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Retour sur la lutte des Panthères noires. Portrait de Mumia Abu-Jamal

Publie le vendredi 24 décembre 2004 par Open-Publishing
1 commentaire


de Schofield Coryell

Ce livre se détache dans la vénérable liste des écrits produits au fond des prisons par des gens punis pour leurs idées et leur engagement politique. Œuvre à la fois autobiographique et sociologique, il raconte les hauts et les bas d’un militant noir, jeune et intransigeant, à travers son expérience dans le "Parti des Panthères noires pour l’autodéfense", qui était pour lui l’instrument de son salut personnel et celui de son "peuple" (1).

Mumia Abu-Jamal (né Wesley Cook), qui n’avait que 17 ans lorsqu’il a commencé à militer, se trouve derrière les barreaux depuis vingt-deux ans pour un crime que lui ont attribué des forces de police qui le détestaient et le craignaient.

Cet ouvrage, écrit avec un calme surprenant et une grande exactitude dans les détails, souvent personnels et vivants, a été composé dans les couloirs de la mort de Pennsylvanie. C’est dans la ville portuaire d’Oakland (Californie) qu’est né en 1966 le parti des Panthères noires, avec l’ambition d’être l’antithèse des Etats-Unis, « nation construite sur le génocide et l’esclavage ». Dans les ghettos des grandes villes, c’était surtout le problème de la brutalité policière - avec son cortège de blessés et de morts - qui marquait la vie quotidienne de la population noire. Deux jeunes Noirs, Bobby Seale et Huey Newton, venus du Sud et évoluant dans les ghettos californiens, tout en poursuivant des études dans l’université de l’Etat, osaient mettre en œuvre un système nouveau et inouï de « surveillance du comportement de la police » dans les quartiers noirs. Ainsi, exerçant leur droit - inscrit dans la Constitution des Etats-Unis - de porter des armes, les militants des Panthères, avec leurs fusils et leurs pistolets bien en évidence, encerclaient les policiers dans les rues, les observaient attentivement, les questionnaient parfois sur leurs activités et leurs intentions.

Les pratiques novatrices des Panthères réussirent à attirer la sympathie et à provoquer l’admiration de la population des quartiers noirs des villes du Nord. Malgré les nombreuses victimes, l’organisation n’a cessé de croître et de se répandre à travers le pays à pas de géant, à la fin des années 1960 et au début de la décennie suivante. Mumia explique que le parti a mis en œuvre un programme au « service de la communauté » : petit déjeuners gratuits pour les enfants noirs, usines « autogérées » de fabrication de chaussures, distribution gratuite de vêtements aux déshérités. Ce service social, largement occulté par les médias, procédait d’une attitude et d’une philosophie très différentes du christianisme social pratiqué, avec un courage énorme et une persévérance à toute épreuve, par Martin Luther King dans un Sud profond marqué à jamais par l’esclavage.

« Le parti ne croyait pas au mérite de la “non-résistance”, écrit Mumia. Il ne préconisait pas la “non-violence”, mais pratiquait le droit humain d’autodéfense. Son orientation était clairement socialiste et visait la création, après un plébiscite, d’un Etat-nation noir, indépendant et révolutionnaire. » La naissance des Panthères devait beaucoup aux idées du grand orateur et agitateur noir Malcolm X (assassiné en 1965), aux écrits du célèbre psychiatre antillais engagé aux côtés de la révolution algérienne Franz Fanon, ainsi qu’au « Petit Livre rouge » des citations de Mao Zedong. Abu-Jamal met l’accent sur les multiples combats héroïques, le plus souvent noyés dans le sang, des opprimés de l’histoire américaine : les Indiens, puis les esclaves noirs dans les plantations du Sud.

Dans l’avant-propos, Katherine Cleaver - ancienne « responsable des communications » des Panthères - souligne la cause principale de la disparition de ce parti si prometteur : une répression policière impitoyable et multiforme. L’esprit des Panthères n’est pas mort : dans un chapitre impressionnant, Abu- Jamal décrit les multiples petits groupements qui partagent la philosophie ou les idées de ce mouvement extraordinaire.

(1) Mumia Abu-Jamal, We Want Freedom, A Life in the Black Panther Party, préface de Kathleen Cleaver, South End Press, Cambridge, Massachusetts, 2004, 292 pages, 18 dollars.

http://www.monde-diplomatique.fr/2004/10/CORYELL/11553

Messages

  • Libérez Mummia !
    ... Mais en même temps force est de dire que l’expérience des Black Panthers est très négative.
    "La cause principale de leur disparition a été la répression policière" est-il dit. Oui, sauf que les Panthers ont grandement facilité la répression par leur aventurisme ("time has come to pick up the gun" et autres mots d’ordre ronflants mais totalement irréalistes et irresponsables), leur isolement délibéré et leur refus d’alliance avec d’autres mouvements dès lors qu’ils étaient blancs.
    S’il y a bien un exemple à ne pas suivre c’est celui-là ! Les Panthers sont tombés à pieds joints dans le piège que leur tendaient Nixon, le gouverneur Reagan et autres. Le mouvement des noirs américains ne s’en jamais vraiment remis.