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Soljenitsyne, des medias français aussi incultes qu’anti-communistes

Publie le jeudi 7 août 2008 par Open-Publishing
15 commentaires

Russie - La mort de Soljenitsyne

L’écrivain russe Alexandre Soljenitsyne vient de mourir à l’âge de 89 ans. Les autorités lui ont organisé des funérailles nationales et les « grands » de ce monde ont rivalisé de commentaires flatteurs, dont Sarkozy, Gorbatchev ou encore Poutine. Ce qui ne manque pas de sel, venant d’un ex-colonel du KGB, cette police politique qui, sous Staline et après, traqua ceux qui, tel Soljenitsyne, critiquaient le régime.

La disparition de Soljenitsyne a donné lieu à un déluge d’âneries sur fond d’un anticommunisme qui ne prend même pas la peine de se dissimuler.

Il y a ceux qui, comme son traducteur français, y voient « le cri qui a déclenché l’avalanche qui a fait tomber le régime communiste ». Rappelons que c’est Khrouchtchev qui le fit publier pour la première (et quasiment dernière) fois en URSS, en 1962. Qu’on sache, cela n’ébranla alors pas le régime. Ni ensuite, quand ses écrits furent interdits. Censure et police veillaient et, hormis de petits milieux intellectuels qui pouvaient lire, à leurs risques, des textes contestataires (en devant eux-mêmes les recopier - le fameux « samizdat »), l’immense majorité de la population n’eut malheureusement pas accès aux livres d’un Soljenitsyne, ni de nombreux autres auteurs dans son cas.

On a beau avoir ressassé que Soljenitsyne avait été le premier à dénoncer le « goulag » (l’institution dirigeant les camps), cela n’en fait pas une vérité pour autant. Cela ne témoigne que de l’inculture de certains commentateurs. Sinon de leur volonté d’occulter une vérité qui dérange : dès la fin des années Vingt en Union soviétique même, l’univers concentrationnaire et le totalitarisme staliniens furent dénoncés par Léon Trotsky et ses camarades.

Les trotskystes combattaient la dégénérescence stalinienne au nom des idéaux de la révolution d’Octobre et des acquis de la classe ouvrière que la bureaucratie stalinienne avait trahis et dénaturés. Cela, beaucoup préfèrent le taire. Et si ces gens encensent le Soljenitsyne devenu un fieffé réactionnaire, ils « oublient » que ce dernier, quand il avait 26 ans, reprocha à Staline d’avoir rompu avec la politique de Lénine. Une évidence qui lui valut d’être envoyé en camp, ce dont il tira la matière de ses premiers et plus intéressants ouvrages.

Quand Khrouchtchev lui donnait le feu vert...

Soljenitsyne devint subitement célèbre quand, sur instruction personnelle de Khrouchtchev, la revue Novy Mir publia son roman Une journée d’Ivan Denissovitch. Ce court récit de 24 heures de la vie d’un détenu s’inspirait de ce que l’auteur avait subi, comme de nombreux Soviétiques, dans les camps staliniens.

Arrêté au front pour avoir critiqué Staline dans une lettre privée, Soljenitsyne écopa de huit ans d’emprisonnement. Libéré le jour de la mort du dictateur, le 5 mars 1953, on ne l’autorisa à revenir de déportation qu’en 1956, après le 20e Congrès du PC soviétique : celui de la « déstalinisation », avec le « dégel » littéraire et artistique qui l’accompagna.

Il ne s’agissait en aucun cas d’une remise en cause de la dictature, mais d’une arme aux mains d’un Khrouchtchev. Celui-ci avait été un des piliers du régime de Staline et, après sa mort, occupait la première place. Discréditer le pouvoir personnel de Staline lui permettait d’affirmer le sien. Et de rassurer la couche bureaucratique dominante qui avait, elle aussi, pâti des méthodes du « petit père des peuples ».

C’est dans ce cadre que Khrouchtchev, alors au faîte de sa puissance, fit appel à des intellectuels et écrivains, et bien des fidèles de Staline lui emboîtèrent le pas. Ainsi le romancier Ilya Ehrenbourg, inventeur du terme de « dégel », ou Tvardovski, un ex-poète officiel de Staline : dirigeant Novy Mir, il publia le premier roman de Soljenitsyne sur les instances du Kremlin. Un recueil de ses nouvelles, La maison de Matriona, sortit encore officiellement. La direction de Novy Mir inscrivit même son auteur sur la liste de ceux auxquels on pourrait décerner le prix Lénine. Mais il ne fut pas question de publier les nouveaux romans sur les camps de Soljenitsyne, Le pavillon des cancéreux et Le premier cercle. Le régime n’en avait plus besoin.

Soljenitsyne expulsé d’URSS

Sous la troïka Brejnev-Kossyguine-Podgorny, qui renversa, fin 1964, un Khrouchtchev ayant concentré trop de pouvoir à son goût, les relations du régime avec Soljenitsyne, qui réclamait le droit de s’exprimer et d’être publié, se dégradèrent encore. En 1969, il fut exclu de l’Union des écrivains. Et en 1970, c’est en tant qu’adversaire déclaré du communisme - qu’il critiquait ouvertement dans la presse d’Occident, la seule qui s’offrait à lui - qu’il reçut le prix Nobel de littérature.

Surveillé en permanence par le KGB, il échappa heureusement au sort qui guettait habituellement la poignée de contestataires d’alors, les « dissidents » - l’envoi en hôpital psychiatrique ou en camp.

À la majorité de ces « dissidents », Soljenitsyne reprochait de vouloir réformer le régime, alors que lui combattait tout ce qui, de près ou de loin, évoquait même simplement les idées de progrès.

Pendant ses dernières années en URSS, Soljenitsyne, avec ses idées réactionnaires qui correspondaient à ce que pensaient de larges couches de la bureaucratie, comme on a pu le vérifier par la suite, a bénéficié d’une relative mansuétude du régime. Sans oublier la protection de personnalités de l’intelligentsia qui purent l’héberger jusque dans leurs datchas des « villages spéciaux » réservés à la nomenklatura.

Finalement, Soljenitsyne fut arrêté, puis expulsé du pays, en février 1974. Il venait de publier L’archipel du goulag à l’étranger car, en URSS, cela lui était interdit. Installé aux États-Unis pour un exil qui allait durer vingt ans, il put librement développer le fond de ce qui était devenu sa pensée : le nationalisme russe avec son cortège de mépris, sinon de haine pour les populations non slaves de l’ex-URSS ; le rejet de toute idée de progrès (il reprochait même à l’Occident ses « niaiseries sur les droits de l’homme ») ; le mysticisme ; l’idéalisation de la Russie des tsars ; un anticommunisme viscéral ; l’amour de l’ordre... Revenu en Russie en 1994, il glorifia Poutine, ses méthodes et sa guerre en Tchétchénie.

Ce ne sont pas ses idées obscurantistes qui l’avaient fait expulser d’URSS. Mais le fait qu’il avait, par ses romans, donné une image terrible, mais réaliste, de ce que le stalinisme avait fait de l’URSS et des Soviétiques. Cela, les hommages de tout ce que la planète compte de réactionnaires à ce qu’était devenu Soljenitsyne ne peuvent le retirer à l’auteur d’Une journée d’Ivan Denissovitch, du Pavillon des cancéreux et du Premier cercle.

Pierre LAFFITTE"

et pour montrer que quand des idées valent le coup, elles ne se retournent pas comme des gants en daim...

Des extraits d’un article sur Soljenitsyne qui date d’une LO de 1974 :

"Soljenitsyne expulsé : la liberté indésirable en URSS (extraits de l’éditorial de Lutte Ouvrière du 19 février 1974)

Nous reproduisons ci-dessous des extraits de l’éditorial, publié dans Lutte Ouvrière du 19 février 1974, après l’expulsion de Soljenitsyne hors d’URSS.

L’écrivain Alexandre Soljenitsyne vient d’être expulsé d’URSS. Motif officiel : il ne voulait pas se soumettre aux lois soviétiques. Il serait un nostalgique du passé, un écrivain réactionnaire qui remet en cause non seulement le régime actuel de l’Union soviétique, mais encore le socialisme lui-même. C’est sans doute vrai.

Mais, près de soixante-dix ans après la révolution, dans un pays où le socialisme, nous dit-on, s’épanouit pour le plus grand bonheur de la population, où il n’y a plus de monopoles, de puissances d’argent, où la classe ouvrière serait au pouvoir et où rien ne la menace, comment la simple critique d’un seul réactionnaire attardé constituerait-elle une si grave menace pour le régime ? Une menace telle qu’il faille à tout prix le faire taire ?

(...)

Nous ne partageons pas les idées de Soljenitsyne car nous sommes des militants du socialisme, mais nous soutenons son combat pour la liberté. Cette liberté, il la met au service d’une mauvaise cause. Mais la liberté en Union soviétique, cela serait avant tout la liberté pour les travailleurs de s’exprimer, de s’organiser, d’exercer tous les droits que la révolution leur a donnés et que les parasites du pouvoir leur ont confisqués.

Il n’y a pas de socialisme sans liberté. D’autres que nous le disent, il est vrai, avec hypocrisie. Mais la liberté dont nous parlons, la liberté pour les travailleurs, les producteurs, les opprimés du monde entier, ce n’est pas celle des Mitterrand et Guy Mollet. Ce n’est pas la liberté respectueuse du capitalisme, car le capitalisme, lui, ne respecte pas la liberté, il le montre tous les jours. C’est la liberté pour tous les producteurs de vivre dans une société débarrassée des injustices, des inégalités, et de toute la terreur attachée à l’exploitation de l’homme par l’homme, cette violation fondamentale de la liberté.

Et dans cette société-là, il n’y aura pas de nostalgiques du passé. Et s’il en existe un, elle n’aura rien à redouter en lui laissant la liberté de s’exprimer. "

Perso, le Pavillon des Cancéreux m’avaient toute tourneboulée quand j’ai eu 16 ans... Et je le conseille toujours. Pour moi, cet homme avait une grandeur dans la plume qui s’apparentait à celle de Tolstoï.

Une journée d’Ivan Denissovitch ne parle pas que des camps, il parle aussi (surtout) de l’instinct de survie de l’individu, de sa manière de positiver et de retrouver son humanité dans l’amour du travail bien fait...

J’aime aussi ’la maison de Matriona’ et le portrait de cette petite vieille de milieu populaire qui héberge le narrateur, et qui existe dans tous les pays du monde.

Bonnes vacances à vous...

Messages

  • Et si ces gens encensent le Soljenitsyne devenu un fieffé réactionnaire, ils « oublient » que ce dernier, quand il avait 26 ans, reprocha à Staline d’avoir rompu avec la politique de Lénine. Une évidence qui lui valut d’être envoyé en camp, ce dont il tira la matière de ses premiers et plus intéressants ouvrages.

    La sanction frappant Soljenitsyne n’a rien à voir avec une critique de Staline par rapport à Lénine, mais doit tout à un reproche fait à Staline de n’avoir pas recherché un accord avec Hitler (lettre de Soljenitsyne interceptée par la censure militaire soviétique). Critique que Soljenitsyne n’a, d’ailleurs, jamais reniée ! La discrétion méticuleuse que les turiféraires occidentaux de l’écrivain, par ailleurs critiques virulents de l’accord Molotov-Ribbentrop de 39, entretiennent sur ce sujet (tout comme LO) est symptomatique du rôle strictement anti-coimmuniste que la bourgeoisie a réservé au talent de cet écrivain.

    CN46400

  • Le problème est que le "goulag" décrit par Soljenytsine dans son bouquin n’est pas une description "scientifique" des conditions de vie qui y régnaient mais bien un pamphlet politique anti-communiste ( "antistalinien" diront les trotskystes) écrit après et avec l’aide de Kroutchev soucieux de démolir son prédécesseur. D’ailleurs, Soljenytsine a été condamné en 1946 à 8 ans de goulag pour "propagande anti-soviétique" ce qui est compréhensible en lisant ses fameux "carnets de guerre" où il ne fait que critiquer la façon dont l’URSS a géré le conflit ( alors que les généraux soviétiques étaient largement compétents ). Avec en prime son amour pour la Russie des Tzars et l’Eglise orthodoxe, c’est presque logique sa condamnation, avec ou sans "stalinisme".

    • Le cas Soljénytsine est surtout symptomatique de la cécité politique des post-staliniens (Kroutchev, Brejnev and Co). Libre , il aurait, indirectement, par son passéisme même, grandement servi le communisme ; brimé, il est à la base de l’équation divine de la bourgeoise : communisme= nazisme.

      C’est sur lui que repose le "livre noir du communisme", et Anne Appelbaum avec ses 18 millions de pensionnaires du goulag en 24 ans, soit 1% en 1950 (1) de la population soviètique (contre 0.1 en 1929) a dû trouver un terme moyen entre les approximations soljenytsiniennes et les réalités des archives, pour ne pas risquer de voir son étude boycottée pour chiffres insuffisants !

      Par contre je suis toujours surpris (ici par LO) par les réactions de communistes qui ne cherchent pas à expliquer, autrement que par la personnalité de Staline, la dérive dont témoigne le Goulag. Comme si le choix politique "NEP-Socialisme dans un seul pays" n’était pour rien dans la recherche d’une force de travail au plus bas prix possible pour réaliser l’incontournable accumulation primitive du capital.

      (1) Chiffre maximum, équivalent à la population carcérale actuelle des USA (10 fois la France actuelle). AA table sur des condamnations moyennes de 2 ans, ce qui, par exemple, permet de multiplier par 4 le chiffre global par rapport à une moyenne de 8 ans (peine de Soljenytsine), chiffre qui occulte aussi les condamnations succéssives.

      CN46400

    • (1) Chiffre maximum, équivalent à la population carcérale actuelle des USA (10 fois la France actuelle).

      Vous oubliez plusieurs choses. 1. Un grand nombre de déportés au goulag n’étaient ni des prisonniers de droit commun ni même des opposants politiques. C’était des gens accusés faussement et arbitrairement. Ils n’étaient coupables de rien. Ils n’avaient rien fait. Oser comparer le sort d’innocents en URSS et le sort de coupables (prisonniers de droit commun) aux USA ou en Europe est indigne. 2. Des centaines de milliers de zeks sont morts en déportation, soit de faim ou de maladie, soit directement assassinés. Leur sort n’a évidemment rien à voir avec celui des prisonniers de droit commun dans les pays démocratiques, qui finissent généralement par retrouver la liberté après avoir purgé leur peine pour des délits qu’ils ont commis.

    • "avec ses 18 millions de pensionnaires du goulag en 24 ans, soit 1% en 1950 (1) de la population soviètique"

      euh... y avait plus de Soviétiques en 1950 que de Chinois en 2008 ?
      Ne s’agit-il pas plutôt de 10 (10 !)% de la population de l’époque ?

      Brunz

    • A transmettre à 10 personnes.

      AUTEUR : Maria Castro, 5 mars 2007

      Traduit par Traduit par Gérard Jugant et révisé par Fausto Giudice

      La situation actuelle du continent africain est la plus grande condamnation du système capitaliste, elle reflète d’une manière graphique et exacte la définition que fit Lénine du capitalisme, un système d’ « horreur sans fin ». La souffrance des masses africaines apparaît sporadiquement dans les médias quand la situation de famine, douleur ou génocide atteint un niveau tel qu’il est difficile de le cacher. Il est difficile de résumer en peu de pages la situation mais nous allons essayer de faire une première approximation.
      La guerre, la dévastation, la pauvreté, toutes les calamités qui affligent les masses africaines n’ont rien à voir avec leur supposée nature « sauvage », elles ne sont pas enracinées dans sa culture ni dans son histoire, elles sont seulement l’héritage qu’ont laissé le colonialisme et l’impérialisme. A la fin de la Seconde Guerre Mondiale il n’y avait que trois pays indépendants dans tout le continent, et c’est dans les années 60 que la grande majorité accédèrent à l’indépendance. Après plusieurs décennies il est plus qu’évident que l’indépendance était seulement « formelle », ce n’est que la forme de domination sociale et économique qui a changé. L’ « indépendance » n’ pas été un cadeau altruiste des puissances impérialistes mais la conséquence des luttes des masses africaines qui s’incorporèrent comme un ouragan au processus de la révolution coloniale. Dans beaucoup de cas, ces mouvements provoquèrent l’apparition de régimes bonapartistes qui cherchèrent à suivre le modèle de Moscou (Éthiopie, Somalie, Mozambique, Angola, etc.) et permirent certaines améliorations des conditions de vie des masses de ces pays.
      Mais l’écroulement de l’Union Soviétique eut également des conséquences désastreuses pour le continent. La simple existence de l’URSS servit de frein aux ambitions déprédatrices des puissances impérialistes, mais avec sa disparition s’ouvrit la boîte de Pandore. Durant les années 80 furent perdues les quelques conquêtes obtenues précédemment et depuis l’appauvrissement de tout le continent a été continu. La source de cette pauvreté n’est pas « naturelle », comme beaucoup cherchent à nous le faire croire, elle n’a rien à voir avec les sécheresses, les inondations, le manque de machines adéquates, etc., tout cela, en dernière instance, accentue les problèmes et les conséquences de ces calamités. La pauvreté est le produit direct de l’économie capitaliste, un exemple suprême du processus que Marx décrivit dans Le Capital : « L’accumulation de richesse dans un pôle est en même temps accumulation de misère, tourments au travail, esclavage, ignorance, abrutissement et dégradation morale dans le pôle opposé, là où se trouve la classe qui produit son propre produit comme Capital » (Karl Marx, Le Capital, Livre I, chap.23).

      Énorme richesse et énorme misère
      L’Afrique est peut-être le continent le plus riche de la planète. Dans son sous-sol on trouve une énorme quantité de ressources naturelles qui permettraient à ses peuples de vivre dans l’abondance. Pourquoi cette richesse n’est-elle pas utilisée au bénéfice du peuple africain ? L’économie mondiale est dominée par les pays les plus riches et les multinationales (500 d’entre elles contrôlent 70% du commerce mondial). Cette domination est l’un des principaux facteurs qui bloquent le développement économique de tous les pays anciennement colonisés, que ce soit en Afrique ou en Amérique latine.
      Durant les années de domination coloniale aucun des pays impérialistes ne s’est préoccupé du développement industriel et économique de ses colonies. Ils les maintinrent consciemment sous-développées, les transformant en économies dédiées quasi exclusivement à l’exportation de matières premières pour l’Occident. Mais les prix des matières premières sont déterminés par les multinationales (elles contrôlent plus de 50% du commerce des pays ex-coloniaux) et les pays riches, qui les maintiennent bas, ce qui leur permet de pouvoir fabriquer ainsi leur produits à un coût moindre. Mais en même temps ils obligent les pays du Tiers Monde à acheter leurs produits manufacturés aux prix de l’Occident, provoquant un commerce inégal et très défavorable pour les pays les plus pauvres.

      Le poids de la dette
      L’endettement du continent africain est une énorme charge qui empêche toute avancée, aussi minime soit elle. La dette a augmenté dans toute cette période quatre fois plus que les revenus obtenus par l’exportation. La charge de la dette dépasse le double de celle des autres régions du monde. Selon la Banque Mondiale, l’Afrique reçoit chaque année 13.000 millions de dollars au titre de l’aide et en même temps débourse annuellement 15.000 millions de dollars au titre du paiement de la dette. Le continent africain est devenu un pays exportateur de capital net au monde développé. Actuellement la dette de l’ensemble du continent dépasse les 300.000 millions de dollars.
      A cela il faut ajouter les programmes d’ajustement structurel (PAS) imposés par le FMI et la Banque mondiale. Les PAS sont des programmes qu’impose le FMI à tout pays qui demande des prêts, à l’exception des USA qui sont le principal débiteur de la planète. Depuis 1980, 36 pays africains ont appliqué ces programmes avec des effets dévastateurs pour leurs économies respectives. Parmi les mesures qui sont imposées il y a la réduction drastique des dépenses publiques, c’est-à-dire des dépenses sociales, l’augmentation de l’exportation de matières premières vers l’Occident à bas prix, la privatisation des entreprises publiques et l’accès libre pour les multinationale.
      Au Ghana, par exemple, le gouvernement a dû privatiser plus de 130 entreprises pour satisfaire aux exigences du FMI, y compris l’industrie minière qui est la principale source de revenus du pays. Toutes les barrières douanières ont été éliminées et il a été mis fin aux subventions à la santé et à l’éducation. Quel a été le résultat de toutes ces mesures ? Un taux de chômage supérieur à 20%, une hausse de la nourriture et des services de base. Le PIB par habitant en 1998 était inférieur (390 dollars) à celui de 1975 (411 dollars). La population qui vit avec un dollar par jour est de 78,4% et 75% n’a pas accès aux services de santé. Au profit de qui ? Des multinationales qui possèdent aujourd’hui 85% de l’industrie minière et rapatrient 95% de leurs bénéfices à l’étranger.

      Zone stratégique pour la survie du capitalisme
      Au cours des vingt dernières années l’Afrique est devenue une zone stratégique pour l’impérialisme. Dans une situation de déclin du système capitaliste la lutte pour les marchés et sphères d’influence entre les différentes puissances impérialistes a pris un caractère violent et c’est sur le continent que s’exprime le mieux ce processus. Le sous-sol africain détient 9% des réserves mondiales de pétrole (100.000 millions de barils) avec des caractéristiques géologiques extraordinaires, l’indice de réussite des forages est de 50% alors qu’il n’est que de 10% dans le reste du monde. Il dispose de 90% des réserves mondiales de cobalt, de 90% du platine, de 40% de l’or, de 98% du chrome, de 64% du manganèse et d’un tiers des réserves d’uranium. En outre les multinationales et les pays impérialistes, avec l’aide des régimes africains corrompus, extraient ces ressources à un coût ridicule, avec une main d’oeuvre pratiquement esclave, dont des milliers d’enfants.
      Ce continent est aussi la région du monde la plus frappée par les guerres. Durant la décennie 90, 32 des 53 pays qui composent le continent ont souffert d’un conflit armé. Ces dernières années on a vu des images effroyables des conséquences de ces guerres, des génocides comme celui qu’a connu le Rwanda, des guerres civiles sanglantes comme celle de l’Angola, du Mozambique ou du Congo. Beaucoup prétendent qu’il s’agit d ’un destin inexorable, où l’ « homme blanc » ne peut rien faire. Mais ce n’est pas vrai.
      Dans chacune des guerres qui a dévasté le continent africain ces dernières décennies il y a eu derrière l’une ou l’autre puissance impérialiste. Sur les douze dernières guerres les USA ont fourni armes et entraînement militaire à onze des participants. En 2002 le World Policy Institute, basé à New York, a publié un rapport qui révèle que les USA ont envoyé 1.500 millions de dollars en armes et formation militaire à l’Afrique durant la guerre froide (1950-1989). De 1991 à 1995 les USA ont procuré de l’aide militaire à 50 pays d’Afrique et entre 1991 et 1998 la vente d’armes et de programmes de formation militaire à l’Afrique s’est élevée à 227.000 millions de dollars.

      La guerre en République Démocratique du Congo
      Peut-être le meilleur exemple du rôle que joue l’impérialisme dans les guerres africaines es-il la guerre en République Démocratique du Congo (RDC), qui a duré six ans et a fait plus de trois millions de morts. Ce pays se trouve en plein coeur de l’Afrique et est le plus riche du continent en matière de ressources naturelles, avec 30% des réserves mondiales de cobalt, 10% de celles de cuivre, outre de l’or, de l’uranium et le plus important, du pétrole. En plus par son territoire passe le fleuve Congo, comparable à l’Amazone, et qui contient 40 à 50% des réserves en eau du continent. La centrale hydroélectrique d’Inga pourrait fournir de l’électricité à toute l’Afrique australe. Un exemple de la richesse minérale est que la moyenne mondiale d’extraction d’or par tonne de terre déplacée est de 11 grammes, alors qu’ au Congo elle est de 6 à 7 kilos, avec des zones où on obtient 16 kilos. Avec seulement la moitié de l’or extrait de la mine Sezere on pourrait payer la dette externe du pays. La valeur du cuivre et le cobalt qu’on trouve dans les résidus de la mine de Kolwezi est évaluée à 16.000 millions de dollars. Et le plus important est le coltan, un minerai rare à l’échelle de la planète, fondamental (pour son peu de poids et ses propriétés superconductrices) pour la fabrication de mobiles, satellites, réacteurs nucléaires, missiles, pièces de vaisseaux spéciaux... et que jusqu’à ces dernières années on ne trouvait qu’en Thaïlande, au Canada, au Brésil, en Bolivie et en Australie. Jusqu’à ce qu’on découvre que le sous-sol congolais contenait 80% des réserves mondiales de ce minerai.
      Le conflit a commencé quand en 1998 le Rwanda et l’Ouganda (deux gouvernements à la solde des USA) occupèrent une partie de territoire congolais avec l’intention de contrôler les mines de coltan. Le Rwanda, par exemple, en 18 mois obtint des bénéfices de 250 millions de dollars avec la vente de ce minerai. É la fin six pays, outre le Congo, participèrent à la guerre : le Zimbabwé, l’Angola, la Zambie, la Namibie, le Rwanda et l’Ouganda, une guerre que l’on qualifia de « première guerre mondiale africaine ». Derrière chacune des armées il y avait l’une ou l’autre des puissances impérialistes qui tentait de mettre sa patte sur la richesse naturelle de ce pays. Les USA envoyèrent des armes et de l’aide militaire aux six armées !
      Extraction de coltan par des enfants-esclaves et des prisonniers
      Des entreprises comme Nokia, Sony, IBM, Intel, etc., s’intéressèrent à ce pays et créèrent toute une série d’entreprises, dans certains cas « fantômes », pour obtenir les contrats d’exploitation. La majeure partie du coltanE extrait a pour destination les USA, l’Allemagne, la Belgique et le Kazakhstan. Les bénéfices sont énormes, dans les mines travaillent plus de 20.000 mineurs dans des conditions infra-humaines, gagnant 10 dollars pour chaque kilo de minerai qui ensuite est vendu 250 à 300 dollars sur le marché de Londres.
      En dépit de son énorme richesse ce pays est enfoncé dans la misère. Sur les 60 millions d’habitants, 75% vivent avec un dollar par jour, moins de 20% ont accès à l’eau potable et à l’électricité. Il y a deux ans s’est « officiellement » terminée la guerre et le pays jouit d’une certaine « stabilité » politique et d’une croissance économique. Kabila, qui vient de remporter les élections, est parvenu à réduire l’inflation, qui reste la plus élevée du monde, à réactiver l’industrie minière et à faire croître l’économie, une croissance de 5% du PIB en 2005. Mais la situation est extrêmement instable et à tout moment la guerre peut reprendre.

      ********************************

      La misère aux Etats-Unis et dans le monde ? Une horreur provoquée par les riches.

      Les goulags capitalistes. Ex : 30 000 enfants qui meurent de faim chaque jour.

    • 18 millions est le chiffre total (24 années=1929-1953) donné par Anne Appelbaum (200 000 (mini) en 1929 et 2 500 000 (maxi) en 1950).

      Pour 91-139-

      Vous oubliez plusieurs choses. 1. Un grand nombre de déportés au goulag n’étaient ni des prisonniers de droit commun ni même des opposants politiques. C’était des gens accusés faussement et arbitrairement. Ils n’étaient coupables de rien. Ils n’avaient rien fait. Oser comparer le sort d’innocents en URSS et le sort de coupables (prisonniers de droit commun) aux USA ou en Europe est indigne

      C’est exact, il y avait au goulag, des droits communs (Lenine avait préconisé ce système pour eux, préférant les faire travailler que de les laisser croupir dans des prisons), des politiques (trotskistes ou considérés comme tels, des koulaks de droite comme Soljénitsyne ou le père de Eltsine...etc), des peuples punis collectivement (Tatars, Tchétchènes, allemands de la Volga...etc) pour collaboration avec l’envahisseur nazi, et une infinité de "voleur de poules" envoyés là pour remplir les quotas demandés aux autorités régionales. La comparaison avec la population carcérale actuelle des USA ou de France sert simplement à mesurer le poids sociétal du système, pas à comparer les détenus.

      2. Des centaines de milliers de zeks sont morts en déportation, soit de faim ou de maladie, soit directement assassinés.

      La mortalité au goulag n’est pas différente de celle constatée dans le reste de la population suivant les périodes. C’est facile à comprendre quand on sait que le but principal de cette administration était de fournir de la main d’oeuvre quasi gratuite. Les assassinats (executions de la Grande Purge) ont eu lieu ailleurs, il n’y a pas de fosses communes au goulag ! On a bien plus de chances de revenir du goulag que des camps hitlériens.

      Leur sort n’a évidemment rien à voir avec celui des prisonniers de droit commun dans les pays démocratiques, qui finissent généralement par retrouver la liberté après avoir purgé leur peine pour des délits qu’ils ont commis

      Et pourtant si, et c’est une autre des différences avec les camps nazis ; comme nos condamnés, ils avaient subis un jugement et étaient munis d’une condamnation en bonne forme. A l’issue de leur peine ils recouvraient la liberté, ce qui ne les garantissait nullement d’un retour en cas de récidive. C’est pour cela, entre autre que le chiffre de AA est un maximum puisque la récidive compte pour un (par exemple 10% de récidive donnerait 16.2 millions de zek au lieu de 18)

      CN46400

    • je m’disais aussi que ça faisait beaucoup de monde... :)
      merci pour ces précisions !

      Brunz