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Repenser, rassembler, renouveler la gauche

Publie le vendredi 20 juillet 2007 par Open-Publishing
7 commentaires

de Jean Michel Arberet

Repenser, rassembler, renouveler la gauche, telle est la proposition qu’ont présentée quelques membres du Parti socialiste dans une tribune publiée dans le Monde daté du 5 juillet.

La proposition est ambitieuse et semble porteuse d’espoir, cette tribune précisant" La gauche doit être fière de son identité et de ses valeurs. Face à une droite décomplexée, la gauche ne doit pas s’excuser d’être la gauche et doit proposer un projet de société alternatif, crédible et ambitieux".

Certains points mériteraient certes d’être approfondis, notamment la référence à la logique du quinquennat et l’hyperprésidentialisme, en analysant les conséquences à venir ainsi que les modalités de mise en œuvre de la constitution de la Vème République par les présidents successifs, y compris François Mitterand qui ont conduit à la modification constitutionnelle. Mais la principale question n’est pas là.

Dans le début du texte figure une référence à Gramsci sur la crise, moment auquel le monde ancien disparaît tandis que le monde nouveau peine à naître. Cette référence semble de bonne augure pour la suite, même si citer Gramsci ou Guy Debord semble très en vogue. Mais hélas, ensuite les choses de gâtent.

Si, comme les auteurs le précisent dans le premier paragraphe "Cette profonde rénovation doit être un processus maîtrisé, une oeuvre collective, un débat libre" pourquoi évacuer si vite la question du sens du " réformisme assumé et résolument ancré à gauche" et se contenter d’affirmer "Depuis longtemps, les socialistes ont accepté le cadre de l’économie de marché… la concurrence entre la social-démocratie et le socialisme intransigeant semble anachronique, et ne correspondre ni aux réalités ni aux besoins de notre pays."

Refonder la gauche, oui, mais interrogeons nous sur le sens que nous donnons aux mots que nous employons. Qu’est ce que la gauche aujourd’hui ? La gauche peut-elle se contenter de se définir par auto proclamation ou par positionnement par rapport à la droite ?

L’opposition gauche-droite perd de la visibilité et de la crédibilité. Mais pourquoi s’étonner aujourd’hui de l’entrée de Bernard Kouchner dans le gouvernement de François Fillon ? En 1988 il était membre du gouvernement de Michel Rocard a coté de Michel Durafour, Lionel Stoleru, Olivier Stirn tous trois ayant été membres des gouvernements Chirac ou Barre. Ce flou sur la séparation gauche-droite est présent aussi dans ce texte dont les auteurs affirment qu’il est "indispensable de convaincre les électeurs progressistes du centre de nous rejoindre, en s’adressant directement à eux plutôt qu’aux états-majors du MoDem ".

Rassembler la gauche, mais à quel prix ? Ce rassemblement doit-il se construire sur un calcul électoral d’addition de voix d’un premier tour d’une élection présidentielle dominée par l’absence de débats de fonds et la nécessité, l’impératif démocratique, du vote utile ?

Comment définir la gauche, avant d’envisager de la rassembler ? Le monde nouveau peut il se penser avec les mots du monde ancien qui disparait ?

Le parti socialiste revendique 100 ans d’histoire, depuis la création de la SFIO en 1905 qui était née, ne l’oublions pas d’une volonté de rassembler la gauche.

L’assise idéologique de la SFIO est clairement révolutionnaire et marxiste : "un parti de lutte de classe et de révolution" qui ne renonce pas, néanmoins, à "la réalisation des réformes immédiates revendiquées par la classe ouvrière "

Le changement de vocabulaire en un siècle est saisissant. Mais traduit-il un changement de réalité sociale ?

La disparition de la référence à la lutte des classes signifie-t-elle la disparition des classes ou la disparition de la lutte ?

Si les ouvriers sont proportionnellement moins nombreux, de nouvelles "catégories sociales" sont apparues, se sont développées : employés, agent d’encadrement, mais aussi et de plus en plus largement, précaires ou exclus de l’emploi. Ne devons nous pas nous interroger sur les réformes immédiates qu’ils revendiquent et sur celles qu’ils devraient revendiquer ?

Le choix des mots employés n’est pas une question de style, mais correspond à des choix politiques de fonds. Ne pas nommer un concept revient très vite à nier l’existence de la réalité qu’il décrit. Un parti de lutte de classes n’est pas identique à un parti qui "doit permettre aux individus de mieux vivre ensemble dans la société française" comme le propose le texte du 5 juillet.

Certains vont vivre mieux dans la société avec la mise en œuvre des mesures annoncées par Nicolas Sarkozy. Mieux vivre ensemble, certes mais il est impératif de préciser à qui la gauche s’adresse, et qui a besoin dans l’urgence de mieux vivre. Il y a un siècle la réponse était claire la gauche s’adressait au prolétariat pour construire un monde meilleur.

Le prolétariat aurait-il disparu aujourd’hui ?

Refonder la gauche, oui, mais une refondation politique et théorique sur des bases claires.

Jean Michel Arberet Maire adjoint d’Arcueil, partenaire du groupe communiste.

http://jm-arberet.over-blog.com/

Messages

  • Jean Michel

    La question posée à tort et à travers depuis des semaines à savoir " comment refonder la gauche" n’est pas la bonne.

    Les présupposés à cette question n’existent pas.

    Il n’y a notamment , pas de gauche au sens où on semble l’entendre aujourd’hui de "courant de pensée unitaire reposant sur des idées claires et précises qui suscitent une adhésion unanime et qui ne font débat entre aucun membre de ce courant".

    Ce n’est même pas un mouvement unitaire - on le voit bien .

    C’est un paysage politique et axiologique vaste où se rassemblent des groupes plus ou moins proches à l’occasion de moments critiques de l’histoire d’un pays et en vue d’objectifs déterminés.

    E nd’autres termes la gauche , c’est un jardin à l’anglaise bien plus que le jardin à la française que notre identité cartésienne aimerait pouvoir trouver.

    C’est pareil pour la droite d’ailleurs, mais pour la droite pour le moment ,cela ne se voit plus car Sarkozy a tapé pile dans le mille en jouant à fond sur le "culte du chef" français et bourgeois d’une part et d’autre part en éliminant ses rivaux dangereux : tradition gauliste, extrême droite, droite chrétienne, centre droit. Tout le monde est rentré dans le range, de gré, de force ou par la manipulation.

    Revenons en à la gauche : dans ce paysage politique, certaines formations ont des idées communes et d’autres pas, il ya des sous-groupes qui se forment par affinités et aussi en fonction des moments, ce qui peut expliquer le changement des alliances et même, parfois, des valeurs partagées.

    Quel rapport par exemple entre une SFIO et un PC sur les sujets de la colonisation et de la décolonisation ? ou sur celu ide la guerre d’Espagne ? sur celui de la particpation à la guerre ? etc etc ?

    Plus récemment, le PCF partage avec la LCR le communisme. Le PCF ne parage pas l’anticapitalisme avec le PS mais le PCF partage en revanche aussi la participation démocratique avec le PS alors que la LCR rejette ce type d’accord au nom de valeurs révolutionnaires de non-compromission avec les "sociaux traîtres". Le PS le PCF et LCr ont pu se retrouver côte à côte avec les syndicats à une certaine époque . Le PCF a aussi partagé des valeurs de progrès social avec les "antilibéraux de gauche" mais il s’en éloigne dès qu’on aborde la question du capitalisme et beaucoup d’antilibéraux sont plus proches des idées de’antonio negri que du marxisme.

    Bref, on voit bien qu’il n’y a pas de réelle colonne vertébrale commune qui ne souffre aucune discussion, à part sans doute quelques questions sociétales (et encore en creusant on se rendrait compte qu’il n’y’ a pas bcp de fondement idéologique commun à ces questions communes).

    En revanche, il ya une colonne vertébrale commune à tous les communistes, qu’ils soient ou non du PCF, c’est la lutte des classes et l’anticapitalisme, son dépassement ,son abolition, son renversement, etc etc.

    J’ai lu aussi ton papier sur le capitalisme et le rendre plus "social" - tu mets le doigt sur le problème mais je pense que tu le traites incorrectement au final même si il ya des choses intéressantes (notamment je comprends bien ce que tu dis et je suis d’accord avec toi sur le fond sauf que pour moi il ne s’agit surtout pas de dire qu’il faut rendre le apitalisme plus "social" mais qu’il faut permettre aux travailleurs de vivre décemment et d’avoir assez de forces pour renverser le capitalisme... nuance qui me semble importante si on ne veut pas retomber illico dans le piège de la social démocratie PS qui nous a amenés là où nous somems c à d bien bas) .

    Donc, revenons en à nos moutons, non décidément la question n’es pas celle de la refondation de lagauche, c’est évident.

    La refondation de la gauche ne pourra jamais être qu’une conséquence de la rénovation des formations politiques et syndicales qui se situent ou prétendent se situer à gauche de l’échiquier politique et ne saurait être un objectif en soi.

    Le meilleur clivage pour moi entre droit et gauche reste le capitalisme et la position qu’on entend adopter face ou contre ou avec lui...

    Donc, il faut dire les choses clairement si on veut être compris clairement. Que celles et ceux qui se cachent derrière la gauche pour "refaire du collectif unitaire antilibéral" disent qu’ils créent un nouveau parti où ils accueillent tous les "déçs" de tous bords ,et ça ira plus vite.

    C’est sûr que c’est un peu plus compliqué que d’essayer de phagociter une structure déjà existante.

    Ce à quoi on assite actuellement vers le PCf c’est, selon moi, de "l’entrisme" à la puissance mille.

    Il y aura ceux qui sont d’accord et ceux qui ne sont pas d’accord. Je propose ici et là qu’on laisse d’baord les militants du PCF décider en souveraineté et en conscience si ils veulent ou pas se faire "entrer"...

    Pour le reste, les communistes et le PCF ont malgré certains errements, bel et bien identifié qu’ils avaient un travail d’analyse, de réflexion, et de propositions à faire. Et je peux te dire que ici ou là ça réfléchit sérieusement (ce qui ne me semble pas être le cas de toutes les pseudo formations qui nous tournent autour) et que ce n’est pas forcément la partie la plus visible de l’iceberg. Pas la plus "glamour" donc.

    Mais un communiste sait bien comment il se définit et si les autres ne le savent pas, c’est dommage mais ce n’est pas à nous d’en payer les frais :

    Anticapitalistes, internationalistes, pour arriver à une société sans classe, une organisation sociale sans État, fondée sur la possession commune des moyens de production, et qui peut être classée comme une branche du socialisme.

    Non plus « à chacun selon ses moyens" mais "à chacun selon ses besoins ».

    Voilà l’utopie communiste - elle n’a pas changé car le capitalisme n’a pas changé et existe toujours.

    Ceux et celles qui ne veulent plus de cela ne sont tout simplement plus communistes - c’est leur droit absolu mais nous ne sommes pas obligés de partager ce point de vue, n’est-ce-pas ?

    Fraternellement à toi,

    La Louve

    • Merci LA Louve

      C’est la classe !!! D’un bout à l’autre.

      Merci de ta fermeté sereine, de la justesse et de la clarté de ton analyse.

      ça fait du bien de se réapproprier le plus naturellement, le plus tranquillement du monde et aux yeux de tous le SENS et l’UTILITE de notre engagement de COMMUNISTE et la NOBLESSE de notre BUT, que nous avions fini par refouler plus ou moins, ô combien douloureusement au fond de nous, comme un rêve d’enfant, insensé et inutile.

      Il n’y a rien à rajouter. C’est ça qu’il fallait dire.

      Je t’embrasse très fort

      Maguy

    • " A chacun selon ses besoins"...Fort bien , mais cela ne signifie pas grand chose.
      Même dans des conditions strictement semblables, les individus auront des besoins fort différents tant en quantité qu’en qualité.On ne peut guère fonder une politique sur des principes aussi vagues.
      Idem pour le rejet de la première partie de la formule " A chacun selon ses moyens". De quels "moyens" parle -t-on exactement ? De ceux qui lui ont été donnés par le hasard (par ex. l’intelligence), par le travail et le mérite (la place dans la hiérarchie sociale) ?
      La gauche aura quelques chances de gagner la bataille idéologique contre la droite lorsqu’elle saura enfin reconnaître (la nature humaine étant ainsi faite) que chaque individu exige de "recevoir" également en proportion de ses "moyens" (même si c’est de manière mesurée et équilibrée).

    • Petite erreur la Louve.Le terme exact est :"a chacun selon ses besoins,de chacun selon ses moyens".

      En clair chacun reçoit en fonction de ses besoins généraux,toit,nourriture,culture,éducation ect..et donne en fonctions de ses moyens intellectuels,physiques.

      Le collectif donne à l’individu les moyens de son dévelloppement personnel,et l’individu donne au collectif les moyens de réaliser ses objectifs en fonction de ses moyens.

      J’espére que cela répond aussi au camarade plus loin.Avant de rentrer dans le détail encore faut-il être d’accord sur les principes de base:qu’est-ce que le communisme ?

      Jean Claude des Landes

  • Tous ceux qui ont voulu construire un paradis sur terre, on en fait un enfer car non désiré par l’élément central : l’humain. Pensez-y avant de prendre une décision pour les autres....
    Le louveteau

  • beaucoup de bavardage pour pas grand chose !! voire pour de la poudre aux yeux ( ah ! sacré PC !)

    c’est ça la "gauche" , mr Arberet , vous la représentez bien , discutez avec la Louve , elle vous apprendras au moins à écrire , et à lire .....

    fils spirituels de la Louve et de Spinoza