Accueil > SINAI : les racines de la haine
de MICHELE GIORGIO
Ces dernières heures, les revendications des attentats de jeudi soir au Sinaï se
sont multipliées. La première a été celle du Gamaa Al-Islamiyya Al-Alamiyya,
puis est arrivée celle des Brigades islamistes du Tawhid et pour finir les Brigades
du martyr Abdullah Azzam. Autant de noms pour, peut-être, une unique organisation
qui, selon toute probabilité, fait partie de Al Qaeda, désormais copyright d’une
série de groupes de plus en plus nombreuse. Beaucoup de monde en est convaincu
mais pour le moment l’unique certitude est que la question palestinienne laissée à l’indifférence
du monde - même les 100 morts, dont des civils innocents et des enfants, causés
par l’offensive israélienne à Gaza n’ont pas servi à secouer l’opinion publique
internationale - risque de grimper au premier rang de l’agenda des formations
panislamistes les plus radicales. Même au détriment des groupes armés palestiniens
comme le Hamas et le Jihad qui se sont empressés hier de se déclarer étrangers
aux massacres du Sinaï.
Un silence mondial très grave qui contribue à précipiter dans les bras d’ Ousama Ben Laden beaucoup d’Arabes et de Palestiniens. « Les groupes jihadistes continueront à croître et à trouver de nouveaux adeptes si la situation internationale reste la même et si la politique des gouvernements occidentaux face à ce phénomène ne change pas », nous a dit le spécialiste des mouvements islamistes radicaux Diaa Rashwan, du Centre des études stratégiques du Caire. Bashwan a répété que le croissance de ces groupes « est étroitement liée à ce qui se passe en Palestine, en Afghanistan et en Irak, des questions qui poussent de plus en plus de musulmans à devenir des moudjahidin ». Rashwan et d’autres spécialistes soulignent la façon dont les attentats de jeudi sont un double succès pour leurs organisateurs : d’un côté ils ont visé les citoyens d’Israël, état « ennemi » et de l’autre infligé un coup dur à l’industrie du tourisme égyptienne.
Mettre à genoux l’économie, dans le but d’abattre le régime de Moubarak a été pendant des années l’objectif du Gamaa Islamiyya, l’organisation issue des cendres du Jihad islamique démantelé par la police secrète égyptienne après la mort du président Sadat en 1981. C’est la raison pour laquelle la revendication de la Gamaa Al-Islamiyya al-Alamiyya semble plus crédible que les autres. Derrière ce sigle, il pourrait y avoir des militants sortis de l’organisation originaire et décidés à s’unir au dit réseau de Al Qaeda. Gamaa Al-Islamiyya, après avoir réalisé le sanguinaire attentat de Louxor en 1977 qui entraîna la mort de 58 touristes étrangers avait proclamé une trêve à durée indéterminée. Selon des informations qui ont circulé ces derniers mois, des positions contrastées sur les stratégies futures se sont fait jour à l’intérieur du groupe, en grande partie emprisonné et décimé par les services de sécurité égyptiens et un nombre non négligeable de militants se seraient déclarés favorables à reprendre la lutte armée contre Moubarak et les Usa.
Selon toute probabilité, ceux-ci ont abandonné la place forte de leur mouvement - une tranche de territoire d’environ 400 kilomètres, en Haute Egypte, comprise entre El Minya (240 km au Sud du Caire) et Qena, au Nord de Louxor - et ont étendu leur rayon d’action. Il ne faut pas oublier par ailleurs que le « numéro deux » de Al Qaeda, le chirurgien Ayman Zawahri, est égyptien et qu’il a joué un rôle central dans la fondation et dans le développement du Jihad islamique. « Cette zone est une zone de résistance de la nation musulmane - a dit Zawahri dans un enregistrement vidéo parvenu le 1er octobre à la chaîne de télévision Al Jazeera - depuis que ses gouvernements nous ont trahis et se sont agenouillés devant les croisés ». Zawahri a fait référence au peuple palestinien et à la nécessité d’en défendre les intérêts. Des mots qui auraient dû pousser les gouvernements occidentaux et arabes à considérer comme prioritaire la question palestinienne et à travailler à sa solution, également dans le but de la soustraire aux extrémistes islamistes.
Il Manifesto, 9 octobre 2004
Traduit de l’italien par Karl et Rosa - Bellaciao