Accueil > Subprime : la digue des monolines commence à céder

Subprime : la digue des monolines commence à céder

Publie le samedi 22 décembre 2007 par Open-Publishing

Subprime : la digue des monolines commence à céder

20 décembre 2007

S&P a révisé à la baisse sa notation de la compagnie ACA Financial Guaranty Corp, la faisant passer de « A » à « CCC ».

Cette monoline, qui assure les détenteurs de titres qu’elle garantit contre les pertes de capital ou de revenus, est désormais rétrogradée au niveau « junk, » 8 crans en dessous de la note « investissement » permettant d’être considéré comme une entreprise fiable.

L’agence S&P estime donc que ACA pourrait ne pas être en mesure de faire face à ses engagements.

La semaine dernière, la SEC avait retiré ACA de la liste des entreprises cotées en bourse. L’action ne valait plus que 40 centimes, contre 15 dollars cet été.

S&P prévoit qu’elle pourrait subir 2,2 milliards de pertes, alors qu’elle ne dispose que de 650 millions de capital.

L’agence de notation, qui a effectué une réévaluation générale des assureurs obligataires, pourrait aussi dégrader la note de FGIC, une autre monoline.

Elle considère également que les perspectives sont « négatives » pour Ambac (graphique : ABK) et MBIA (MBI), les deux majors du secteur, mais a choisi de préserver leur note pour le moment.

Selon Bloomberg, au 30 juin, ACA assurait pour 61 milliards de titres, dont 26 milliards sont adossés à des crédits hypotécaires.

MBIA garantit pour 650 milliards, Ambac 546 et FGIC 314 milliards.

MBIA a révélé hier qu’elle était exposée à hauteur de 30 milliards sur les titres hypothécaires, dont 8 sur des CDO synthétiques, jugés plus dangereux.

Le cours de l’action a baissé de 26% aujourd’hui, et l’agence de notation Fitch a indiqué qu’elle pourrait reconsidérer la note « AAA » attribuée à MBIA si l’entreprise ne trouvait pas rapidement 1 milliard de dollars pour se refinancer.

Bloomberg a calculé que si les monolines perdent leur note d’excellence, cette baisse serait répercutée sur 2 000 milliards de titres, dont une part importante devrait alors être vendue à perte.

Staturairement, de nombreux fonds d’investissements privés ou publics n’ont pas le droit de détenir des titres de qualité inférieure à la norme « investissement », afin de protéger les intérêts des déposants. Lorsque la note de l’assureur est dégradée, celle de l’ensemble des titres qu’il garantit l’est du même coup, ce qui oblige les détenteurs à s’en débarasser.

Plus grave encore, si l’assureur fait défaut, les banques qui ont fait appel à lui devraient éponger une perte sèche. Parmi ses clients, ACA compte UBS, West LB, Bank of America, Citigroup, Merrill Lynch et Bear Stearns.

La banque canadienne CBIC a annoncé qu’elle allait sans doute procéder à une dépréciation d’actif importante car ACA assurait pour 3,5 milliards de son portefeuille d’avoirs subprime.

Merrill Lynch, qui avait fait appel à l’entreprise pour garantir 5 milliards, pourrait avoir à passer 3 milliards de pertes, estime Roger Freeman, analyste chez Lehman.

Le Crédit Agricole a annoncé aujourd’hui 2,5 milliards d’euros de dépréciations, dus pour partie à la situation d’ACA.

Le test de résistance des CDS

Les contrats de protection contre les défaillances d’emprunteur portent le nom de Credit Default Swap (CDS).

Ils ont connu une progression exponentielle ces dernières années, passant d’un montant total assuré, appelé notionnel, de 6 400 milliards en 2004 à 42 600 milliards aujourd’hui, selon la Banque des Règlements Internationaux.

Ces instruments n’ont jamais été mis sérieusement à l’épreuve, et de nombreux observateurs doutent de leur fiabilité.

Les entreprises ayant accepté de couvrir les risques ne disposent pas le plus souvent des provisions nécessaires en cas de pertes importantes. L’investisseur Warren Buffet avait qualifié ce système « d’arme de destruction financière massive. »

Durant les douze derniers mois, le notionnel des contrats CDS d’ACA a plus que doublé de volume, passant d’un total de 30 milliards à 70 milliards le 30 septembre.

Contrairement à la plupart de leurs homologues, les banques Goldman Sachs et Lehman Brothers ont annoncé des gains importants sur le marché des titres hypothécaires, grâce à leur utilisation des CDS.

Certains observervateurs s’interrogent cependant sur la réalité de ces chiffres. « Si vous avez signé des contrats tellement profitables qu’ils ruinent votre contrepartie, alors vous ne toucherez rien du tout sur ces contrats, » met en garde Jim Keegan, un gestionnaire de portefeuille chez American Century Investments.

Les banques à la rescousse

Le New York Times révèle aujourd’hui que Bears Stern et Merrill Lynch étudient, en liaison avec plusieurs banques, un plan de sauvetage de ACA.

Pour les banques, il est préférable de mettre sous perfusion ACA plutôt que d’avoir à enregistrer de nouvelles pertes dans leurs bilans.

« En renflouant les monolines elles se renflouent elles-mêmes, car les assurances dont elles pensaient bénéficier n’en sont pas réellement, » juge Toby Nangle, gestionnaire de fonds chez Baring Asset Management.

http://contreinfo.info/article.php3?id_article=1532