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SOUS LE CHOC D’UNE GUERRE entre gendarmes et ravers

Publie le mardi 22 juillet 2003 par Open-Publishing

En centre Bretagne, Le Faouët dresse le bilan des affrontements de samedi et
tente de s’expliquer.

Par Philippe BROCHEN
mardi 22 juillet 2003

Le Faouët (Morbihan) envoyé spécial

Une inscription « Sarko facho » taguée sur un panneau à la sortie du Faouët,
des jardins et des talus roussis à l’essence, quelques tas d’objets
incendiés : deux jours plus tard, ce sont les restes de la rave qui a viré
au cauchemar, dans la nuit de vendredi à samedi. Avec nombre
d’interrogations sur la responsabilité des affrontements. Et des
traumatismes dans la tête des habitants de cette communette du centre de la
Bretagne (2 900 habitants).

Cul-de-sac. 14 heures, hier. Brigitte Lalinec et ses parents de 80 et 75 ans
sont encore hantés par cette « nuit d’enfer ». Et « pour toujours », disent-ils.
Enfin, surtout Brigitte. Ses parents, prostrés dans un divan, ne parlent
plus et attendent le médecin. « Les ravers car c’est bien comme ça qu’on
les appelle, hein ? ont commencé à arriver vendredi dans l’après-midi, se
rappelle Brigitte. Puis, vers 21 heures, ils étaient de plus en plus
nombreux à rejoindre la chapelle Sainte-Barbe. » Sur ce plateau en
cul-de-sac, les organisateurs du teknival interdit ils n’avaient pas
déposé de demande en préfecture comme l’exige la loi Sarkozy avaient
décidé de poser leurs sound systems. Du moins ceux qui parviendraient à
éviter les dizaines de barrages routiers (1 000 gendarmes avaient été
spécialement déployés). « CRS et gendarmes mobiles ont bloqué la route
d’accès au site vendredi vers 23 h 30. Quand les jeunes qui étaient déjà
installés à la chapelle l’ont appris, ils sont venus rejoindre ceux qui
arrivaient pour les aider à passer. »

Il est minuit et la bataille rangée débute sous les balcons des riverains.
Une « véritable guerre », selon l’expression d’un teufeur. « Certains jeunes
sont alors entrés dans les maisons. Ils ont pris de l’huile, de l’essence et
ont fabriqué des cocktails Molotov, avant de les jeter sur les gendarmes
mobiles. » Des jardins sont dévastés, des poulets tués dans leur enclos. Six
maisons seront « vandalisées ». « Ils n’étaient pas agressifs physiquement avec
nous, rapporte un autre riverain. Ils ne s’en sont pris qu’aux biens et aux
gendarmes. » L’affrontement durera jusqu’à 6 heures, samedi, quand les forces
de l’ordre, « pour calmer le jeu », cesseront leurs lancers de grenades
offensives et lacrymogènes, et décideront de lever leur barrage d’accès au
site. Le bilan est sévère : 26 blessés chez les technoïdes (dont un amputé
d’une main), trois côté gendarmerie.

Autoradios. Qui a lancé les hostilités ? Difficile de le savoir. « On a
entendu des ravers dire : "On va se faire du bleu", se souvient Brigitte.
Ils ne sont pas tous méchants. Il y en a qui ont aidé mes parents totalement
choqués et qui se disaient désolés par la tournure des événements. » Un autre
riverain, qui a déposé une pancarte « Merci Mme la préfète » devant chez lui,
estime que « si la route n’avait pas été bloquée par les gendarmes, il n’y
aurait pas eu d’affrontements ». Les journées de samedi et dimanche se sont
déroulées sans encombre, au son des autoradios (une trentaine de sound
systems ont été saisis durant les trois jours), en présence (au plus fort)
de près de 10 000 teufeurs venus de toute la France. Vers 17 heures
dimanche, ils étaient 1 000 sur le site. Hier matin, 500 irréductibles
restaient, qui avaient bravé l’averse de la nuit.

A 15 h 30, Elisabeth Allaire, préfète du Morbihan, lance l’évacuation du
plateau. L’opération se déroule dans le calme. Les teufeurs reprennent la
route en ribambelle, avec chiens et sacs à dos. Certains, comme ces trois
jeunes Bretons de 16, 17 et 19 ans, disent leur « écoeurement ». « C’est
absurde de la part de l’Etat de nous avoir refusé un site. Car plus on nous
enferme, plus on se révolte. » D’autres poursuivent leur ligne délibérément
provocatrice à l’égard des riverains « Ça va pas, madame ? » ou avec les
gendarmes mobiles assis à l’arrière d’un bus « On peut vous lancer des
cacahuètes ? »

Bigotes. 17 heures. Sur le plateau totalement évacué, la préfète n’a « aucun
regret ». Certaine d’avoir fait le bon choix en interdisant le teknival et en
coupant l’accès au site à une majorité de teufeurs. « 40 000 personnes
étaient attendues. On a bien fait d’empêcher un regroupement trop important.
Il faut que les organisateurs de raves s’organisent un minimum. » Dans son
bar de la Chapelle, Georges Prat, également gardien du lieu de culte, pense
différemment : « Je suis resté avec eux les trois jours. Ils ne m’ont jamais
embêté et ils ont respecté le site. C’est plus propre qu’après les bigotes
le jour du pardon. ».