle des allocations familiales ou la suspension du versement de ces allocations.
Dans son projet de plan de prévention de la délinquance Nicolas Sarkozy envisage le Conseil pour les droits et les devoirs des familles, le maire aurait dans ce cadre le pouvoir nouveau de prononcer un rappel à l’ordre. Ce conseil qui vise à « prévenir des comportements susceptibles de mettre l’enfant en danger ou de causer des troubles à autrui » pourra également, prononcer des « stages de parentalité » sensés aider les parents « défaillants au niveau éducatif », notamment comme alternative aux poursuites (en application de l’article 227-17 du code pénal). Par exemple Un enfant s’absente souvent de l’école. Les enseignants doivent le dénoncer au maire et les parents seront convoqués afin de suivre « un stage de parentalité », de plus ils devront payer une amende.
En matière judiciaire les projets gouvernementaux prévoient :
L’élargissement vers des personnes privées des moyens juridiques relatifs au constat des infractions. Dans le cas d’actes d’incivilités constitutifs d’infractions pénales, il est proposé le renforcement des moyens juridiques de constatation des infractions. Ainsi la possibilité serait-elle accordée aux bailleurs sociaux ou aux personnels des transports de pouvoir constater des contraventions d’atteinte aux personnes (menaces de violence, bruits et tapages nocturnes). L’insuffisance des services de police et de gendarmerie justifierait ces mesures. Quid alors de la neutralité, de l’égalité que seule l’action du service public peut garantir ?
La délégation d’une partie du pouvoir judiciaire au maire. La loi De Villepin sur l’égalité des chances consacre la possibilité pour le procureur de déléguer au maire le prononcé d’un rappel à la loi ou d’une mesure de médiation-réparation. Le projet de loi ne se limite donc pas à renforcer les attributions du maire, il lui délègue également une partie du pouvoir judiciaire contrevenant ainsi au principe fondamental de la séparation des pouvoirs. Que la seule présence dans un regroupement serait susceptible de devenir un délit dès lors que l’un des membres du groupe commettrait une infraction. En réaction aux violences urbaines, le projet prévoit de réhabiliter le principe d’une responsabilité pénale collective telle qu’elle fut établie en 1970 avec la loi anti-casseurs puis abrogée en 1981. Et pour les jeunes mineurs ces êtres dangereux...
Ceux-ci sont considérés comme classe dangereuse : « la capacité de nuire des 13-16 ans a évolué ... on peut la comparer à celle des 16-18 ans de 1945 ». Fantasme dénoncé par nombre de professionnels et de chercheurs mais qui justifierait un élargissement du panel des sanctions destinées aux jeunes (avertissement judiciaire, stage d’instruction civique, admonestation...). Le développement de « centres d’éducation adaptée » est aussi envisagé comme mesure d’éloignement. Pour les mineurs de moins de 13 ans, le texte prévoit la possibilité de prononcer une mesure de travail d’intérêt général ! Cette mesure conduit ni plus ni moins à légaliser de façon détournée le travail des enfants. Pour les personnes détenues on retrouve cette notion de contrainte avec l’instauration de l’obligation de se former et de suivre des soins, sans liberté de choix.
L’école maillon central du dispositif sécuritaire
La Loi de programmation pour la Cohésion Sociale du 18 janvier 2005 dite loi Boorlo instaure un programme de réussite éducative hors temps scolaire. Cette mesure de prise en charge individuelle ou collective s’organise à partir d’un repérage fait principalement par les personnels de l’Education Nationale. Ce dispositif s’organise de façon disparate selon le choix des autorités (maire, préfet, institutions), les intervenants éducatifs sont divers (services publics, associations). Ce nouveau système de suivi des enfants implique la transmission d’informations confidentielles qui jusque là restaient au sein de l’école, de fait la communauté éducative pourrait se transformer en un réseau de signalements. Le dispositif Borloo, pose par ailleurs d’autres questions lorsqu’il marginalise l’école par rapport au traitement de l’échec scolaire et lorsqu’il remet en question l’intervention des équipes professionnelles présentes dans le système scolaire pour assurer le suivi des enfants. Si la complémentarité entre l’école et divers intervenants éducatifs est pertinente dès lors que les rôles de chacun sont identifiés et que les actions sont cohérentes, le fait de remplacer les uns par les autres au petit bonheur augure de complications et d’échecs potentiels. La loi Fillon, instaure quant à elle une école duale, un apprentissage minimum selon l’idée du « socle commun » au lieu d’une culture commune qui permettrait aux jeunes de mieux appréhender la complexité de notre société. La loi renforce par ailleurs les signalements vers les équipes de réussite éducative du plan Borloo. Gilles de Robien envisage la présence policière dans les établissements scolaires pour répondre aux manifestations de violence. La loi De Villepin sur l’égalité des chances renforce la dualité de l’école par l’instauration de l’apprentissage dès 14 ans. Pendant ce temps les effectifs des personnels de l’éducation nationale diminuent, tout comme les moyens mis en œuvre pour accompagner les jeunes en difficulté.
DANS UN CONTEXTE DE RECUL DES DISPOSITIFS PUBLICS DE PREVENTION ET DE PRISE EN CHARGE
Nous vivons cette logique de contrôle social renforcé dans un contexte de recul de l’ensemble des dispositifs de prévention et de prise en charge. C’est la protection sociale dans son ensemble qui a été depuis de nombreuses années remise en cause dans son essence. Il s’agissait d’une organisation générale de solidarité nationale. Les choix libéraux et les logiques financières mises en jeux impliquent une approche de responsabilité individuelle que l’on oppose à un système soit disant coûteux et obsolète. Ainsi la responsabilisation individuelle et familiale se construit sur la culpabilisation, chacun étant responsable de sa situation et devant en répondre. La décentralisation renforcée par la régionalisation a généré un certain nombre de reprise en main économique et politique. Les expériences de prévention ont été dans le collimateur très rapidement. Elles ont été dénaturées et dévoyées par la mise en place des CLSPD, la mise en concurrence par des appels d’offres tributaires de la loi du marché. Ce sont les salariés précaires, les chômeurs qui vont subir les effets de cette politique. Ainsi, la remise en question des minima sociaux implique qu’ils doivent se mériter. On invente donc le RMA, des plans chômeurs, les nouveaux contrats UNEDIC. La fermeture des centres de santé, de services psychiatriques de proximité dans les quartiers les plus défavorisés, renforce le processus d’exclusion. Les associations locales, forces vives de ces quartiers sont traitées par le mépris et subissent une baisse drastique des subventions. Nous vivons sous le règne du bénévolat, du volontariat et le retour en force du caritatif. Les professionnels montrés du doigt sont condamnés à faire du chiffre au détriment d’un accompagnement de qualité, cette logique va dans le sens des déqualifications. Les textes de diverses natures vont tous dans le même sens, la refonte de la protection de l’enfance, la remise en cause des quelques droits des immigrés, l’AME, la scolarisation. L’éducation pour tous est d’ailleurs largement remise sur la sellette.
La résistance à ce projet de société s’impose. Nous devons refuser toute notion de casier social et clamer haut et fort le 22 mars 2006 à Paris : Cette société là, on n’en veut pas !
COLLECTIF NATIONAL UNITAIRE CONTRE LE PROJET DE LOI SUR LA PRÉVENTION DE LA DÉLINQUANCE
Fait nouveau, qui ne figurait pas explicitement dans l’avant-projet de loi ni dans les deux rapports Benisti, l’introduction des dispositions concernant l’Hospitalisation d’office, qui nous ramène directement aux heures les plus sombres de Franco, Mussolini et autres Staline :
– Hospitalisation d’office : les pouvoirs du maire en matière d’hospitalisation d’office sont étendus.
Il ne peut actuellement décider une telle mesure qu’en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes.
– Sortie d’essai : c’est le préfet qui donnera désormais son feu vert à la levée d’une mesure d’hospitalisation (après avis médical), et non plus les seuls médecins concernés.
En cas de sortie d’essai, le maire devra être informé de l’identité du malade, de la date de son retour à l’hôpital et du calendrier de ses visites médicales. (AP)
Voir également, au sujet de la dérive sécuritaire qui se profile dans le domaine psychiatrique cette réaction du Grand Orient de France :
Communiqué au sujet du projet de plan de prévention de la délinquance
Il semble que les pouvoirs publics préparent actuellement un plan de prévention de la délinquance qui prône notamment une détection très précoce des « troubles comportementaux » chez l’enfant, censés annoncer un parcours vers la délinquance. Dans ce contexte la récente expertise de l’INSERM, qui préconise le dépistage du « trouble des conduites » chez l’enfant dès le plus jeune âge, prend un relief tout particulier.
Les professionnels sont ainsi invités à repérer des facteurs de risque liés au tempérament et à la personnalité. Pour exemple sont évoqués à propos de jeunes enfants « des traits de caractère tels que la froideur affective, la tendance à la manipulation, le cynisme » et la notion « d’héritabilité (génétique) du trouble des conduites ». Le rapport insiste sur le dépistage à 36 mois des signes suivants : « indocilité, hétéro-agressivité, faible contrôle émotionnel, impulsivité, indice de moralité bas », etc. Devant ces symptômes, les enfants dépistés seraient soumis à une batterie de tests élaborés sur la base des théories de neuropsychologie qui permettent de repérer toute déviance à une norme établie selon les critères de la littérature scientifique. Avec une telle approche, les premières bêtises d’enfant risquent d’être interprétés comme l’expression d’une personnalité pathologique qu’il conviendrait de neutraliser par une série de mesures associant rééducation et psychothérapie voire traitements chimiques.
La commission "Ethique et Santé Publique" du Grand Orient de France attire l’attention de tous sur :
– le risque médical de telles pratiques : formatage des comportements, toxicomanies induites, attribution aux structures de soins de la prise en charge de troubles sociaux,
– le risque humain et sociétal, dans un projet que ne désavoueraient pas les eugénistes du 19ème siècle, qui accentue la confusion entre malaise social et souffrance physique, voire maladie héréditaire.
En plein accord avec ses principes humanistes, le Grand Orient de France :
– refuse toute atteinte au développement singulier de l’être humain par une pensée soignante imposée,
– réaffirme que les réponses aux problèmes de comportement se situent le plus souvent dans le domaine éducatif, pédagogique ou social
– dénonce le risque de détournement des pratiques de soins dans le champ psychiatrique à des fins de sécurité ou d’ordre public.
Paris, le 23 mars 2006
Ce projet de loi a été pondu suite à un rapport commandé par Sarkozy a un ami de longue date, Jacques-Alain Bénisti, député UMP du Val-de-Marne (4ème circonscription).
Les deux rapports Benisti, qui ont déjà été largement commentés depuis 2004, sont disponibles ci-dessous en pdf, ainsi que les liens hypertexte vers différentes réactions à ces rapports.
Le pré-rapport est de loin le plus complet ; il a clairement servi de base à cet invraisemblable et immonde projet de loi ; je vous en conseille la lecture : c’est assez édifiant (attention cependant à l’odeur de moisi, assez tenace).
Le rapport final, version "soft", a été expurgé de ses bases "théoriques" délirantes (et très fortement contestées par la plupart des spécialistes de l’éducation et de la santé), et de ses thèses les plus douteuses. Et a été habillé des meilleures intentions du monde (pour un homme de droite voulant se donner un air "social", s’entend)... au moins dans les premières pages ; parce que dès qu’on va au-delà, on retrouve les mêmes thèses, certes mieux présentées, et les innombrables fautes de français en moins, bref rendu plus "acceptables" pour un lecteur (de droite, s’entend toujours) un tant soit peu distrait.
La comparaison des deux versions donne d’ailleurs une assez bonne idée de la manière de déguiser un torchon franchement fascisant en brochure d’information pépère, presque... raffarinée.
A première vue (c’est-à-dire, si l’on se contente de lire l’introduction).
– Le site web de JA BENISTI
– Présentation du rapport d’étape d’avril 2004
– Présentation du rapport définitif d’octobre 2005
Les réactions à ce rapport ne sont pas tendres, voyez plutôt :
http://etudiants-social.ouvaton.org...
http://alternativelibertaire.org/in...
http://histoiresdememoire.org/artic...
http://www.abri.org/antidelation/MO...
http://www.oedipe.org/forum/read.php?6,9149
http://www.afrik.com/article8155.html
http://www.ldh-toulon.net/article.p...
http://demesuredupossible.joueb.com/news/215.shtml
http://www.journal-la-mee.info/SPIP...
http://www.bigbrotherawards.eu.org/...
http://anpag.org/article.php3?id_article=154
http://www.wmaker.net/anas/index.ph...
etc...
Quant à ceux qui osent le critiquer, le dépité rétorque :
"Le pré-rapport sur la prévention de la délinquance, remis le 16 novembre dernier à la demande du Ministre de l’intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales, a entraîné la mobilisation de plusieurs syndicats et mouvements associatifs agissant dans la mouvance libertaire et anarchiste dans la presse et sur Internet ainsi que par quelques manifestations sans grand succès. On n’en attendait pas moins de la part de ce ceux qui n’ont aucun intérêt à voir un gouvernement de droite s’atteler à régler au problème de la délinquance en France."
Sens du dialogue, quand tu nous tiens !
La France, pays des Droits de l’Homme ?...
De plus, ces rapports et le projet de loi qui en découle aujourd’hui, se trouvent en contradiction flagrate avec des textes internationaux auquels la France est liée, et en particulier avec les Principes directeurs des Nations Unies pour la prévention de la délinquance juvénile, adoptés et proclamés par l’Assemblée générale dans sa résolution 45/112 du 14 décembre 1990.
Ce texte est consultable sur le site du Haut-Commissariat des Nations-Unies aux Droits de l’Homme :
En voici les Principes fondamentaux :
1. La prévention de la délinquance juvénile est un élément essentiel de la prévention du crime. En s’adonnant à des activités licites et utiles à la société et en se plaçant à l’égard de celle- ci et de la vie dans une perspective humaniste, les jeunes peuvent acquérir une mentalité non criminogène.
2. Pour que la prévention de la délinquance juvénile porte ses fruits, il faut que la société tout entière assure le développement harmonieux des adolescents en respectant leur personnalité et en favorisant l’épanouissement des jeunes dès la plus tendre enfance.
3. Aux fins de l’interprétation des présents Principes directeurs, il conviendrait d’adopter une orientation axée sur l’enfant. Les jeunes devraient avoir un rôle actif de partenaires dans la société et ne pas être considérés comme de simples objets de mesures de socialisation ou de contrôle.
4. Pour la mise en oeuvre des présents Principes directeurs, tout programme de prévention devrait, conformément aux systèmes juridiques nationaux, être axé sur le bien-être des jeunes dès la petite enfance.
5. Il faudrait reconnaître la nécessité et l’importance d’adopter des politiques de prévention de la délinquance nouvelles ainsi que d’étudier systématiquement et d’élaborer des mesures qui évitent de criminaliser et de pénaliser un comportement qui ne cause pas de dommages graves à l’évolution de l’enfant et ne porte pas préjudice à autrui. Ces politiques et mesures devraient comporter les éléments suivants :
a) Dispositions, en particulier en matière d’éducation, permettant de faire face aux divers besoins des jeunes et de constituer un cadre de soutien assurant le développement personnel de tous les jeunes et particulièrement de ceux qui sont à l’évidence "en danger" ou en état de "risque social" et ont besoin d’une attention et d’une protection spéciales ;
b) Adoption de conceptions et de méthodes spécialement adaptées à la prévention de la délinquance et concrétisées par des textes législatifs, des processus, des institutions, des installations et un réseau de services visant à réduire la motivation, le besoin et les occasions de commettre des infractions et à éliminer les conditions donnant lieu à un tel comportement ;
c) Intervention officielle ayant pour principal objet l’intérêt général du mineur et s’inspirant de la justice et de l’équité ;
d) Protection du bien-être, du développement, des droits et des intérêts de tous les jeunes ;
e) Conscience que le comportement ou la conduite d’un jeune qui n’est pas conforme aux normes et valeurs sociales générales relève souvent du processus de maturation et de croissance et tend à disparaître spontanément chez la plupart des individus avec le passage à l’âge adulte ;
f) Conscience que, d’après l’opinion prédominante des experts, qualifier un jeune de "déviant", de "délinquant" ou de "prédélinquant" contribue souvent au développement chez ce dernier d’un comportement systématiquement répréhensible.
6. Il conviendrait de mettre en place des services et programmes communautaires de prévention de la délinquance juvénile, surtout dans les cas où aucun service de type classique n’a encore été établi, et de n’avoir recours qu’en dernier ressort aux services classiques de contrôle social.
(...)
Bien sûr, ces principes peuvent prêter à de nombreuses interprétations divergentes.
Il est fort probable que nos législateurs aient déjà prévu le coup et se soient prémunis (ou aient tenté de le faire...) contre des recours auprès des organisations internationales compétentes dans le domaine des Droits de l’Homme.
Mais, au moment où la France se réjouit de son élection au Conseil des droits de l’homme de l’ONU, il serait sans doute bon de rappeler à nos dirigeants qu’ils se doivent de respecter, à la lettre, les traités internationaux et les principes de l’ONU, en particulier ceux ayant trait aux droits humains.
Ce n’est sans doute pas le seul point sur lequel la france est en infraction avec ces principes (comme le montrent chaque année les dix à quinze pages du rapport d’Amnesty International consacrés à la France) mais bon, c’est pas une raison !
Citons enfin les Règles des Nations Unies pour la protection des mineurs privés de liberté, dont nous sommes très loin de respecter tous les principes... et dont ce projet de loi s’écarte encore dangereusement.