Accueil > Quelques vérités sur le projet ITER
Quelques vérités sur le projet ITER
Publie le lundi 19 novembre 2007 par Open-Publishing3 commentaires
Vérités sur le projet ITER
le contexte général
Comme le montre bien l’effervescence qui accompagne le projet ITER, émanant essentiellement des milieux politiques, il ressort que celui-ci est malheureusement politique à 95%.
Cette action politique vise aussi bien le plan local que le niveau national.
Pour la région on fait miroiter des retombées, largement surévaluées, en terme de création d’emplois et de finances.
Sur le plan national plusieurs objectifs sont visés. Il s’agit d’abord de montrer que dans le contexte de la mondialisation la France tient encore une place majeure dans le domaine de la Recherche et de la haute technologie. Dans la mythologie qui entoure cette question on dit que l’on a arraché ITER aux japonais. Alors qu’au contraire, l’accord technique signé à Genève en avril 2005, fait la part belle aux japonais qui dirigeront ITER, y auront une présence scientifique de l’ordre de 20%, se voient attribuer DEMO, le futur vrai prototype industriel de la filière thermonucléaire dite « Tokamak », bénéficieront du financement d’un centre d’études de matériaux, plus de 400 millions d’euros, sur leur site ITER à Rokkasho-Mura.
Il y a aussi, bien évidemment, des objectifs relatifs à la politique énergétique, dont la déficience et l’imprévision sont d’un niveau jamais atteint, afin de faire croire que l’avenir est maîtrisé.
Enfin, toujours dans le cadre de l’accord technique, la France a accepté de doubler sa participation financière. Tandis que la région PACA devra assumer les investissements liés aux aménagements du site, des routes et du port, ainsi que celui de l’édification et du fonctionnement de l’école internationale, dont le budget est en train de dériver allègrement. Soient plusieurs centaines de millions d’euros.
Sur le plan scientifique
Il est notoire que des scientifiques compétents en matière de fusion, à la direction des applications militaires du CEA notamment, ont été très sceptiques, assez tôt, sur le débouché de la fusion thermonucléaire par la filière Tokamak. Aujourd’hui, avec le retour d’expérience des nombreux appareils développés dans le cadre de cette filière et la focalisation sur cette question, le doute s’est assez largement répandu dans la communauté scientifique. Compte tenu du contexte on retiendra bien évidemment, les réserves révélées par la presse japonaise au moment de l’accord technique ITER rapportées par une dépêche AFP du 07/05/2005 : « Enfin, certains scientifiques japonais, comme le prix Nobel de physique 2002 Masatoshi Koshiba, ne sont pas convaincus de l’intérêt du projet ». Même s’il ne fait pas autorité en la matière, on retiendra aussi l’article de Claude Allègre dans l’Express du 30 mai 2005. D’abord parce que la presse nationale et locale, - La Provence, La Marseillaise -, est toujours très complaisante sur cette affaire ITER, et puis parce qu’il y évoque une vraie solution pour demain, les réacteurs de « 4ème génération », - type Super Phénix -, qui devrait faire l’objet d’un programme d’études sérieux à Cadarache.
On pourrait penser que cette attitude critique de la part de scientifiques provient d’une réaction épidermique à la manière également politique dont le volet scientifique lié à ITER est traité.
Ainsi les « records du monde » annoncés sur TORE SUPRA de durée de maintien du plasma, qui ne sont nullement décisifs quant à la viabilité de la voie « Tokamak ».
Il faut aussi se souvenir que l’argumentation pour le JET, installé près d’Oxford dans les années 80, était la même que celle développée aujourd’hui pour ITER, c’est-à-dire l’étape décisive pour la démonstration de la viabilité de la fusion thermonucléaire « Tokamak ». L’objectif du JET était le « Break even », Q=1 soit autant d’énergie produite dans le plasma que de consommée pour chauffer le plasma (environ l’énergie d’un réacteur nucléaire de 1000 Mwe pendant la durée du chauffage). Sans que cette machine à fusion ait déméritée, il faut savoir que cet objectif n’a pas été atteint. Pour ITER l’objectif est Q=10, un régime proche de que l’on appelle l’« ignition », un stade de quasi auto entretien du plasma.
Fondamentalement on se heurte à deux problèmes majeurs.
Un problème de physique. Il s’agit de maîtriser et de limiter les fuites d’énergie du plasma. Turbulence, instabilités, flux de chaleur et de particules, - en particulier les neutrons très énergétiques (14 Mev) qui transportent environ 80% de l’énergie de fusion -, participent aux fuites énergétiques. Pour le dimensionnement d’ITER on postule un effet de taille et un régime très favorable vis-à-vis des instabilités. Tout cela est semi empirique et peut se révéler erroné, ou insuffisant.
Un problème de matériaux. Les flux de chaleur et de particules soumettent les premières parois à des contraintes insupportables. Notamment, les neutrons très énergétiques issus de la réaction de fusion sont très destructeurs pour les structures qu’ils rencontrent. Trouver le ou les matériaux susceptibles de résister aux contraintes générées par cette fusion thermonucléaire est un vrai défi que l’on n’est pas sûr de relever avant longtemps. D’où le centre de recherche matériaux au Japon lié à ITER. Qui, certainement, procurera des retombées diverses et s’avère être une partie très intéressante du projet ITER et que la France aurait été bien inspirée de revendiquer.
Il y a donc là deux éléments majeurs qui empêchent de croire sérieusement à la mise au point industrielle de la technologie de fusion thermonucléaire type Tokamak, au moins avant la fin de ce siècle et même, à vrai dire, la rendent très incertaine.
C’est très loin du discours officiel.
Faut-il pour autant condamner la démarche ?
Non, à condition que le financement ITER ne condamne pas des projets tels que le désenclavement du Val de Durance (actuellement une seule voie ferrée depuis Meyrargues, projet de tunnel vers l’Italie, fin de la liaison autoroutière vers Grenoble …). Et que le budget de la Recherche ne soit pas purement et simplement ponctionné pour financer la part nationale ITER.
Jean-Marie Berniolles
Messages
1. Quelques vérités sur le projet ITER, 19 novembre 2007, 21:36
De bonne lecture. Cordialement . Skapad
1. Quelques vérités sur le projet ITER, 20 novembre 2007, 09:47
oui, merci skapad, effectivement pour une fois on est d’accord une bonne lecture qui explique (tu ne l’auras pas manqué ...) que "la vrai" solution c’est le génération IV !!! soit un réacteur à fission utilisant de l’uranium et du plutonium et de type surgénérateur comme super phenix !!!!
je suis entierement d’accord avec monsieur Berniolles sur ce point seul le génération IV est une solution "a court terme". quand a la fusion je serais plus pondéré que lui, si effectivement certain scientifiques dont De Gennes et le prix nobel japonais, qui loin d’être incompétant ne sont en rien des specialistes de la fusion (De Gennes travaillait sur les cristaux liquides et les polyméres, Masatoshi Koshiba etait astrophysicien) il ne faut pas oublier que de nombreux autres sont d’un avis contraire. on devrait faire un sondage chez les prix nobel ...
donc arretons de dire comme Skapad, ceux qui ont raison sont ceux qui sont d’accord avec moi.
2. Quelques vérités sur le projet ITER, 20 novembre 2007, 20:08
La question d’ITER n’est pas tant dans la possibilité de créer ou non de l’électricité, car les hypothèses les plus optimistes tablent sur des résultats industriels vers 2060 au mieux, hors au vu des échéances, investir ici est une erreur d’éguillage. D’autre solutions demanderaient a etre exploitées.
Ceci dit, bonne lecture ne signifie pas pour autant que je suis en total accord avec les propos. Bonne lecture car les propos tenus sont clairs et méritent a etre diffusés et commentés.
Super Phénix n’est pas non plus une solution envisageable dans les plannings imposés par les changements climatiques, ces technologies ne sont pas au points, si un jour elles l’étaient, les sociétés ne seront toujours pas suffisement démocratiques et je dirais d’une certaine manière :
ADULTES, pour prétendre a utiliser ces produits.
Les potentielles dérives dictatoriales, autocratiques, ultralibérales sur nos émergeantes « addos-démocraties », elles sont et seront pour longtemps, incapables de maitriser ces techniques, tant : du coté financier, de la sécurité,capables d’etre respectueux de l’environnement, et plein de bonnes raisons que j’ai souvent exposées ici.
Skapad