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Quelques mots sur l’amiante

Publie le vendredi 9 juillet 2010 par Open-Publishing
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De Bernard Gensane

J’ai découvert l’existence de l’amiante en 1962. J’avais quatorze ans, j’étais dans une famille anglaise et, un soir, le père de famille dit : « Asbestos is banned in our country ». Asbestos, asbestos : je pensais à un réfugié républicain espagnol interdit de séjour en Grande-Bretagne. Après de longues explications et la consultation de l’Oxford English Dictionary, je compris que l’amiante (un mot que je ne connaissais pas en français car la discrétion était de rigueur concernant de matériau) était interdite outre-Manche. Asbestos vient directement du grec et signifie « Qui ne peut pas brûler ». Dans ce domaine, comme dans d’autres, les Britanniques étaient en avance sur nous. La France n’a interdit l’amiante qu’en 1996.

Il n’empêche qu’on s’attend à ce que 60000 Grands-Bretons meurent dans les quarante années qui viennent, ce qui porterait à 90000 le nombre total des victimes en 2050. Les Britanniques sont bien plus conscients que nous des drames à venir, au point qu’ils “ célèbrent ” chaque année une Journée du mésothéliome. Les malades et leurs familles doivent serrer les rangs car les pouvoirs publics, les employeurs et les assureurs privés (beaucoup plus influents que chez nous) s’emploient tant qu’ils peuvent à ne pas indemniser les malades ou les familles des décédés.

Comme pour la tabac, il y a des victimes actives (qui ont, autrefois, manipulé de l’amiante) et les victimes passives (comme les universitaires qui ont passé toute leur vie active dans les laboratoires ou les salles de classe de Jussieu). Le nombre de ces victimes ira croissant dans les deux ou trois décennies à venir.

En l’état actuel de la science, le mésothéliome est inguérissable. L’espérance de vie pour une personne affectée est d’un an, dix-huit mois, tout au plus. Le mal s’attaque aux poumons, à la plèvre, au péritoine, au péricarde, trente à quarante ans après exposition. La souffrance est très grande. En 2007, plus de 2000 Britanniques en sont morts.

Les personnes les plus exposées sont les travailleurs du bâtiment, les ouvriers des usines de fibrociment ou de matériaux de friction comme les freins. Sont également concernées des personnes ayant travaillé dans l’isolation ou la fabrication de matériels thermiques.

On évalue outre-Manche qu’un menuisier sur dix né vers 1940 et ayant travaillé dans l’industrie mourra d’un mésothéliome.

Depuis que l’amiante est progressivement interdit dans les pays européens, les travailleurs des pays émergents sont en première ligne : en Inde, au Mexique, au Nigéria etc. L’amiante est importé du Canada. Pour l’instant, ce commerce de mort prospère.

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