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Sarkozy adopte la révolution sociale-libérale proposée par Attali

Publie le jeudi 24 janvier 2008 par Open-Publishing
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Sarkozy adopte la révolution sociale-libérale proposée par Attali

FRANCE. Le président promet d’appliquer en « très grande partie » le rapport remis par l’ancien conseiller de François Mitterrand. De vives oppositions sont à prévoir.

Sylvain Besson, Paris
Jeudi 24 janvier 2008

« Votre Majesté... » : Nicolas Sarkozy a souri lorsque Jacques Attali s’est adressé à lui, mercredi, sous la verrière de l’Elysée. L’ancien conseiller de François Mitterrand citait une lettre de Turgot, ministre libéral de Louis XVI, qui exhortait le souverain à combattre « la foule des préjugés qui s’opposent à toute réforme ». Assisté d’une brochette d’experts et de grands patrons, Jacques Attali a présenté au président 316 propositions qui visent à sortir l’Hexagone du marasme des dernières années : croissance molle, salaires bas, chômage élevé.

Institutions « fossilisées »

La France de 1774 - année où Turgot écrivit sa lettre - offre quelques parallèles avec celle d’aujourd’hui : des finances publiques déficitaires, des impôts excessifs, le conservatisme de castes privilégiées. La France, affirme le rapport remis par Jacques Attali, « reste très largement une société de connivence et de privilèges » où « tout est contrôlé dans un climat de méfiance générale ». Victime d’institutions « fossilisées », le pays est menacé de « déclassement » et ses citoyens de « prolétarisation ».

Quelques chiffres appuient cette analyse : la croissance moyenne depuis l’an 2000 n’est que de 1,7% ; les élèves français lisent moins bien que les Russes ; 17% des jeunes sortent de l’école sans diplôme et 45% de la population n’utilise jamais Internet.

Que faire ? Le rapport propose trois types de mesures. Certaines sont consensuelles : favoriser l’apprentissage de l’anglais ; permettre l’accès de tous à l’Internet à haut débit ; favoriser les énergies renouvelables. D’autres ont déjà été adoptées ou sont en voie de l’être : faciliter la rupture amiable du contrat de travail ; rendre les syndicats plus représentatifs ; évaluer les politiques publiques. D’autres, enfin, sont neuves et risquent de provoquer des résistances considérables : ouverture à la concurrence des professions protégées (des taxis aux coiffeurs) ; instauration de la liberté totale des prix dans le commerce ; basculement des cotisations salariales vers les impôts indirects comme la TVA.

Jacques Attali souligne que son rapport est « prêt à être appliqué » et que « la fenêtre d’opportunité est très brève ». Mais son contenu est politiquement explosif dans un pays où diverses catégories - paysans, camionneurs, étudiants, etc. - ont pris l’habitude de s’opposer violemment aux réformes qui ne leur plaisent pas. D’où la question : que va faire Nicolas Sarkozy de ces propositions ?

« La main ne tremblera pas »

Dans un passé récent, d’autres rapports - celui de Michel Camdessus sur la croissance en 2004, celui de Michel Pébereau sur la dette en 2006 - avaient influencé le débat public, sans être vraiment appliqués. Cette fois, Nicolas Sarkozy promet que la mise en œuvre du rapport Attali commencera en février, et qu’un premier bilan sera tiré dans six mois. « Vous dites : il ne faut pas que la main tremble. Elle ne tremblera pas. Mais il faut qu’on explique [ces mesures] », a-t-il lancé à ses auteurs.

Pour le président, le rapport est l’occasion de redonner consistance et lisibilité à son programme de réformes, au moment où sa popularité s’effrite et où des doutes subsistent sur les priorités de son quinquennat. Il entend appliquer « une très grande partie » des propositions, mais en rejette d’autres, comme la suppression des départements (inutile et coûteuse politiquement, selon lui), la création de dix nouvelles villes écologiques ou la suppression du monopole des pharmaciens sur la vente de médicaments.

Sur un point crucial, Nicolas Sarkozy reste évasif : il ne dit pas s’il va baisser les prélèvements sociaux qui pèsent sur les salaires. Cela réduirait le coût du travail mais nécessiterait, comme en Allemagne, une hausse de la TVA qui pourrait faire augmenter les prix. « Vous parlez d’une quadrature du cercle... c’est pire ! » a estimé le président.

Sur le plan politique, en revanche, le rapport Attali a l’avantage immédiat d’augmenter la confusion au Parti socialiste. Celui-ci a condamné le rapport, tandis que Ségolène Royal, dont un conseiller, l’économiste Philippe Aghion, est l’un des auteurs, a fait des commentaires favorables.

Les propositions-phares du rapport
Sylvain Besson
• Abaisser le coût du travail : les salariés et les entreprises subissent de lourds prélèvements (80% du salaire net) pour financer les retraites et les dépenses de santé. Mais réduire ces cotisations impliquerait d’augmenter la TVA, ce qui pèserait sur la consommation.

• Investir dans la petite enfance : le but est de favoriser la « confiance primitive » de l’enfant, cruciale pour la réussite scolaire, en augmentant le nombre et en améliorant la formation des assistantes maternelles.

• Faire de Paris une grande place financière : le rapport propose de favoriser ce secteur en adoptant une réglementation financière et boursière calquée sur celle du Royaume-Uni.

• Autoriser un quatrième opérateur de téléphones mobiles : l’oligopole constitué des trois opérateurs actuels (Orange, SFR, Bouygues) permet le maintien de prix élevés. L’entrée d’un nouvel arrivant sur ce marché favoriserait une baisse des tarifs.

• Augmenter le nombre de taxis à Paris : avec 15300 véhicules, la capitale française est notoirement sous-équipée. Le rapport propose d’abolir les barrières à l’entrée de nouveaux taxis pour arriver à 60000 véhicules. Les professionnels ont déjà exprimé leur opposition.

• Supprimer les « niches fiscales » : quelque 60 déductions applicables à l’impôt sur le revenu « avantagent les plus riches », selon le rapport, et minent les finances publiques. Leur nombre devrait être réduit.

• Rétablissement de la concurrence dans le commerce : les lois votées par la droite pour protéger le petit commerce entravent la grande distribution, freinent l’emploi et nuisent au pouvoir d’achat. Nicolas Sarkozy se dit favorable à une libéralisation drastique, mais des réticences existent au sein de sa majorité.

• Augmenter l’immigration:les pays européens qui ont ouvert leur marché du travail aux étrangers (Suède, Irlande, Grande-Bretagne) ont bénéficié d’une croissance plus forte. Selon l’un de ses conseillers, Sarkozy n’est pas hostile à une augmentation de l’immigration économique. Mais c’est un sujet qu’il n’a pas mentionné en recevant le rapport.

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