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de Enrico Campofreda traduit de l’italien par karl et rosa
Parmi les jeunes réalisateurs italiens qui narrent d’une manière essentielle, et pas moins artistique pour autant, Francesco Munzi s’est signalé à la 61ème Mostra du Cinéma de Venise avec un premier ouvrage dense et engagé, dont la dénonciation sociale ne représente pas la seule valeur. Il se sert de la caméra avec bravoure et passion et il transmet sur l’écran des sentiments palpables. En présentant les douleurs de Saimir, un adolescent albanais immigré en Italie, il entre dans les replis de l’éternelle dissension entre les pères et leurs enfants caractérisés par des rapports de pouvoir, il examine la mentalité machiste avec toute la suprématie du sujet dominant et le malaise de l’adolescence qui cherche à affirmer son individualité.
Il met en évidence la façon dont le sens de justice jaillit d’un choix subjectif, libre de toute influence du milieu de provenance, puisque la marginalisation et la dégradation où il vit n’empêchent pas Samir de l’activer, en même temps que le courage avec lequel il affronte les incertitudes de la vie dans un environnement hostile, non seulement à cause des conditions économiques, mais aussi parce que ce monde lui est étranger et l’exclue.
Donc, la vie de Saimir est dure, l’Eldorado italique se révèle bien différent des rêves et des désirs : il suffit à peine pour survivre aux marges de la légalité. Cela aussi parce que Edmond, le père, reproduit le schéma éducatif archaïque basé sur beaucoup de menaces et peu de flatteries. Saimir, qui travaille avec son père et devient un jeune homme, est à l’étroit dans tout cela. Il a de nouveaux besoins, il voudrait de l’argent et il dépend, au contraire, des largesses paternelles, puisque c’est son père qui encaisse les euros de chaque transport de clandestins entre la Mer Adriatique et la Mer Tyrrhénienne. Par de telles initiatives il espère se mettre à son compte et refaire sa vie en épousant Simona, une Italienne qui s’est mise avec lui, resté veuf. Saimir désapprouve et entre en conflit avec Edmond, à cause aussi de valeurs précises auxquelles il croit sans ambiguïté : le sens de la justice, par exemple, qui provoque sa rébellion à l’autoritarisme paternel et à toute vexation.
Saimir n’est pas à l’aise avec les compatriotes aux gains louches, provenant de la drogue et de la prostitution. Il ne veut pas vivre sa pulsion sexuelle, qui entre, irrésistible, dans sa jeune vie, aux côtés de complaisantes prostituées. Naïvement et d’une façon tout à fait naturelle, comme le ferait n’importe quel garçon de seize ans, il s’approche de Michela, une lycéenne qui, en séchant l’école, est allée à la plage avec ses copains. Entre les deux, il y a de la sympathie et aucun racisme : ils se sourient, ils se parlent, ils se revoient encore. Il se baignent hors saison, Michela meurt de froid, Saimir lui donne son pull et est déjà en train de tomber amoureux. La fille le sent. Mais quand, à une nouvelle rencontre, il la conduit dans une ferme en ruine pour lui donner un coûteux collier en or, Michela recule effrayée. Elle se sent déplacée et s’enfuit en faisant du stop. C’est un refus que Saimir ne peut pas accepter, en tant que homme et en tant qu’immigré et puis il avale déjà tellement de choses amères de son père... C’est pourquoi il fait irruption dans la classe de la jeune fille pour lui hurler sont dégoût et sa colère à cause de l’abandon essuyé. "Je suis de la merde, moi ? Eh ! je suis de la merde ?". Michela est sidérée.
D’une possible intégration dans les rapports humains et sociaux, Saimir est facilement projeté vers une condition border line ou ouvertement illégale. Quand son père lui refuse une forte somme, il suit un groupe de jeunes Rom qui s’adonnent au vol. Le groupe, entre le surréel et le naïf, fait irruption dans une riche demeure en rappelant plutôt les gitans de Kusturica, romantiques et sonnés, que les jeunes violents d’Orange mécanique. Mais le visage du vol n’est qu’un des deux visages - paradoxalement le plus noble - de l’illégalité immigrée. La condition d’une fille de quinze ans qu’Edmond et son fils transportent une nuit dans leur fourgon est bien différente. Elle pense aller à Milan et ne sait pas que son pseudo fiancé l’a vendue à une bande de voyous. Saimir comprend la louche affaire et essaye de se rebeller, son père le bouscule durement. Il médite sa vengeance.
Il revient à sa maison prison, revoit la fille et s’aperçoit qu’elle a été sauvagement battue. Il la caresse, la réconforte mais entre temps ses bourreaux, prévenus par d’autres prostitués, lui tombent sur le dos et le balafrent "Seulement parce que c’est ton fils" diront-ils à Edmond, qui est allé le récupérer. Mais Saimir ne veut rien savoir, entre lui et son père la fracture est définitive et le jeune homme, en se présentant aux carabiniers, dénonce tout le monde, y compris Edmond. Une fois Ce cordon de dépendance-soumission rompu, il devra maintenant continuer à marcher seul, peut-être dans l’incertitude, mais conscient de la force de ce sens de justice auquel il croit fermement.
Un film de : Francesco Munzi
Sujet et scénario : Francesco Munzi, Serena Brugnolo, Dino Gentili
Directeur de la photo : Vladan Radovic
Montage : Roberto Missiroli.
Avec : Michel Manoku, Xhevdet Feri, Lavinia Guglielman, Anna Ferruzzo
Musique originale : Giuliano Taviani
Production : Daniele Mazzocca, Gianluca Arcopinto.
Origine : Italie, 2004 Durée : 88 minutes.