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Sabiha Ahmine : 17 octobre à Lyon, souviens toi

Publie le mardi 2 novembre 2010 par Open-Publishing
3 commentaires

Intervention de Sabiha Ahmine : 

Le silence autour du 17 octobre est une sorte d’effacement de notre mémoire commune

C’est pourquoi, nous avions fait en sorte, qu’entre 2001 et 2007, quand j’étais adjointe au maire de Lyon, de commémorer officiellement, avec la société civile, avec les démocrates et républicains de notre ville, les massacres du 17 octobre 1961.

Il s’agit pour nous d’un hommage citoyen et républicain, un engagement républicain clair pour défendre la mémoire et la dignité de ces dizaines de milliers de travailleurs algériens et leurs familles, qui étaient surtout et avant tout des citoyens français, suite à la constitution de 1958, et qui manifestaient pacifiquement à Paris contre le couvre-feu raciste qui leur était imposé.

Leur seule faute était de défendre leur droit à l’égalité, à l’indépendance et le droit des peuples colonisés à l’autodétermination.

Tous les historiens reconnaissent que l’action des forces de l’ordre que dirigeait M. Papon fut d’une extrême violence. Pour la comprendre, il faut remonter beaucoup plus loin, en amont, et étudier les méthodes répressives, forgées en Algérie et dans d’autres contextes coloniaux, avant leur application en région parisienne.

L’historien anglais Jim House, un des rares spécialistes mondiaux de cet événement, que nous avons invité en 2006 au CHRD, Centre d’histoire de la Résistance et de la déportation de Lyon, dont j’étais la présidente, nous a démontré comment le silence autour du 17 octobre fût orchestré :

Ainsi, la disparition rapide de la visibilité de cette répression, dès novembre 1961, de notre mémoire commune, fait partie d’une interrogation plus large qui touche aux stratégies mémorielles institutionnelles. Il s’agit d’un effacement programmé d’une mémoire interdite.

M. House explique dans ses travaux comment des manifestants, témoins de l’événement, ont été obligés pendant longtemps « de garder le silence dans un contexte politique, social et culturel peu propice à la prise de parole publique, voire à la transmission familiale, avant que d’autres générations ne se réapproprient cet événement qui va "renaître" dans les années 1980 dans un tout autre contexte ».

Mais jusqu’à présent, il n’y a toujours pas de véritable prise de conscience républicaine de l’ampleur de ce drame colonialiste, de son impact sur la jeunesse.

C’est pourquoi, il est urgent de faire de la reconnaissance et du partage de l’ensemble des mémoires de toutes les populations vivant sur notre sol, une des prérogatives de notre combat contre les discriminations.

Aujourd’hui, c’est au nom des valeurs de la République, que nous demandons reconnaissance et justice pour les familles de ces victimes, qui furent tués par des policiers relevant de l’autorité publique de l’État français, et dont une majorité avaient donné le meilleurs d’eux même pour la libération de notre pays de la barbarie nazie en 1945.

C’est surtout pour défendre les valeurs de la républiques aux quelles nous sommes et nous restons profondément attachés que nous voulons rompre cet inexplicable silence officiel qui occulte notre devoir de mémoire et discrédite, aux yeux de la jeunesse, notre conception de la République ?

Messages

  • Je vous invite surtout à prendre connaissance de cette déclaration de Pierre Bourdieu, faite au colloque "17 et 18 octobre 1961, massacres d’Algériens sur ordonnance ?" Et reproduite dans l’ouvrage Le 17 octobre 1961, un crime d’État à Paris, Paris, éditions La Dispute, septembre 2001 :

    "J’ai maintes fois souhaité que la honte d’avoir été le témoin impuissant d’une violence d’État haineuse et organisée puisse se transformer en honte collective. Je voudrais aujourd’hui que le souvenir des crimes monstrueux du 17 octobre 1961, sorte de concentré de toutes les horreurs de la guerre d’Algérie, soit inscrit sur une stèle, en un haut lieu de toutes les villes de France, et aussi, à côté du portrait du Président de la République, dans tous les édifices publics, Mairies, Commissariats, Palais de justice, Écoles, à titre de mise en garde solennelle contre toute rechute dans la barbarie raciste."

  • je voudrait signale que c’est ne pas une "conmemoration" !c’est un devoir de me-
    moire !! les deux choses son tres difrerents.