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Sans leadership ni programme, le PS peine à se faire entendre

Publie le mardi 9 octobre 2007 par Open-Publishing

de Jean-Michel Normand

Cinq mois après l’élection de Nicolas Sarkozy à la présidence de la République, les socialistes n’ont pas digéré leur défaite et l’amer sentiment d’avoir été battus sur leur propre terrain, celui du travail. En dépit du score "honorable" réalisé lors des élections législatives - le groupe socialiste et apparentés a gagné 54 élus - le PS n’est pas aujourd’hui en état de se poser en leader incontesté de l’opposition. Certes, ses dirigeants ne sont pas restés inactifs, sonnant la charge contre le gouvernement sur nombre de dossiers, du "paquet fiscal" à l’affaire des délits d’initiés au sein d’EADS. Pourtant, le PS est difficilement audible, car il "n’est pas au clair" - rue de Solférino, l’expression est sur presque toutes les lèvres - sur au moins quatre grands domaines.

Résultat parfois baroque d’un compromis entre les intuitions de Ségolène Royal et le programme du parti, guère renouvelé depuis les années Jospin, le projet présidentiel pouvait difficilement trouver un second souffle après la défaite. En quête de rénovation, voire de refondation, le PS - qui envisage de réécrire jusqu’à la déclaration de principes inscrite dans ses statuts - n’est pas en mesure de formuler des contre-propositions fédératrices. De la politique de l’immigration à l’importance qu’il conviendrait d’accorder à l’énergie nucléaire, en passant par la réduction du temps de travail ou la construction européenne, il n’est pas toujours aisé de savoir ce qu’il préconise.

"SOCIAL-DÉMOCRATIE D’ÉLUS"

Au PS, où l’heure est davantage à l’introspection qu’à la mobilisation générale contre le gouvernement, on s’interroge sur la stratégie de retour au pouvoir, sans pouvoir encore y apporter de réponse. Hégémonique au sein d’une gauche affaiblie, le PS caresse à voix basse le projet de devenir "le grand parti de toute la gauche" en mesure de fédérer un tiers de l’électorat, comme les grandes organisations sociales-démocrates européennes. Encore faudrait-il être en situation d’impulser une dynamique capable d’attirer en son sein de nouveaux venus, issus de l’ex-gauche plurielle... Si l’idée d’un rapprochement avec les centristes "non sarkozystes" ne choque plus grand monde au PS, celle-ci se heurte aux alliances à géométrie variable envisagées par le MoDem et à l’impossibilité, pour l’heure, de mesurer précisément l’impact électoral local du parti de François Bayrou. Faute d’y voir clair, la direction du PS privilégie le rassemblement à gauche pour les prochaines élections.

Les socialistes souffrent aussi d’un déficit d’incarnation. S’il tient solidement les rênes de l’attelage socialiste, François Hollande, qui passera la main lors du congrès de 2008 doit faire avec un trop-plein de candidats potentiels à sa succession. Ségolène Royal, dont la stratégie reste floue, Bertrand Delanoë, héritier présumé du courant Jospin dont la "surface" à l’intérieur du parti reste à définir, mais aussi des outsiders tels que Pierre Moscovici, Manuel Valls, Vincent Peillon ou François Rebsamen. En fait, aucune personnalité ne s’est encore imposée pour conduire la rénovation du PS.

Enfin, même s’ils estiment qu’une poursuite de la politique d’ouverture de Nicolas Sarkozy créerait davantage de dégâts à l’UMP que dans leurs propres rangs, les socialistes peinent aussi à s’adapter au style du nouveau président de la République. Ils n’ont pas encore trouvé la parade à sa façon de passer d’un sujet à l’autre ou de prendre appui sur des faits divers. "Nous devons aller au-delà de la dénonciation et être capables d’opposer de la perspective à l’immédiateté et de mettre de la rationalité là où Nicolas Sarkozy met de l’émotion" résume M. Hollande.

De facto, tout se passe comme si le PS, qui se définit parfois comme une "social-démocratie d’élus", se donnait jusqu’aux élections municipales et cantonales de mars 2008 pour rebondir. Les dirigeants socialistes, qui ne cessent de répéter que les scrutins du printemps seront suivis d’un plan d’austérité préparé par le gouvernement, comptent sur ces échéances pour souder leurs troupes et se donner une nouvelle légitimité auprès des Français. Autant dire que, pour eux, un revers électoral serait catastrophique.

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