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Régionales : vague rose au 2e tour, Chirac pris pour cible

Publie le dimanche 28 mars 2004 par Open-Publishing

par Hélène Fontanaud

PARIS - La France des régions a presque entièrement viré au rose dimanche et la gauche a aussitôt pris Jacques Chirac pour cible, en affirmant que ce sont les choix politiques et économiques du vainqueur de mai 2002 qui ont été contestés dans les urnes.

A l’issue du second tour des régionales, la gauche devrait se retrouver à la tête de 20 régions métropolitaines sur 22. L’Ile-de-France, région emblématique du combat droite-gauche, reste dirigée par le socialiste Jean-Paul Huchon qui a défait le porte-parole du gouvernement Jean-François Copé, tandis que le Poitou-Charentes, fief du Premier ministre Jean-Pierre Raffarin, tombe aux mains de Ségolène Royal, la compagne du premier secrétaire du Parti socialiste, François Hollande.

Plus surprenant, la région des Pays-de-la-Loire, qui au vu des résultats du premier tour devait rester logiquement sous la direction du ministre UMP des Affaires sociales, François Fillon, a basculé à gauche.

A trois ans des échéances de 2007 - présidentielle et législatives - la gauche totalise en voix entre 48,7% et 49,9%, la droite entre 35,6% et 37,2%.

Deux ans après le choc du 21 avril et l’élimination du socialiste Lionel Jospin au premier tour de la présidentielle, le Front national conserve tout son pouvoir de nuisance électoral, avec 12,9% à 15,7% des voix.

François Fillon, le ministre qui a porté la réforme contestée des retraites, a reconnu que le gouvernement et la majorité de droite avaient subi une "défaite extrêmement grave (...), une sorte de 21 avril à l’envers".

Mais si Jean-Pierre Raffarin a reconnu qu’il fallait "tirer les enseignements nationaux de ces scrutins", il a affirmé que les réformes devaient "se poursuivre".

"Je suis persuadé que les Français ne veulent pas du retour à l’immobilisme. Les réformes doivent se poursuivre, tout simplement parce qu’elles sont nécessaires", a souligné le Premier ministre.

"Telle est à mes yeux l’attente exprimée aujourd’hui par les Françaises et les Français et tel est le sens des réponses qui devront être apportées, sous l’autorité du président de la République", a précisé Jean-Pierre Raffarin, sans se prononcer sur un éventuel remaniement de son équipe et, a fortiori, sur son propre sort politique.

Avant même que le Premier ministre s’exprime, c’est le président de l’UMP, Alain Juppé, proche entre les proches de Jacques Chirac, qui était venu plaider la cause de la réforme.

"La majorité gouvernementale vient de subir un échec grave," a-t-il dit sur France 2, "le peuple de France a voulu exprimer une fort mécontentement et nous devons l’entendre".

"N’AYONS PAS PEUR DE REFORMER !"

Mais, a souligné l’ancien Premier ministre, volant au secours de Jean-Pierre Raffarin, il ne s’agit pas d’"une question de personnes" mais "du projet politique dont la France a besoin".

"Retirer les réformes, comme l’opposition nous le demande déjà, ce serait condamner notre pays à l’immobilisme et donc à la régression", a insisté le député-maire de Bordeaux.

"N’ayons pas peur de réformer notre pays", a lancé en écho le secrétaire général de l’UMP, Philippe Douste-Blazy.

Le Vert Noël Mamère a aussitôt dénoncé l’"autisme" du Premier ministre et de la direction du parti chiraquien.

L’UDF François Bayrou a appelé Jacques Chirac à "tirer les leçons de cette crise de confiance" et à "mettre en place les conditions d’une politique nouvelle" en accompagnant la réforme de l’"esprit de justice".

Quant à François Hollande, rétabli dans son autorité de chef de l’opposition après une victoire historique, il a demandé à Jacques Chirac un "changement d’orientation politique".

Pour lui, la défaite de la droite crée une "situation politique nouvelle" car les Français ont "infligé un désaveu sévère au président de la République qui, en raison même des conditions de son élection, devait veiller au respect scrupuleux du pacte social et du pacte républicain". "Il s’en est écarté", a accusé François Hollande.

Il faisait allusion à la réélection de Jacques Chirac avec 82% des suffrages, dont ceux de la gauche, en mai 2002 face au candidat d’extrême droite Jean-Marie Le Pen.

"Dès lors, la réponse ne peut se trouver dans un remaniement gouvernemental, quelle que soit son ampleur, mais dans un changement profond d’orientation politique", a estimé le dirigeant socialiste. "C’est le chef de l’Etat qui est devant cette responsabilité et lui seul."

"Ce n’est pas la politique du gouvernement, c’est le chef de l’Etat qui, aujourd’hui, est contesté et c’est lui qui doit en tirer les conséquences", a renchéri Dominique Strauss-Kahn (PS).

Pour François Hollande, "la droite doit aujourd’hui renoncer à toute remise en cause des acquis sociaux en matière de sécurité sociale, de droit du travail et de services public". Il a jugé que la politique menée depuis 20 mois par Jean-Pierre Raffarin avait "aggravé les inégalités, accentué les tensions sociales et méprisé les plus faibles".

Il a promis que la gauche ferait le "meilleur usage" de la direction de la grande majorité des régions mais estimé qu’elle avait aussi des "devoirs à accomplir" sur le plan national, dont un "devoir de proposition".

"Le Parti socialiste (...) doit accélérer le rythme. Il doit ouvrir un vaste débat sur son programme", a-t-il dit en faisant allusion aux élections présidentielle et législatives de 2007. "Il s’agit d’un projet qui doit donner à chacun sa chance, ses droits et sa dignité."

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